Nicolas Sarkozy rouvre le débat sur la laïcité
France: Deux rapports sur la relation entre Eglises, religions et Etat rendus publics
Paris, 21 septembre 2006 (Apic) Deux rapports sur les relations entre communautés religieuses et Etat ont été remis le 19 septembre à Nicolas Sarkozy. Le ministre français de l’intérieur, chargé de la question des cultes, va rouvrir le débat sur la laïcité, comme il l’a révélé dans le quotidien catholique «La Croix» du 21 septembre.
«Un an après le centenaire de la loi de 1905, la question de la révision de ce texte fondateur de la laïcité en France est de nouveau posée. Le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy a décidé de rouvrir officiellement un vrai débat sur la question très sensible du financement public des lieux de culte», affirme La Croix.
Le ministre avait chargé l’an dernier le professeur Jean-Pierre Machelon, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, d’entreprendre en commission une «réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics». Composée d’une quinzaine de spécialistes et praticiens du droit des cultes issus de différents horizons, la commission avait pour mission de livrer une expertise technique complète sur les relations entre les communes et les cultes, le droit des associations et le régime fiscal des cultes.
Nicolas Sarkozy avait ensuite demandé au coprésident du Parti radical (associé à l’UMP) André Rossinot de rendre un rapport sur la laïcité dans les services publics, en particulier dans l’éducation nationale et les hôpitaux publics. Ces deux documents seront rendus publics cette semaine. Le ministre de l’intérieur a révélé ses réflexions sur leur contenu à La Croix.
Afin de promouvoir la laïcité, relève le quotidien français, le rapport Rossinot propose notamment d’interdire aux patients de récuser un médecin pour des raisons religieuses, de lutter contre le refus des familles de suivre certains cours à l’école. Il recommande encore de diffuser une «charte de la laïcité et de la citoyenneté» dans les établissements scolaires. Ces propositions, approuvées par Sarkozy, ne devraient pas soulever la polémique.
Subventionner la construction des lieux de culte
En revanche, selon La Croix, les conclusions de la commission Machelon risquent de déclencher une tempête. Les experts proposent d’autoriser les communes à subventionner directement la construction de lieux de culte.
«Sur ce point essentiel comme sur la question de l’aménagement des carrés confessionnels au sein des cimetières communaux, je souhaite qu’un vrai débat ait lieu, explique à La Croix Nicolas Sarkozy. C’est pourquoi, comme ministre des cultes, j’adresse aujourd’hui le rapport Machelon aux responsables des grandes religions de France ainsi qu’aux présidents des associations d’élus locaux, afin de recueillir leur point de vue.»
La loi de 1905 sur la laïcité spécifie que la République ne «reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte». Cette interdiction faite aux collectivités locales de participer directement à la construction de lieux de culte est redevenue un enjeu de société avec l’installation durable de populations de religion musulmane en France. Or, par une interprétation souple de la loi, des municipalités ont contourné l’interdiction de financement direct, par exemple par des mises à disposition de terrains, Ce qui a été le cas, récemment, à Marseille, avec la mise à disposition de 8’600 m2 dans le 15e arrondissement à l’association représentative des musulmans de la cité. Les mairies peuvent également subventionner des projets mixtes comprenant, à côté des salles de prière, des équipements non cultuels: un foyer, des salles de réunion, un centre culturel. C’est ce procédé qui avait permis de financer, en 1921, l’institut musulman de la mosquée de Paris.
La commission Machelon cite la situation des mouvements évangéliques protestants, jugée «encore plus préoccupante» que celle des musulmans. Sans être unanimes sur ce point, ses membres recommandent d’autoriser formellement les aides directes à la construction de lieux de culte. Cette proposition, relève La Croix, va rencontrer, dans son principe même, bien des oppositions à gauche et à droite.
Dans son livre «La République, la religion, l’espérance» (Cerf, 2004), Nicolas Sarkozy s’était, lui, explicitement déclaré favorable à un financement des lieux de culte. L’auteur, qui détenait alors le portefeuille de l’économie et des finances dans le gouvernement Raffarin, s’exprimait à titre personnel. Cette fois-ci, le ministre de l’intérieur prend garde de ne pas faire directement siennes les propositions de la commission Machelon. Mais le fait même de rouvrir le débat permet au futur candidat à l’élection présidentielle de faire entendre sa voix: «Pour lutter contre l’intégrisme et le communautarisme, il faut que toutes celles et ceux qui ont la foi puissent la vivre et la pratiquer en toute égalité», déclare-t-il. (apic/lacroix/bb)