Nouvelle réflexion sur l’atmosphère et la spiritualité du Moyen Age
Fribourg: Gros succès de l’exposition Hans Fries – Un peintre au tournant d’une époque
Fribourg, 11 janvier 2000 (APIC) Près de 10’000 visiteurs sont attendus le Musée d’art et d’histoire de Fribourg (MAHF), pour l’exposition «Hans Fries – Un peintre au tournant d’une époque», qui s’est ouverte le 7 décembre et fermera ses portes le 24 février. Dans sa peinture, le fribourgeois Hans Fries, aux yeux des spécialistes certainement le peintre suisse le plus important au tournant des années 1500, s’en tenait exclusivement à des sujets religieux.
Dans les trois premières semaines de l’exposition, relève Jacques Chassot, adjoint administratif du MAHF, on a compté déjà quelque 3’250 visiteurs. «Ce qui nous fait espérer dépasser les 10’000 entrées jusqu’au 24 février. Cette très belle exposition, une des plus importantes de ces dernières années, marche très fort. Elle a un excellent retentissement médiatique». J. Chassot souligne que les organisateurs ont mis le paquet pour un événement qui coûte quelques centaines de milliers de francs, y compris la monographie de plus de 300 pages publiée à cette occasion (*). Plusieurs dizaines de milliers de francs ont été investis rien que pour la publicité, dont une importante campagne d’affichages et d’annonces qui ne passe pas inaperçue. Du côté des organisateurs, on ne donnera pas de chiffres plus précis, sponsors privés obligent.
Certes, les sujets religieux ou spirituels intéressent le public. Ainsi, au début de l’an dernier, l’exposition sur «La franc-maçonnerie à Fribourg et en Suisse du XVIIIe au XXe siècle», a attiré plus de 6’000 visiteurs. Dans un tout autre genre, l’art contemporain, la Rétrospective Bruno Baeriswyl a fait du 31 août au 11 novembre dernier quelque 4’000 entrées.
Un peintre en porte-à-faux entre le Moyen Age et les temps modernes
Du point de vue de l’esprit et de la mentalité, Hans Fries est un peintre encore très médiéval. Il vit dans un monde dont le régime est encore tout à fait religieux, où tout culmine en direction d’un point final: Dieu, le Salut, l’au-delà. On est encore bien loin des questionnements et de l’ouverture qui se dessine autour des années 1500. Mais d’un certain point de vue, c’est aussi un précurseur de la Renaissance, remarque, l’historienne de l’art Verena Villiger, directrice adjointe du MAHF. «Hans Fries est en porte-à-faux entre le Moyen Age et les temps modernes, car son expression artistique a des traits parfois très Renaissance, comme son observation très précise de la nature».
Une obsession de l’observation de la nature
En parcourant l’exposition, le visiteur peut d’ailleurs facilement remarquer la reproduction fidèle d’animaux et de premiers plans représentant une réalité très tangible, comme ces enfants pieds nus sur le retable des «?uvres de charité». L’on y voit de façon très réaliste une distribution de pain et de vêtements aux indigents par la Confrérie du Saint-Esprit. «C’est presque un reportage sur la vie quotidienne à Fribourg, une représentation très moderne». La scène autour du tombeau de saint Antoine, qui représente des malades, un aveugle, des blessés, une mère avec un enfant mort, montre que Fries a dû être familier de telles réalités.
«Le peintre du Moyen Age a déjà dans la tête l’image de ce qu’il veut représenter, il n’est pas curieux de ce qui est réellement présent dans la nature.» Par contre, on voit que Fries – dans les détails, pas dans les grands paysages – , observe vraiment la nature, à l’instar de ce que faisaient déjà les peintres flamands. «Il a une obsession de représenter la réalité: ses portraits montrent qu’il avait des modèles, qu’il représentait des gens vraiment vivants».
Peut-être utilise-t-il toute cette représentation de la réalité pour rendre plus crédible le sacré ? Dans les plis et drapés colorés de ses personnages, qui sont des formes stylisées et inventées, on retrouve par contre le Moyen Age tardif.
Commissaire de l’exposition, à laquelle elle a travaillé pendant près de 3 ans (avec l’aide d’une équipe de six personnes), Verena Villiger relève que pour la Suisse de l’époque, Hans Fries est véritablement un précurseur, un artiste très doué, profondément original dans ses formes. Le contenu souvent très complexe de ses ?uvres permet, aux yeux des spécialistes, de nouvelles réflexions concernant l’atmosphère et la spiritualité du Moyen Age. (apic/be)