Etats-Unis: Catholiques et anglicans avancent dans leur réflexion commune sur la Vierge
«Marie: Grâce et Espérance dans le Christ»
Rome, 19 mai 2005 (Apic) La Commission internationale catholique-anglicane (ARCIC) réunie à Seattle, aux Etats-Unis, vient de publier un document intitulé «Marie: Grâce et Espérance dans le Christ». Ce 5e document de l’ARCIC, mais premier sur la Vierge, est le produit d’une réflexion commune de l’Eglise catholique et de la Communion anglicane sur la personne de la Vierge Marie et sur sa place dans leur foi.
Le nouveau document, rendu public lundi 16 mai, manifeste une sérieuse avancée dans le dialogue catholico-anglican, et la volonté des deux Eglises de dépasser leurs divisions doctrinales concernant la Vierge.
«Nous croyons que l’accord est le produit d’une re-réception par les anglicans et les catholiques romains de la doctrine sur Marie et qu’il indique la possibilité d’une réconciliation ultérieure dans laquelle les problèmes concernant la doctrine et la dévotion à Marie ne soient plus considérés comme divisant la communion ou comme un obstacle à une nouvelle étape de notre croissance dans la koinonia – communauté – visible». Tels sont les propos des co-présidents de l’ARCIC Mgr Alexander J. Brunett, l’évêque de Seattle, et l’archevêque Peter F. Carnley, primat de l’Eglise anglicane d’Australie, dans la conclusion de leur déclaration co-signée le 2 février 2004 à Seattle mais rendue publique le lundi de Pentecôte.
«Marie: Grâce et Espérance dans le Christ» est un document en anglais d’une cinquantaine de pages. Préfacé par les deux co-présidents de la Commission, il est écrit en 80 points répartis en 4 chapitres – ’la Vierge selon les Ecritures’, ’Marie dans la tradition chrétienne’, ’Marie au sein du modèle de grâce et d’espoir’, ’Marie dans la vie de l’Eglise’ – sans compter l’introduction et la conclusion.
Conformer le culte de la Vierge aux Ecritures bibliques
Sa nouveauté consiste surtout en la reconnaissance par les deux parties du contenu des dogmes mariaux catholiques de l’Immaculé Conception (1854) et de l’Assomption (1950), même si les anglicans ne reconnaissent pas le caractère pontifical des dogmes. Si «Marie: Grâce et Espérance dans le Christ» est le premier document sur la Vierge publié par l’ARCIC, un passage de l’accord «Autorité de l’Eglise II» publié en 1981 se référait déjà à Marie. La déclaration de 2005 réaffirme les principes déjà validés en 1981, qui soulignent l’importance de conformer le culte de la Vierge aux Ecritures bibliques.
«Nous reconnaissons Marie comme modèle de sainteté, de foi et d’obéissance pour tous les chrétiens, et que Marie peut être considérée comme une figure prophétique de l’Eglise», réaffirment ainsi les représentants de l’ARCIC dans la conclusion du document de 2005. «Nous reconnaissons la bienheureuse Vierge Marie comme (.) la mère du Dieu incarné, observons aussi ses fêtes et lui accordons son honneur parmi les saints», soulignent-ils. Ils rappellent encore que «Marie a été préparée par la grâce à être la mère de notre Rédempteur, par lequel elle-même a été sauvée et reçue dans la gloire».
Un document qui n’a pas de valeur autoritaire
Les signataires du document précisent toutefois qu’»aucune interprétation du rôle de Marie ne doit obscurcir l’unique médiation du Christ» et que «toute considération de Marie doit être liée aux doctrines du Christ et de l’Eglise». La réflexion poursuivie ces cinq dernières années par la commission catholico-anglicane – qui n’a pas de valeur autoritaire, mais dont la publication a été autorisée par l’Eglise catholique romaine et la Communion anglicane – «approfondit et étend ces points d’accords» de 1981 «les intégrant à une étude complète de la doctrine et de la dévotion associées à Marie», selon les auteurs de la déclaration.
