France: Il y a 60 ans, les premiers frères de Taizé prononçaient leurs voeux
Un «petit printemps» permanent
Christoph Strack, Apic / Adaptation: Bernard Bovigny
Taizé, 17 avril 2009 (Apic) Près de 8’000 personnes sont en prière, dans un profond silence de recueillement. Lors de la Fête de Pâques 2009, Frère Benoît, un jeune Français, prononçait ses voeux dans la communauté de Taizé. Parmi les confrères présents se trouvait Frère Daniel. Il fait partie de l’histoire vivante de cette communauté, qui rayonne dans le monde entier depuis un petit village de Bourgogne situé sur une colline.
Le religieux de 88 ans, qui travaille encore chaque jour à son tour de potier, est le dernier survivant des sept membres de ce groupe qui, le 17 avril 1949 – il y a exactement 40 ans – ont adopté leurs règles de vie, donnant ainsi une première forme officielle à la communauté de Taizé.
Ce petit village de Bourgogne, dans lequel se rendit le jeune théologien réformé Roger Schutz en 1940, est devenu un des plus importants lieux de rassemblement de la chrétienté. Le pape Jean XXIII s’était exclamé: «»Ah, Taizé, ce petit printemps!». Année après année, des centaines de milliers de jeunes gens et de jeunes filles tombent encore sous son charme. Ils viennent de toute l’Europe, surtout des pays de l’Est, et même des autres continents, loger dans les grandes tentes qui entourent l’église de la communauté.
Il y a 60 ans, les premiers jeunes gens qui ont rejoint Frère Roger priaient dans la petite église romane du village. C’est d’ailleurs dans le cimetière situé à côté de cet ancien édifice que Frère Roger a été enterré après sa mort tragique en août 2005.
Lorsque Roger Schutz arrive en 1940, Taizé est un petit village tranquille d’à peine 50 habitants. Avec sa soeur Geneviève, il accueille des réfugiés de la Seconde guerre mondiale dans ce lieu proche de la ligne de démarcation qui coupait la France en deux. En automne 1942, apprenant que son activité avait été découverte, Frère Roger rentre à Genève où il commence une vie commune avec ses premiers frères. Ils purent revenir à Taizé en 1944.
Peu à peu quelques jeunes hommes vinrent rejoindre les premiers frères, et le jour de Pâques 1949, ils étaient sept à s’engager ensemble pour toute l’existence dans le célibat, la vie commune et une grande simplicité de vie. Cette cérémonie se déroula sans fastes, et les règles de la communauté ne contenaient pas d’exigences très strictes. Les règles définitives n’ont été établies que 4 ans plus tard. Elles reprenaient les préceptes de la tradition religieuse catholique: pauvreté, chasteté et obéissance.
Une tradition très peu protestante
Pour les sept premiers frères, il s’agissait là d’un pas important. Car ils provenaient tous de milieux protestants. Un engagement pour toute la vie ne correspondait pas à leurs traditions. Et du fait que ce va-et-vient oecuménique entre les différentes confessions chrétiennes était alors totalement inhabituel, la communauté de Taizé n’a pas reçu la reconnaissance des Eglises réformées de France.
Leurs références à la tradition religieuse catholique leur ont par contre procuré un fort sentiment de respect et de soutien du côté catholique. Jusqu’à aujourd’hui, le prieur de Taizé est régulièrement reçu en audience par le pape. Cette tradition exercée par Jean Paul II avec Frère Roger a été reprise par Benoît XVI avec Frère Alois, qui a succédé au fondateur de la communauté en 2005. Depuis 1969, des frères catholiques vivent avec l’autorisation officielle de l’archevêque de Paris dans cette communauté basée sur la spiritualité de la Réconciliation. Les catholiques forment actuellement un bon tiers de la centaine de frères.
Frère Alois a poursuivi les contacts entrepris par le fondateur. Fin mars, il a été à nouveau reçu en audience par le pape Benoît XVI. Le prieur a également visité récemment les patriarches orthodoxes à Istanbul et Moscou. Et la communauté, en plus de la rencontre européenne des jeunes, a renforcé ses engagements en Asie et en Afrique. Lors d’une rencontre qui a rassemblé 7’000 jeunes de 15 pays africains à Nairobi en automne dernier, Frère Alois a affirmé dans ses méditations: «Où que nous soyons, cherchons, seuls ou à quelques-uns, quels gestes accomplir dans des situations de détresse. Nous découvrirons ainsi la présence du Christ même là où nous ne l’aurions pas attendue.»
Jusqu’à aujourd’hui, la communauté tient ferme à la formule rituelle d’engagement prescrite par les règles de Taizé: «Frère aimé, que demandes-tu ?», questionne le Prieur au nouveau candidat. «La miséricorde de Dieu et la communauté de mes frères», répond le nouveau frère. «Que Dieu achève en toi ce qu’il a commencé», lui affirme alors le Prieur. (apic/kna/cs/ak/bb)