Influence croissante sur des jeunes en mal d’intégration
France: Imams suspendus ou expulsés issus de la mouvance salafiste
Paris, 25 avril 2004 (Apic) Les récentes expulsions d’imams intolérants, à grand renfort de médias, visent surtout des prédicateurs de la mouvance salafiste. Un courant rigoriste de l’islam directement inspiré du wahabisme saoudien et dont les éléments les plus durs refusent l’intégration dans la société moderne, quitte parfois à basculer dans l’action terroriste. En France, les imams salafistes inquiètent d’autant plus les autorités que leur l’influence croissante s’appuie sur la désespérance de jeunes issus de l’émigration en mal d’intégration.
Abldelkader Bouziane, imam de Vénissieux dans la banlieue lyonnaise. Son expulsion le 21 avril en Algérie dans son pays d’origine, après qu’il ait tenu dans Lyon Mag des propos contre les femmes jugés incompatibles avec la République, a été largement médiatisé. Salem Chaftar, imam tunisien, interpellé le 13 avril par la brigade criminelle de Paris pour avoir lancé un appel «au jihad contre les infidèles» dans la salle de prière de Clamart (Hauts-de-Seine). Yahia Cherif, imam de Brest, expulsé vers l’Algérie le 15 avril pour menace à la sécurité de l’Etat en raison de son «prosélytisme en faveur d’un islam radical» et de «contacts actifs avec la mouvance en relation avec des organisations prônant des actes terroristes.» Le service des renseignements généraux (les RG) l’accuse de soutenir «le jihad salafiste et le terrorisme international, comme il l’a encore fait après les attentats de Madrid.» Quant à Ali Yashar, surnommé «Ali l’Irakien», il fait l’objet depuis le 24 février d’un arrêté d’assignation à résidence et pourrait bientôt être à son tour expulsé de France. Soupçonné d’avoir incité les fidèles de la mosquée d’Argenteuil (Val-d’Oise), dont il est l’imam, de s’en prendre aux intérêts des Américains. Quoi de commun entre ces hommes, hormis le port ostensible de la barbe et d’un vêtement traditionnel, du type djellaba? Ce sont des prédicateurs salafistes.
Un courant rigoriste inspiré du wahabbisme saoudien
Le salafisme? Un courant rigoriste de l’islam directement inspiré du wahabbisme saoudien. Une mouvance contrastée, entre modérés et radicaux, comme l’explique Xavier Ternisien, journaliste au quotidien Le Monde, dans son livre «la France des mosquées»(Albin Michel). «Les salafistes les plus durs, souligne-t-il, se réclament du Tafkir (»anathème») dont l’idée central est l’excommunication de toute la société au motif qu’elle n’est pas musulmane.» D’où leur rejet de la démocratie, de l’intégration dans la République, de la modernité et de ses symboles, comme la télévision.
Le mouvement salafiste se divise en deux branches. Les j’ihadistes», partisans d’une action musclée. Emblématique de ce courant, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), organisation terroriste basée en Algérie. Autre courant: les «cheikhistes», qui refusent de se mêler de politique mais qui, pour autant, suivent scrupuleusement les fatwa (décrets) des cheikhs saoudiens. Ainsi il n’est pas rare que dans les mosquées où les salafistes sont influents, comme à Stains, à Argenteuil ou à Sartrouville (région parisienne), les fidèles écoutent en direct, par téléconférence, le prêche d’un imam saoudien. Les femmes désobéissantes qu’il faut corriger; le refus d’envoyer les enfants à l’école maternelle et de les confier à des enseignants «mécréants»; le port du foulard islamique, la maladie, etc; autant de questions formulés par de jeunes banlieusards issus de l’émigration (d’Afrique noire et du Maghreb surtout) et qui reçoivent en direct – également sur des sites Internet comme albaida.online.fr – de la péninsule saoudienne des réponses musclées. L’Arabie Saoudite, véritable eden des salafistes puisque tous ne rêvent que d’une chose: pouvoir y étudier.
Extension dans les banlieues défavorisées
En France, le mouvement salafiste a pris son essor dans les années 90 grâce à quelques prédicateurs influents. Il rayonne principalement aujourd’hui dans les agglomérations parisienne et lyonnaise ainsi que dans des villes du Nord de la France comme Roubaix. Les observateurs s’accordent à dire qu’il gagne du terrain. Essentiellement dans les banlieues défavorisées où le discours très carré et simpliste d’imams plus ou moins charismatiques fait des émules auprès de jeunes dont le mal-être et la non- intégration les fait osciller entre la drogue et le radicalisme religieux. Quitte, parfois, à basculer dans l’action terroriste. Selon les RG, les salafistes contrôleraient une trentaine de mosquées. Assez pour inquiéter les autorités françaises depuis plusieurs années. Celles-ci ont procédé à pas moins de douze expulsions d’imams depuis juillet 2003. Pour la majorité, des salafistes de la tendance dure. (apic/jcn/bb)