Ce jésuite et penseur contre les dogmes mourait il y a vingt ans
France: Anniversaire de la mort de Michel de Certeau
Paris, 9 janvier 2006 (Apic) Il y a vingt ans, le 9 janvier 1986, s’éteignait le jésuite Michel de Certeau (1925-1986), intellectuel et mystique, penseur fécond, en théologie, en psychanalyse, en sociologie.
Emporté par une tumeur le 9 janvier 1986, d’origine savoyarde, Michel de Certeau disparaissait à Paris à l’âge de 60 ans. Cet homme qui a marqué l’histoire intellectuelle du 20e siècle, entre dans la Compagnie de Jésus en 1950. Diplômé des Hautes Etudes et docteur en sciences des religions en Sorbonne, il collabore dès 1956 à la revue Christus. En 1960 il soutient sa thèse de 3e cycle sur Pierre Favre, un autre Savoyard, qui était l’un des premiers compagnons d’Ignace de Loyola. C’est dans la prestigieuse revue jésuite Etudes qu’il publiera en juin 1968 son article devenu célèbre » En mai 68, on a pris la parole comme on a pris la Bastille en 1789 «.
Ses travaux sont marqués par l’étude du mystique Jean-Joseph Surin. Cette éminente figure spirituelle du XVIIe siècle, jeune jésuite bordelais, fut pressenti pour devenir le confesseur-exorciste de Jeanne des Anges, possédée à Loudun, en 1638. Le Père Surin succombera à cette charge et perdra en partie la raison. Les recherches de de Certeau aboutissent à la publication du Guide spirituel et de la correspondance du jésuite bordelais du XVIIe siècle.
. Professeur à l’Institut catholique de Paris, enseignant à l’université de Paris-VII, chargé de cours à l’université de Californie à San Diego, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Michel de Certeau eut de nombreux étudiants.
Comme le rappelait le quotidien français Libération au lendemain de sa mort, cet «homme de Dieu» avait une particularité en tant que prêtre : il comptait parmi les fondateurs de l’Ecole freudienne, avec le psychanalyste Jacques Lacan en 1964.»
«Un jésuite inquiétant»
Cet homme brillant et modeste qui dédaignait les honneurs, était qualifié par le cardinal Jean Daniélou comme «un jésuite inquiétant», pour son ouverture, en dialogue avec des intellectuels comme Jacques Derrida, Paul Ricoeur ou les psychanalystes de l’Ecole freudienne. «La mystique, pour lui, explique dans le quotidien italien l’Avvenire du 9 janvier 2006, le bénédictin Elmar Salmann, professeur à l’Université pontificale grégorienne, est une réélaboration de l’absence de Dieu».
A propos de son étude sur la Possession de Loudun, il écrit que «l’intuition de de Certeau était de démontrer que la dépression et la profonde mélancolie vécue par Surin était similaire à celle de l’homme post moderne d’aujourd’hui».
Après mai 68 il écrit Le christianisme éclaté, un livre qui n’est pas compris par beaucoup de ses confrères jésuites, témoigne Stella Morra professeure à l’Université pontificale grégorienne. Ce sont les années de rupture, pendant lesquelles il écrit jusqu’à sa mort de longues lettres sans réponse à son maître de toujours, Henri de Lubac.
A ses funérailles, note encore le professeur Salman, dans l’église de Saint Ignace, à la Rue de Sèvres, le 13 janvier 1986, «toute la France académique était présente, et tous s’inclinaient devant ce «très original» fils de Saint Ignace» (apic/avvenire/ag)