«Faire passer l’homme et l’Evangile avant toute chose»

Rome : Les enseignements de la première longue interview du pape François

Rome, 21 septembre 2013 (Apic) Première longue interview du pape François, l’entretien diffusé par la revue jésuite italienne «La Civiltà Cattolica» le 19 septembre 2013, permet de discerner de plus en plus clairement la pensée et le mode de fonctionnement du nouveau pontife.

Cette interview d’une vingtaine de pages a été publiée simultanément le 19 septembre dans les revues culturelles jésuites de 16 pays d’Europe et d’Amérique. En Suisse romande, la revue ‘Choisir’ la relaie en français sur son site internet www.choisir.ch

Pendant les 6 premiers mois de son pontificat, ses gestes et ses expressions fétiches ont étonné le monde et parfois, de manière inattendue, séduit les médias. Cette longue conversation éclaire désormais sur la vision qu’a le pape jésuite de l’Eglise, son souhait de faire passer l’homme et l’Evangile avant toute chose, la pastorale miséricordieuse avant les condamnations, mais sans que le fond soit totalement bouleversé, juste le ton. Ce qui apparaît le plus clairement est, sans aucun doute, son mode de gouvernement.

«Indiscipliné de naissance» pour qui le «discernement» demeure primordial, le pape François nous éclaire d’abord sur son mode de gouvernement, la confiance qu’il met dans les personnes choisies, et l’importance de la consultation. Le groupe de 8 cardinaux du monde entier avec qui il travaillera début octobre est alors bien présenté comme un organe de conseil, sans pouvoir décisionnel. Il décidera seul, après avoir beaucoup consulté.

A Rome, le pape François voudrait des dicastères au service de l’Eglise universelle, et non de simples censeurs. Il redit aussi sans ambiguïté qu’il est «temps de changer la manière de faire du Synode». Au-delà des conseils du ›G8’, le pape pourrait ainsi choisir de créer un conseil permanent et donner plus souvent la parole aux évêques du monde entier, dans des modalités nouvelles. Pour autant, il assure qu’il faut réformer la «manière d’être» avant de s’attaquer aux structures.

L’Eglise, «un hôpital de campagne après une bataille»

Au cœur de l’entretien, on retiendra la définition imagée que donne le pape François de l’Eglise: «un hôpital de campagne après une bataille». Cette Eglise capable «de soigner les blessures et de réchauffer le cœur des fidèles» ne doit pas se laisser enfermer dans des «petits préceptes» et doit pouvoir compter avant tout sur des ministres «miséricordieux» qui accompagnent les «blessés de la vie»: homosexuels «de bonne volonté (…) en recherche de Dieu», divorcés remariés, femmes ayant avorté.

Si beaucoup de médias ont simplifié ces propos pour saluer la grande ouverture du pape François, c’est avant tout l’attitude qu’il propose à l’Eglise qu’il faut retenir: accompagner, pardonner et annoncer l’Evangile.

Les propos du pape sur l’attitude du clergé et les changements en terme de «synodalité» annoncent peut-être, d’ici peu, des changements au sein même des différents dicastères concernés.

Morale et doctrine

Si le pape François retient que l’Eglise ne peut «insister seulement sur les questions liées à l’avortement, au mariage homosexuel et à l’utilisation de méthodes contraceptives» parce que sa position est connue de tous, il ne semble pas prêt pour autant à de grands bouleversements doctrinaux. Pour preuve, ses fermes propos sur l’avortement, le 20 septembre dernier, devant un parterre de gynécologues catholiques.

Mais, prévient tout de même le pape dans son entretien, la doctrine n’est pas «un monolithe qu’il faudrait défendre sans nuance». Changera, changera pas la doctrine ?… un doute persiste. Une meilleure connaissance du pape argentin de 76 ans passe aussi par ses goûts personnels.

Sur le plan intellectuel, les deux penseurs français contemporains qu’il préfère sont Henri de Lubac et Michel de Certeau. Côté artistique, on découvre aussi ses auteurs favoris – Dostoïevski, Hölderlin, Borges, Cervantès et Manzoni -, ses peintres préférés – Le Caravage et Chagall -, ou encore les musiciens dont il aime écouter les œuvres: Beethoven, Bach, Mozart ou encore Wagner.

«Une profonde et inexplicable paix, en même temps qu’un brouillard opaque»

De façon plus anecdotique, on relèvera aussi que le pape, qui affirmait aux journalistes le 22 juillet, dans l’avion qui le menait au Brésil, qu’il ne donnait pas d’interview car il trouvait cela «pénible», a choisi de consacrer 6 heures, fin août, à cet entretien. Déjà, en rentrant du Brésil, il avait passé 1h20 avec les journalistes qui l’accompagnaient, répondant à leurs questions tous azimuts. «Je ne me suis pas reconnu», confie-t-il aujourd’hui à propos de cet échange en plein ciel, entre Rio de Janeiro et Rome.

On retiendra enfin qu’au moment d’être élu, le 13 mars dernier, le cardinal Jorge Mario Bergoglio a ressenti «une profonde et inexplicable paix, une consolation intérieure en même temps qu’un brouillard opaque». (apic/imedia/ami/be)

21 septembre 2013 | 09:45
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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