Un métaphysicien pour les simples
Fribourg: Décès du professeur de philosophie dominicain Pierre-Marie Emonet
Fribourg, 9 février 2000 (APIC) Célèbre pour avoir initié pendant trois décennies des générations d’étudiants du Collège St-Michel de Fribourg aux arcanes de la philosophie thomiste et de la métaphysique, le Père Pierre-Marie Emonet est décédé mardi à l’âge de 82 ans à l’Hôpital cantonal de Fribourg. Originaire d’Attalens, dans le canton de Fribourg, le dominicain était dans la 59ème année de sa profession religieuse et la 55ème année de sacerdoce.
«Le Père Emonet était surtout quelqu’un qui avait fait le lien, peu habituel, entre la réflexion philosophique et la vie contemplative. Il unissait intimement philosphie et vie spirituelle», relève l’un de ses confrères, le Père Gilles Emery, prieur du couvent Saint-Hyacinthe à Fribourg. Intellectuellement, le Père Emonet était un disciple de saint Thomas d’Aquin et de Jacques Maritain. Il était également un fervent admirateur de Paul Claudel.
Mais Pierre-Marie Emonet vouait une admiration particulière au futur cardinal Charles Journet qu’il avait rencontré pour la première fois en 1937, au collège Saint-Michel: «J’avais été séduit par sa capacité de transmettre la plus haute théologie avec des mots aussi simples. Sa grande culture nous avait éblouis. Dans la revue «Nova et Vetera», quelques collégiens – dont j’étais – puisaient déjà de quoi éclairer leur refus du fascisme et du franquisme. Il était pour nous un maître!»
Né à Attalens le 3 juillet 1917, le jeune Georges (son nom de baptême) Emonet fait ses deux premières années de collège au juvénat des Pères du Saint-Esprit, puis poursuit ses études au Collège Saint-Michel à Friburg, où il passe le bac en 1939. Après une période sous les drapeaux pendant la mobilisation, il fait son noviciat dans l’Ordre des Prêcheurs à Chieri, près de Turin, en Italie. Le 30 octobre 1941, il fait sa première profession religieuse dans l’Ordre des Prêcheurs, avant de suivre des études de philosophie et de théologie à l’Angelicum, à Rome. Le Père Emonet a pour professeurs, notamment, les Pères dominicains Garrigou-Lagrange et Gillon.
Professeur jusqu’à l’âge de 81 ans
De 1943 à 1945, le vicariat dominicain de Suisse ayant ouvert un studentat (maison de formation pour étudiants dominicains) à Fribourg, il poursuit ses études de théologie à l’Université de Fribourg. Le Père Emonet est ordonné prêtre le 25 juillet 1945 à Pensier, par Mgr Amaudru, un évêque dominicain. De 1947 à 1950, il prépare le doctorat en philosophie à l’Angelicum, qu’il obtient avec une thèse sur Jean-Paul Sartre: «La notion de liberté dans la philosophie de Jean-Paul Sartre», publiée en 1954 à Fribourg, sous forme d’un extrait. Le dominicain sera ensuite, jusqu’en 1980 – pendant 30 ans! professeur de philosophie au collège Saint-Michel.
De 1974 à 1991, il sera aumônier du Monastère des Dominicaines d’Estavayer-le-Lac, où il résidera. De 1983 à 1985, le Père Emonet est professeur de philosophie au Séminaire de La Réunion, sur l’Ile de la Réunion, avant d’occuper le poste de professeur de philosophie au Séminaire d’Ars-Bellay, en France, de 1991 à 1999. Le Père Emonet avait repris domicile au Couvent Saint-Hyacinthe en juillet 1999.
Dans son dernier livre, «Une métaphysique pour les simples», publié en 1991 aux Editions du Centre National de Pastorale Liturgique, le Père Pierre-Marie Emonet apporte le fruit de trente ans d’enseignement de la philosphie au Collège St-Michel de Fribourg. L’intérêt de ce petit livre est double:permettre aux non-initiés d’accéder à la richesse d’un aspect essentiel de la philosophie occidentale et présenter aux doctes une approche simple et inhabituelle de la métaphysique. Son originalité consiste dans l’utilisation constante de l’expérience artistique et poétique: «Le métaphysicien et le poète sont frères dans les intuitions qui ouvrent à l’esprit le domaine de la Nuit originelle».
Les «simples» auxquels s’adresse ce livre sont les personnes qui ont conscience du désarroi actuel de la pensée en l’absence de toute référence métaphysique mais «qui se sentent incapables d’accéder aux traités savants et aux doctes exposés». (apic/ge/be)