France: les carmélites de Compiègne canonisées
Guillotinées le 17 juillet 1794 pendant la Révolution française, béatifiées en 1906, les seize carmélites de Compiègne deviendront saintes. Le pape François a approuvé, le 18 décembre 2024, la procédure de canonisation dite ‘équipollente’.
Connues du monde entier grâce notamment aux célèbres Dialogues des carmélites que Bernanos leur a consacrés, les seize moniales de Compiègne seront canonisées selon la procédure dite ‘équipollente’ qui reconnaît un culte déjà établi et pérenne.
Déjà dans les années 1990, Jean Paul II s’étonnait devant Mgr Guy Thomazeau, alors évêque de Beauvais – diocèse dont dépend Compiègne – que les fameuses religieuses ne soient pas encore déclarées saintes. Plusieurs fois enlisé, le dossier est ressorti lorsque l’évêque émérite en a confié la charge à Claire Millet, laïque séculière dans l’Ordre du Carmel.
Des mois de démarches ont finalement été ratifiés par le vote unanime des évêques de France réunis en assemblée d’automne en novembre 2021. Les actuelles carmélites de Jonquières-Compiègne, soutenues par toutes les branches de l’Ordre du Carmel, ont alors déposé leur demande officielle en décembre, obtenant un mois plus tard une réponse favorable du pontife.
Pourquoi la procédure ‘équipollente’ ?
Avec la canonisation ‘équipollente’, l’inscription des saints se fait par simple décret du pape sans nécessité de miracle. Il faut pour cela, explique le postulateur, le P. Marco Chiesa, «qu’ils jouissent d’un culte assez long et ininterrompu, ainsi qu’une renommée de prodiges». Leur canonisation est demandée par une large représentation de l’Église, directement au pape.
Cette démarche est une «nouveauté absolue pour notre Ordre», a confié à I.MEDIA le carme, qui a eu pour charge de rédiger la positio. Il s’agissait en particulier de documenter le culte ininterrompu voué aux bienheureuses et leur influence bénéfique sur la vie des fidèles, qui s’exprime par des signes et des grâces.
Une histoire de sacrifice pour la paix
La cause des carmélites de Compiègne est connue du monde entier surtout par le scénario de Bernanos publié en 1949. Même si l’écrivain a pris quelques libertés avec l’histoire, ajoutant notamment des personnages fictifs, ses Dialogues des carmélites ont été suivis d’un opéra de Poulenc, de films, et d’innombrables publications contribuant à la renommée planétaire de ces religieuses.
Exécutées sous la Terreur
En septembre 1792, en pleine Terreur, la prieure Thérèse de saint-Augustin propose aux carmélites d’offrir leur vie, de faire une consécration pour que la paix soit rendue à l’Église et à l’État. Après menaces et dénonciations dans un climat de persécution de l’Église, les religieuses sont emmenées de Compiègne à Paris en charrette jusqu’à la Conciergerie. Elles passent devant le Tribunal révolutionnaire le 17 juillet 1794. Condamnées, elles sont exécutées le soir même à 20h, place du Trône – aujourd’hui place de la Nation – et leurs corps jetés dans la fosse commune de Picpus.
Leur crime? «Fanatisme et sédition», déclare l’accusateur public. Leur martyr fait grand bruit et s’ancre dans la mémoire populaire. D’autant que, lorsqu’elles montent une par une à l’échafaud, chacune des religieuses embrasse une petite vierge que tient leur prieure dans sa main. Avant d’être guillotinée à son tour, celle-ci remet à la foule la petite vierge, qui devint une relique précieusement conservée et vénérée aujourd’hui dans la crypte du Carmel de Jonquières-Compiègne.
Aux yeux de l’Église, il est clair que les seize carmélites sont mortes «pour leur attachement «à la sainte religion». Elles n’ont pas voulu renier leur foi», Reconnues martyres, elles sont béatifiées le 27 mai 1906 par le pape Pie X et leur fête inscrite au calendrier liturgique le 17 juillet.
Un héritage qui porte des cicatrices
Le dossier de canonisation reste cependant délicat face à des récupérations qui réveilleraient les vieilles cicatrices de la Révolution française. Les seize religieuses de Compiègne, affirme le Père Chiesa, sont devenues martyres «au nom de ces principes qu’elles vivaient déjà, mais dont elles ont été absurdement privées: liberté, égalité et fraternité». Pour le postulateur, cela révèle que «toute idéologie, quelle que soit sa forme et son origine, porte en elle un sillage de sang, comme on le voit encore aujourd’hui dans le monde, même si cela ne défraie pas la chronique». (cath.ch/imedia/mp)