Celui qui méprise la politique méprise la justice

France: Message des évêques à l’approche des élections

Paris, 18 octobre 2006 (Apic) A la veille d’importantes élections présidentielles, législatives et municipales, les évêques français rappellent les «principaux chantiers de la fraternité» que devront affronter les élus. Dans un message diffusé le 18 octobre, ils invitent les Français à «soutenir la vie démocratique par la réflexion et par l’action».

Le texte est signé par le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France, formé de neuf évêques dont le président de la Conférence épiscopale, le cardinal Jean-Pierre Ricard. Il est adressé «aux communautés catholiques, aux responsables politiques et à l’opinion publique». Intitulé «Qu’as-tu fait de ton frère?» (interpellation de Dieu à Caïn après le meurtre d’Abel), il insiste sur l’importance de l’engagement politique au niveau local, avant de se prétendre «citoyen du monde». «De même que, selon saint Jean, celui qui prétend aimer Dieu qu’il ne voit pas et n’aime point son prochain qu’il voit trompe et se trompe, ainsi j’ajouterai qu’il trompe et se trompe celui qui prétend aimer les peuples lointains avec lesquels il ne vit pas et n’aime point son propre pays auquel il se frotte chaque jour» (cardinal Etchegaray, messe pour la France, Strasbourg, 10 juillet 2005).

«La présence auprès du frère en difficulté, aussi nécessaire soit-elle, n’épuise pas les devoirs que suscite l’amour du Christ en nous: l’action, par le biais du politique, est une forme indispensable de l’amour du prochain. Celui qui méprise le politique ne peut pas dire qu’il aime son prochain et répond à ses attentes. Celui qui méprise le politique méprise la justice», ajoutent les évêques de France.

Voter, c’est participer au bien commun

Leur message se développe autour de deux exigences en vue du bien commun:

– Vivre ensemble demande que chacun sache prendre ses propres responsabilités;

– Vivre ensemble suppose un état qui organise la vie commune.

Commentant les exigences de la vie commune, les évêques affirment que «voter, c’est participer à l’amélioration de la vie ensemble, ce que l’enseignement social de l’Eglise appelle le bien commun universel».

Selon les évêques français, trois chantiers essentiels vont marquer les prochaines législatures:

– La famille, cellule de base de la communauté humaine. Certes, les évêques soutiennent l’épanouissement de la personne, «mais un épanouissement qui soit pleinement responsable, qui respecte la dignité humaine, la défense des faibles et permette l’instauration d’une société de confiance». Ils considèrent notamment la pratique de l’avortement et la tentation de l’euthanasie comme des formes «d’exclusion des plus faibles». Ils rappellent que l’Eglise appelle à bâtir des familles stables «fondées sur des couples unissant un homme et une femme». Les évêques citent également la «crise profonde du logement» comme un «problème majeur» que rencontrent les familles. Les problèmes de coût conduisent entre autres à l’éloignement des lieux de travail, alors que «l’accès à la propriété reste souvent un rêve inaccessible».

– Le travail et l’emploi sont des facteurs d’intégration, pour les évêques français. «Si le lien social se fragilise dans notre pays, beaucoup pensent que c’est largement à cause du chômage», rappellent-ils dans leur message. «Travailler est l’un des chemins par lequel l’homme et la femme se réalisent et font société. La personne a besoin non seulement de gagner son pain mais aussi de se sentir utile.» Or, rappellent les évêques «la situation de l’emploi est, pour beaucoup aujourd’hui, une cause de difficulté et de souffrance.» Selon eux, «bien des efforts sont nécessaires pour embaucher, former, accepter des apprentis, valoriser le travail manuel. Efforts enfin de tous pour soutenir les chômeurs dans leur recherche de travail». Ils appellent l’Etat à soutenir les efforts que demande l’intégration par le travail. «Il peut le faire en favorisant le dialogue, en permettant que la loi et la réglementation s’inspirent d’une vision politique réfléchie et travaillée avec les partenaires sociaux.»

Oui à l’argent, mais pas aux migrants?

– La mondialisation et l’immigration marquent la société actuelle. «La France est impliquée dans le processus de mondialisation. Elle en bénéficie largement», relèvent les évêques. Ces derniers rendent les Français attentifs à la tentation de «favoriser la libre circulation de l’argent, des marchandises, des informations», mais de se monter «réticents face à la liberté de circulation des personnes». «Peut-on à la fois pratiquer la liberté du commerce, tout en barrant la route aux immigrés ou en les renvoyant chez eux? C’est dans ce cadre général qu’il faut réfléchir la question de l’immigration», lancent-ils dans leur message, rappelant que «pour les chrétiens, l’accueil des migrants est signe de l’importance attachée à la fraternité».

Tout en estimant «normal que notre pays définisse une politique de l’immigration», les évêques français expriment en conclusion quelques convictions en lien avec la politique migratoire: «La rencontre avec ces frères et soeurs venus d’ailleurs nous amène à poser fortement, dans le débat public, la question de l’extraordinaire inégalité qui règne dans le monde. Sommes-nous attentifs aux choix politiques qui favorisent un développement solidaire? Sommes-nous prêts à modifier notre mode de vie, afin de permettre un réel développement des pays les plus pauvres, en particulier en Afrique? Sommes-nous prêts à partager concrètement pour aider les pays les moins développés? N’est-il pas important de lancer cet appel aux Français?». Ils appellent également à ne pas renvoyer tous les clandestins, et à «continuer à recevoir les réfugiés politiques et ceux qui risquent des persécutions, y compris religieuses, dans leur pays».

Pratique: Le message de 11 pages est disponible sur le site internet www.cef.fr

(apic/bb)

18 octobre 2006 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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