France: polémique à propos d’un prêtre rwandais Le Père di Falco: «Pas de

nouvelle affaire Touvier !» =

Paris, 21juin(APIC) L’accueil en France d’un prêtre rwandais, le Père

Wenceslas Munyeshyaka, qui, selon une enquête menée par la revue «Golias»,

aurait participé aux massacres, de façon active ou passive, suscite aujourd’hui une vaste polémique dans le pays. L’Eglise catholique en France,

ayant été mise en accusation, le Père di Falco, porte-parole des évêques de

France, a réagi: «Rien ne peut justifier, dit-il, les accusations de complaisance ou de complicité que certains voudraient insinuer contre l’Eglise

de France… Il n’y a pas de nouvelle affaire Touvier!»

En octobre 1994, le Père Wenceslas Munyeshyaka, 37 ans, qui fut vicaire

à

l’Eglise de la Sainte-Famille à Kigali, a été accueilli dans le diocèse de

Viviers (Ardèche) par Mgr Jean Bonfils. Il exerce désormais son ministère à

Bourg-Saint-Andéol. Les accusations portées par «Golias» ayant été reprises

par «Infomatin» et «Libération», le P. Jean-Michel di Falco, porte-parole

de la conférence des évêques de France, a publié une mise au point.

Mgr Bonfils, explique le P. di Falco, a accueilli le Père Wenceslas à la

demande du Père Legagneur, responsable de l’accueil des prêtres étrangers à

Paris. Le prêtre rwandais, loin de se cacher, exerce en Ardèche le

ministère qui lui a été confié. C’est vrai que, dès son arrivée en France,

de graves accusations ont été portées contre lui, le mettant en cause dans

le déroulement du génocide rwandais. «Les évêques qui suivent cette affaire

ont eu connaissance de ces témoignages, écrit le P. di Falco. Ils

connaissent aussi ceux qui innocentent le prêtre rwandais. Il ne leur

appartient pas d’apprécier la réalité des faits qui lui sont reprochés. Si

le Père Wenceslas doit un jour rendre compte de ses actes dans son pays, ou

devant un tribunal international, il le fera. Rien ne sera fait pour le

soustraire à la justice, qui seule peut apprécier s’il est ou non

coupable.»

Le P. di Falco ne voit pas au nom de quoi on pourrait reprocher aux évêques

l’accueil dont a bénéficié le prêtre rwandais. Ce geste a été décidé «dans

un souci urgent de protection», à la demande conjointe de l’administrateur

apostolique de Kigali, et des Pères Blancs missionnaires au Rwanda. La

démarche s’est faite dans la transparence: «Le Père Wenceslas réside en

France dans le respect des lois de la République, ajoute le P. di Falco, et

Mgr Bonfils et Mgr David, président du Comité épiscopal pour la Solidarité,

«se tiennent à la disposition des médias pour répondre à toutes les

questions sur les raisons de cet accueil et sur la procédure mise en

oeuvre.»

Le porte-parole des évêques de France conclut: «Rien ne peut justifier les

accusations de complaisance ou de complicité que certains voudraient

insinuer contre l’Eglise de France. Le Père Wenceslas ne bénéficie d’aucune

protection, ni d’aucune faveur autres que celles que notre pays garantit à

tout homme résidant légalement sur son sol. Il n’y a pas de nouvelle

affaire Touvier !»

Comme l’observe le journal «La Croix», l’affaire est complexe, notamment

«dans le cadre de l’actuelle tension entre le F.P.R. et l’Eglise, faite de

rumeurs et de délations». Selon le Père Sibomana, administrateur

apostolique de Kagbayi – et Prix «Reporters sans Frontières» 1994, les

sources mentionnées par la presse sont peu fiables. Par ailleurs, selon le

quotidien, de nombreux témoignages venus des Pères Blancs, notamment du

provincial, le P. François Richard, font état de son action en faveur des

réfugiés qui lui étaient confiés, même si, ajoute le P. Richard, «il est

possible que des gens qui comptaient sur lui aient été tués». La

participation de l’Eglise au génocide

Dans son édition de mercredi, «La Croix» interroge par ailleurs Henri

Blanchard, Père Blanc à Kigali, sur la participation de prêtres hutus aux

massacres de tustis. «Personne n’a encore pu me donner des preuves, répond

ce dernier. Ce sont des «on-dit». Je garde une grande estime pour les

prêtres de Kigali qui sont restés solidaires. Les Hutus ont essayé de

protéger leurs confrères tutsis. On a dit qúun prêtre aurait dénoncé trois

confrères cachés chez lui. La version que j’ai obtenue après enquête est

toute différente. Il aurait été joué par les militaires qui lui avaient

promis de les protéger. Alors, soyons prudents.»

Et le P. Wenceslas ? «Ce prêtre était avec 6.000 réfugiés, affirme le P.

Blanchard. S’il est allé aux barrières – tout le monde y était -, c’était

pour protéger les gens. Un officier lui avait dit: «Prends ça (un revolver)

pour impressionner les gens; ils te respecteront !» Ce port d’arme a été

une imprudence. Son erreur fut d’avoir accepté le revolver. Mais des

confrères m’ont dit: «Nous lui devons beaucoup».«

Pour le Père Blanc français, il est difficile de porter un regard juste,

car la souffrance est grande des deux côtés. Il ajoute: «Avant de parler de

réconciliation, parlons de justice ! J’ai parlé à nos chrétiens de pardon,

mais le pardon est une longue marche. Il y a des échelons plus ou moins

faciles à franchir. C’est déjà un grand pas que de refuser la vengeance,

d’accepter sa propre souffrance.»

Si le gouvernement qui, «en tant que tel, est modéré», fait appel à

l’Eglise pour qúelle relance les activités, entre autres les écoles, le P.

Blanchard pense qú»une des erreurs serait de répondre trop vite». «On a

fait beaucoup de choses par le passé, dit-il, mais en négligeant

l’essentiel, c’est-à-dire la formation des laïcs. Certaines communautés,

qui avaient des laïcs bien formés, ont bien résisté dans la tourmente.»

A la question de savoir ce que l’Eglise peut faire aujourd’hui, le P.

Blanchard répond: «L’Eglise est très diminuée. Elle a payé un lourd tribut:

une centaine de prêtres tués, autant de religieux et de religieuses. Elle a

du mal à trouver son souffle. Mais l’Eglise, c’est d’abord le peuple de

Dieu. Il a souvent été admirable. Il y a beaucoup de choses qui montrent

que ce peuple chrétien a vibré à l’Evangile.»

21 juin 1995 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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