Déclaration commune entre juifs et catholiques EU commentée

Faut-il chercher à convertir les juifs? Réflexion du cardinal Walter Kasper

Rome, 28 novembre 2002 (APIC) C’est au «risque de se retrouver entre deux feux» que le cardinal Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens et de la Commission pour les rapports avec le judaïsme, est intervenu à propos d’une récente polémique soulevée aux Etats- Unis.

Dans une déclaration commune, de hauts responsables juifs et catholiques américains avaient rejeté en été dernier les campagnes ayant pour objectif de convertir les juifs au christianisme. Le discours du prélat allemand, qui s’est exprimé récemment «en son propre nom» devant des experts du dialogue judéo-chrétien au «Boston College», aux Etats-Unis, se veut un appel à «l’approfondissement» de la question.

La déclaration commune, signée en août 2002 par le cardinal William Keeler, président du bureau de la Conférence épiscopale des Etats-Unis chargé des affaires interreligieuses, et par les rabbins des deux plus grandes communautés juives des Etats-Unis, estime que «les campagnes visant à convertir les juifs sont théologiquement inacceptables». Le document précise la persistance de la validité de l’alliance de Dieu avec le peuple juif.

Revenant sur cette déclaration dans un long discours consacré aux enjeux et aux défis des relations entre juifs et catholiques, le cardinal Walter Kasper a voulu préciser le sens du mot «mission» – dans la théologie catholique. «Cette question est fondamentale dans le dialogue judéo- chrétien, a-t-il expliqué, et dans cette perspective, de nouvelles réflexions ou idées sont les bienvenues». «Des réponses trop simples ne peuvent pas être acceptées», a-t-il toutefois ajouté, confiant lui-même devoir «prendre le taureau par les cornes».

A propos du mot «mission»

D’un côté, a alors affirmé le cardinal, «je rejette et regrette» ce que le mot «mission» ait pu causer comme «malentendus insurmontables» dans le passé. D’un autre côté, «celui-ci est central dans le Nouveau testament. Nous ne pouvons pas le supprimer, et si nous essayions de le faire, cela n’aiderait pas le dialogue entre juifs et catholiques qui deviendrait malhonnête et déformé. Si les juifs veulent parler avec les chrétiens, ils ne peuvent pas demander à ces derniers de ne plus être chrétiens».

Par ailleurs, a poursuivi le président de la Commission pour les rapports avec le judaïsme, parce que la mission représente, pour les chrétiens, une conséquence de notre foi en Jésus-Christ, toute activité missionnaire est beaucoup plus que de chercher de nouveaux candidats au baptême». «L’activité missionnaire n’est rien d’autre et rien de moins que la manifestation du plan de Dieu et sa réalisation dans le monde et dans l’histoire». «La question de la mission ne peut être résolue que dans un contexte plus large de l’ensemble de la théologie chrétienne du judaïsme».

En outre, rappelant que juifs et chrétiens ont en commun ce que les uns appellent la Bible juive – la Torah – et les autres l’Ancien testament, le cardinal Walter Kasper en est venu à affirmer que la mission telle qu’elle est précisée dans ces ouvrages ne peut pas s’appliquer aux juifs. «Parce que nous avons en commun ce que contiennent ces livres, et parce qu’en tant que chrétiens nous savons que l’alliance de Dieu avec Israël n’est pas rompue, la mission entendue comme appel à la conversion de l’idolâtrie au Dieu vivant et vrai ne peut pas et ne doit pas être appliquée aux juifs». D’ailleurs, a-t-il précisé, «il n’existe aucune organisation catholique missionnaire envers les juifs comme il en existe pour les religions non chrétiennes».

La piste de réflexion engagée par les évêques américains ne doit pas s’arrêter à la signature d’une déclaration, a conclu le cardinal Kasper. Soulignant l’importance de ce débat, il a insisté pour que celui-ci soit approfondi. «Nous sommes seulement au début et encore loin d’une réponse définitive», a-t-il déclaré. «La déclaration ’Nostra Aetate’ n’a été que le début d’un nouveau commencement».

La contribution du cardinal Lustiger

Une réflexion particulièrement riche sur ce sujet a été présentée récemment dans un ouvrage du cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris et membre de l’Académie française. Ce grand penseur d’origine juive a en effet publié «La Promesse», le 20 novembre dernier, qui fait le point sur les relations indissociables entre le christianisme et le judaïsme. «Il est inimaginable que l’Eglise prétende se substituer à Israël», écrit le prélat français. «Elle n’est pas un autre Israël, elle est l’accomplissement même en Israël du dessein de Dieu». Ainsi, explique-t-il, «le rite baptismal n’est pas un rite quelconque; il a un sens: c’est, pour des païens, le rite d’incorporation à Israël». (pr)

Encadré

Eglise catholique et représentants du Rabbinat d’Israël: nouveau canal de discussion

Dans son discours au «Boston College», le 6 novembre dernier, le cardinal Walter Kasper s’est dit «satisfait» de la réussite du nouveau canal de discussion ouvert le 5 juin 2002 à Jérusalem entre des représentants de l’Eglise catholique et de la communauté juive d’Israël. Ceux-ci ont engagé pour la première fois un dialogue direct, depuis la création, il y a trente ans, du Comité de liaison entre le Saint-Siège et la communauté juive internationale.

«C’est notre conviction que les armes ne pourront pas résoudre les conflits en cours. Il n’y a pas d’alternative au dialogue et à un processus qui respecte les intérêts légitimes de chacun et conduit à la réconciliation ainsi qu’à une paix durable», a-t-il affirmé.

Cinq membres du grand Rabbinat d’Israël, trois de la Commission du Saint- Siège pour les rapports avec le judaïsme et deux représentants de l’Eglise catholique en Israël se sont rencontrés le 5 juin dernier à Jérusalem, pour la première fois dans le cadre de l’ouverture d’un canal de discussion entre les deux parties. La prochaine rencontre aura lieu au Vatican en février 2003.

Ce canal de discussion se veut «complémentaire» au dialogue existant déjà grâce au Comité international de liaison entre juifs et catholiques (ICL), créé il y a près de 30 ans. Il est la conséquence d’une volonté certaine de la part des juifs et des catholiques, depuis quelques mois, d’entamer un dialogue avec les communautés locales et non plus au seul niveau international. Ainsi, une «rencontre européenne entre juifs et catholiques» avait été organisée par le Congrès juif européen, en janvier dernier à Paris, voyant notamment la participation du cardinal Walter Kasper. (apic/imedia/pr)

29 novembre 2002 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
Partagez!