Etats-Unis: «Newsweek» analyse le discours religieux du président Bush
Deux Américains sur trois cautionnent ce «regain de moralité»
Washington, 4 mars 2003 (Apic) Depuis les attentats du 11 septembre 2001, le président des Etats-Unis s’illustre par des discours à fort contenu religieux. De la mission divine des Etats-Unis à l’axe du mal, personnifié par Oussama Ben Laden et Saddam Hussein, George W. Bush exploite le filon de la religion dans sa ligne politique. L’hebdomadaire américain «Newsweek», dans son édition du 3 mars, révèle les ficelles tant personnelles que politiques de cette rhétorique. Un sondage effectué par le magazine indique que 62% des citoyens saluent ce «regain de moralité» à la Maison blanche.
Dans une interview récemment accordée par George W. Bush à cet hebdomadaire, tiré à 4 millions d’exemplaires, figurent des phrases grandiloquentes sur «Ben Laden et sa cohorte», de même que sur le président irakien. Tous deux incarnent le mal en personne, aux yeux du président des Etats-Unis.
Ces expressions religieuses sont devenues monnaie courante dans les propos présidentiels. George W. Bush a récemment déclaré: «les Etats-Unis sont appelés à apporter à tout être humain dans le monde le don de Dieu qu’est la liberté», «Derrière chaque vie et toute histoire, il y a un destin et un but, tenus par la main de Dieu. C’est pourquoi l’Amérique ne peut échouer».
Ainsi, des notions bibliques telles le combat du «bien contre le mal», du «Christ contre Satan» ou encore de «la lumière contre les ténèbres», font écho à l’opposition entre l’Amérique et l’Irak ou entre Bush et Saddam, remarquent les reporters de «Newsweek». Cette culture biblique du président ne est lui cependant pas tombée du ciel. Ses discours sont rédigés, entre autre, par Michael Gerson, un diplômé de l’Université confessionnelle «Wheaton College» en Illinois, surnommée le «Harvard évangélique». Mais cette religiosité présidentielle a des racines plus profondes.
Adieu Jack Daniels, bonjour Jésus
Selon le reportage de «Newsweek», le problème d’alcoolisme qu’a connu George W. Bush n’est pas étranger à sa ferveur. Déjà marqué par une éducation religieuse très stricte, le président est ce qu’on appelle un «born again» (né à nouveau). Cette expression désigne les personnes qui ont connu un retour à la religion. Elle est généralement en cours dans les milieux protestants.
A l’âge de 40 ans, l’actuel président des Etats-Unis était alcoolique. Pour parvenir à se désintoxiquer, il a compensé son manque par la ferveur religieuse, explique l’analyse de «Neewsweek». Il a pris part à une thérapie de groupe, ainsi qu’à des réunions religieuses. Selon un des ses amis, c’est alors que le président «a dit adieu à Jack Daniels (le fameux whisky) et bonjour à Jésus».
La religion comme ligne politique
Le recours à la religion chrétienne assure au président l’appui de nombreux croyants conservateurs, notamment la très importante Convention des baptistes du Sud. Cependant, il n’hésite pas rechercher les faveurs des autres confessions. George W. Bush a, par exemple, envoyé le théologien catholique conservateur Michael Novak défendre la notion de guerre juste jusque dans les couloirs du Vatican. Les musulmans ont également droit à toute l’attention présidentielle. George Bush junior a accueilli des soupers de ramadan et va jusqu’à oser, de temps en temps, une critique contre le prosélytisme de certains évangélistes à l’égard de l’islam.
Il n’y a pas que le combat de la «lumière» contre l’Irak qui illustre la politique religieuse du président Bush. Plusieurs décisions de politique intérieure en portent la marque. Par exemple, l’autorisation pour les églises, mosquées et synagogue d’utiliser des fonds fédéraux pour leur programme sociaux. Mais aussi, l’interdiction de certaines techniques d’avortement, l’introduction de sévères limites pour la recherche sur les cellules souches, ou encore la création d’un fond pour encourager l’abstinence sexuelle dans les écoles.
Une solide opposition
Le président Bush n’a pas pour autant réussi à se mettre l’establishment religieux dans la poche. Tous les citoyens des Etats-Unis ne sont pas des cow-boys de la Bible. Les évêques catholiques condamnent la guerre préventive, à la suite du pape. Le Conseil national des Eglises est aussi défavorable à une intervention militaire en Irak. Plusieurs groupes juifs et la plupart des leaders musulmans désavouent également les visées bellicistes de l’administration Bush.
En conclusion, Steve Waldman, rédacteur en chef de «Beliefnet», (un site internet populaire et d’autorité sur les sujets religieux et sociaux) explique que «les gens apprécient la clarté morale du président, mais s’inquiètent de son manque de nuances dans ce qui résonne comme un discours messianique». (apic/newsweek/sh)