L’analyse du Père Destable, ancien responsable de l’apostolat des laïcs

France: Pour l’émergence d’une parole laïque dans l’Eglise

De plus en plus de laïcs s’associent à un ordre religieux

Paris, 1er septembre 1999 (APIC) Le laïcat catholique français évolue. Le Père Paul Destable, ancien responsable de l’apostolat des laïcs qui quitte sa charge de secrétaire général adjoint de la Conférence des évêques de France, fait le point. Et parle de l’émergence d’une parole laïque dans l’Eglise, et constate depuis les années 90 que de plus en plus de laïcs s’associent à un ordre religieux…

Au moment où les paroisses sont moins fréquentées, les mouvements se présentent de plus en plus comme des lieux de ressourcement. L’Action catholique est en perte de vitesse, dit-il, mais les enjeux restent énormes. Selon lui, l’évolution la plus marquante est la «synodalité» qui marque un nouveau comportement du peuple de Dieu, «une conscience plus vive de faire Eglise ensemble».

Le Père Paul Destable livre son analyse dans le quotidien français «La Croix», et fait le bilan après un mandat de six ans comme secrétaire général adjoint de la Conférence épiscopale. Une expérience qui lui a permis de constater «un désir croissant des laïcs de s’associer à un ordre religieux et d’en suivre la spiritualité»: pendant quinze ans, les laïcs ont frappé aux portes des congrégations, qui se sont finalement ouvertes. Un exemple: la communauté lasalienne compte aujourd’hui environ 50’000 personnes dans le monde.

Mais comment ne pas voir que le dynamisme de certains mouvements va de pair avec la baisse de fréquentation des paroisses? S’interroge le Père Destable. Selon lui, «les mouvements se présentent de plus en plus comme des lieux de ressourcement (…). C’est comme une nappe phréatique qui permet de nourrir l’action: si la nappe disparaît, plus rien ne pousse. Combien de personnes, dans leur engagement social ou professionnel, sont en réalité soutenues pour leur mouvement! «

Or, depuis 70 ans, tous les renouveaux de l’Eglise se sont faits à distance de la paroisse, qui devrait pourtant rester la «maison commune», poursuit le P. Destable, pour qui «on s’est trop peu posé la question de l’apport de tel ou tel mouvement à cette maison commune». Inversement, «les paroisses ne se préoccupent pas toujours assez d’accueillir la diversité des mouvements et de respecter leur liberté». Aussi l’ancien responsable de l’apostolat des laïcs souhaite-t-il que les restructurations et regroupements paroissiaux en cours en tiennent mieux compte – la prochaine assemblée des évêques à Lourdes accentuera cette dynamique – et que les responsables et les permanents des mouvements s’appuient sur la formation diocésaine.

Action catholique: le défi reste immense

Comment ne pas voir également que certains mouvements, comme ceux qui se réclament de l’Action catholique, qui ont été le lieu privilégié de l’apostolat des laïcs, sont aujourd’hui en perte de vitesse. Aucun mouvement n’est éternel, observe le P. Destable. En revanche, un charisme ne s’use pas forcément avec le temps. Les grands mouvements d’Action catholique, en particulier en monde ouvrier, s’ils donnent le signe d’un vieillissement, ne continuent pas moins à se préoccuper de la dimension spirituelle de l’engagement social, «ce qui reste dans la grande tradition du catholicisme, même si ce n’est pas à la mode», puisque, ces dernières années, on a redécouvert la nécessité de reconstruire le sujet, et qu’on se définit aujourd’hui d’abord comme individu.

«Mais, insiste le P. Destable, à l’intérieur de ces mouvements, toute une réflexion s’élabore aujourd’hui, pour savoir comment rendre compte de la spiritualité de l’Action catholique. Les enjeux qui furent à l’origine de la création de l’Action catholique demeurent aujourd’hui: le fossé entre classes sociales se creuse, certains quartiers deviennent des ghettos… Pour l’Action catholique, qui encourage les chrétiens à être des acteurs, le défi reste immense. Nous devons penser l’apostolat des laïcs en fonction des attentes des besoins spirituels et humains que l’on doit honorer. Des choses importantes seront dites à ce sujet lors de la prochaine assemblée de Lourdes».

Pour l’émergence d’une «parole laïque»

La vitalité des mouvements de laïcs n’a pas permis l’émergence d’une parole laïque. Sans doute parce que le système médiatique ne l’a pas favorisée – les médias préfèrent s’adresser aux évêques -, mais aussi parce que, de l’avis du P. Destable, les mouvements apostoliques se sont montrés trop timides pour élaborer un discours. «Tant qu’il y aura un risque de cléricalisation dans l’Eglise, déclare-t-il, nous aurons besoin de l’apostolat des laïcs, et d’instances qui valorisent leurs actions et leurs paroles. Pourquoi ne pas envisager de créer un comité national des mouvements de laïcs, en s’inspirant de ce qui se fait dans de nombreux pays européens? J’estime que les choses sont mûres aujourd’hui».

Jeunes: des adhésions successives

L’ancien responsable de l’apostolat des laïcs revient enfin sur le succès des JMJ de Paris. Pour observer l’avènement d’une «pastorale des jeunes» là où l’on parlait hier de «mouvements de jeunes». Une «pastorale des jeunes» qui est devenue celle des 20-30 ans: «Avant, on considérait cette tranche d’âge comme un réservoir de cadres (…) pour les plus jeunes. Désormais, on élabore des projets dans leur direction». Autre conséquences des JMJ, l’apparition d’un nouveau genre littéraire, les «catéchèses»: pas un rassemblement de jeunes ne se déroule désormais sans un temps d’enseignement. Enfin, on constate depuis les JMJ une grande accélération des contacts avec les jeunes d’autres pays.

Voit-on pour autant plus de jeunes dans les églises? «C’est vrai, admet le P. Destable, «l’effet JMJ ne modifie rien aux statistiques. C’est un élément de référence dans l’esprit et dans le coeur de beaucoup de jeunes. Mais les jeunes n’expriment pas leur fidélité de la même manière. C’est comme le journal de 20 heures: les plus jeunes générations ne le suivent pas. Ils sont cependant informés, par d’autres moyens. Les jeunes ne vivent pas le rapport au temps de la même manière que les adultes. Ils ont des adhésions successives à des mouvements d’Eglise, comme pour signifier qu’ils n’appartiennent à personnes». (apic/cip/cx/pr)

1 septembre 1999 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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