Etats-Unis : Pour Mgr Weakland, l’»hyperindividualisme» (030288)

des Américains est un obstacle à la justice économique

Milwaukee, 3février(APIC) Prôner la justice économique est une gageure

quand on a affaire à des fidèles qui sont «hyperindividualistes» : c’est ce

que constate Mgr Rembert Weakland, ancien abbé-primat des Bénédictins

Confédérés, aujourd’hui archevêque de Milwaukee, dans le Wisconsin.

Mgr Weakland, qui a dirigé le comité de rédaction de la lettre pastorale

sur la justice économique publiée par les évêques américains en novembre

1986, déplore que «le concept de ’bien commun’ ne signifie pratiquement

plus rien» pour la plupart des Américains. En témoignent «des tas de

lettres de catholiques» que l’évêque a reçues et qu’il résume ainsi : «J’ai

travaillé dur pour acquérir ce que je possède et j’entends le garder. Dieu

a été bon pour moi. Les paresseux n’ont aucun droit sur ce que je possède».

Ce genre de réaction a amené l’évêque à toujours s’assurer que ses

prédications n’aient pas pour effet de justifier cet hyperindividualisme.

«Tout un temps, je dois l’admettre, j’ai prêché énormément sur les vertus

personnelles, sans jamais beaucoup parler de communauté, affirme l’évêque

de Milwaukee. J’estime qu’il me faut à présent toujours mettre en évidence

ce que signifie l’Evangile non seulement pour moi en tant qu’individu, mais

comme membre d’une communauté».

Le spectre du collectivisme

Mgr Waekland explique encore que les Américains ont été à ce point

effrayés par le collectivisme qu’ils sont incapables de voir un moyen terme

entre celui-ci et un hyperindividualisme qui engendre l’égoïsme. Il avoue

avoir personnellement pris conscience de la monstruosité de cet égoïsme en

lisant, en 1972, un article de Karl Rahner, qui disait : «Lorsque cette

génération se trouvera devant le jugement de Dieu, ce sera pire pour nous

que pour Sodome et Gomorrhe. La seule chose que nous pourrons plaider sera

la faiblesse.» «J’ai vécu avec cet essai et il me secoue encore», ajoute le

prélat américain.

«Les Eglises ne font pas encore assez»

«Je sens, dit-il encore, que les Eglises ne font pas assez. Car il nous

faudra bien affronter d’une façon ou d’une autre ce qui est le principal

défi du moment. Nous sommes riches, des millions de personnes sont en train

de mourir de faim autour du globe et nous ne sommes pas parvenus à résoudre

ce problème». Pour Mgr Weakland, les évêques américains ne sont pas au bout

de leur réflexion. «Lorsque nous avons entrepris ce document sur la justice

économique, déclare-t-il, nous pensions que c’était une utopie. Puis une

fois terminé, nous avons compris que nous n’en étions qu’à un début. Nous

sommes conscients de n’avoir qu’effleuré la question». (apic/bo/be)

3 février 1988 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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