A partir d’une étude des Ecritures et de la Tradition commune aux deux Eglises jusqu’au XVIe siècle et la naissance de l’Eglise anglicane, des réactions des Réformateurs aux excès dévotionnels moyenâgeux, ainsi que des développements ultérieurs des deux Eglises, les 18 membres de l’ARCIC sont parvenus à approfondir leur accord commun sur la Vierge. Outre le fait de les mener «à la conclusion qu’il est impossible d’être fidèle à l’Ecriture sans donner de l’attention à la personne de Marie», cette étude leur a permis un plus large «consensus concernant Marie».
Pas de division sur le sujet entre catholiques et anglicans
«Nous affirmons ensemble», notent-ils à la fin du document, «que Marie a un ministère continu qui sert le ministère du Christ, notre unique médiateur, que Marie et les saints prient pour l’Eglise entière, et que la pratique de demander à Marie et aux saints de prier pour nous ne divise pas la communion» catholico-anglicane. Les Communions catholique et anglicane justifient ainsi leur culte et dévotion commune pour la Vierge.
Les signataires du document reconnaissent aussi «que le travail rédempteur du Christ remonte à Marie dans les profondeurs de son être et dans ses premiers débuts», affirmation légitimant le dogme catholique de l’Immaculée Conception proclamé par Pie IX en 1854. «L’enseignement disant que Dieu a pris dans sa gloire la bienheureuse Vierge Marie dans la plénitude de sa personne est en consonance avec l’Ecriture», affirment-ils encore, validant ainsi l’idée d’Assomption de la Vierge, dont le dogme catholique a été proclamé par Pie XII en 1950.
Des propos confortés par l’affirmation suivante: «l’enseignement sur Marie dans les deux définitions de l’Assomption et de l’Immaculée conception, comprises au sein du modèle biblique de l’économie de la grâce et de l’espérance, peut être dit consonant avec l’enseignement des Ecritures et des traditions anciennes communes».
Un nouveau contexte oecuménique
Cet «accord, accepté par les deux communions, placerait les questions sur l’autorité qui découlent des deux définitions de 1854 et de 1950 dans un nouveau contexte oecuménique», concluent-ils toutefois. Les anglicans qui n’admettent en effet pas l’infaillibilité pontificale, puisqu’ils ne reconnaissent pas l’autorité du pape, remettent aussi en question celle des formulations dogmatiques.
Dans la préface du document, les co-présidents de l’ARCIC soulignent que «les définitions dogmatiques faisant partie intégrante de la foi des catholiques sont en grande partie extérieures à celle des anglicans». Quoiqu’il en soit, même si les derniers travaux de l’ARCIC n’ont jusqu’ici pas fait l’objet d’une réception officielle par l’Eglise catholique, les signataires du document espèrent une réponse du Saint-Siège et de la Communion anglicane dirigée par le primat Rowan Williams. AR/JB
Encadré
Un travail sur Marie commencé en 1999
La déclaration de l’ARCIC a été présentée dans la cathédrale Saint-James à Seattle aux Etats-Unis, à l’occasion d’une liturgie solennelle des vêpres, le 16 mai 2005. La Commission qui a préparé le document marial était constituée de 18 membres nommés par le Bureau de la Communion anglicane et le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens et présidée par Mgr Alexander J. Brunett et l’archevêque de Perth (Australie) Peter F. Carnley.
Elle avait commencé son travail sur Marie en 1999 et complété le texte en février 2004. Le document est le cinquième élaboré par la Commission depuis son institution en 1982 sous mandat de Jean Paul II et du primat anglican d’alors, Robert Runcie. Les deux premiers textes de l’ARCIC correspondant à sa première phase de travail (1970-1981) portaient sur l’Eucharistie, le ministère et l’autorité de l’Eglise. Les trois autres, sur le salut et la justification, la nature de l’Eglise, la morale, l’autorité de l’Eglise et le rôle de la Vierge dans la doctrine et la vie de l’Eglise, ont marqué la seconde phase du travail de l’ARCIC, de 1983 à aujourd’hui.
L’ARCIC est, depuis 1982, l’instrument officiel de dialogue théologique entre l’Eglise catholique et les Eglises de la Communion anglicane. Ses textes ne sont en revanche pas considérés comme une émanation de l’autorité de l’Eglise catholique et de la Communion anglicane, qui se réservent de l’étudier ultérieurement et d’en évaluer le contenu. (apic/imedia/ar/be)