se sont unis pour rendre hommage au sculpteur Tinguely
Fribourg: la ville, le canton, la Suisse et le monde (040991)
Le salut de Mgr Pierre Mamie à l’ami et à l’artiste
Fribourg, 4septembre(APIC) Une foule immense composée de Monsieur-toutle-monde, de femmes, d’hommes et d’enfants, mais aussi du président de la
Confédération Flavio Cotti, du Conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz,
des représentants des Gouvernements de Fribourg, Bâle et Vaud, de la ville
de Fribourg, des invités officiels, sont venus dire mercredi un dernier
adieu à Jean Tinguely, le sculpteur, le dessinateur et peintre Tinguely,
l’inventeur, selon Jack Lang, ministre français de la Culture, «de l’art du
mouvement à même de pénétrer la véritable énergie de notre civilisation».
Hommage d’une foule à l’ami, rassemblée tout au long du cortège funèbre
jusqu’à la cathédrale Saint-Nicolas pour écouter l’homélie de l’évêque du
diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, l’adieu de Mgr Pierre Mamie à
l’ami qu’était pour lui le Fribourgeois Jean Tinguely, décédé à Berne dans
la nuit du vendredi à samedi à l’âge de 66 ans
Parti de l’Université de Fribourg, l’imposant cortège funèbre a traversé
la ville jusqu’à la cathédrale, au milieu d’une masse imposante d’amis et
de curieux venus s’associer pour ce dernier adieu à l’un des artistes suisses les plus connus dans le monde. Il était 14 heures lorsque le convoi
s’est mis en marche, emmené par le corps de musique de la Landwehr, suivi
de la voiture transportant le cercueil de bois brun. Derrière le corbillard: une machine. Une «machine à Tinguely», une sorte de tracteur bruyant,
symbolique, baptisé «Klamauk». La machine fidèle à son créateur, précédait
dans le convoi la famille, les autorités et les personnalités ainsi que les
amis. Le corps de musique des fifres et tambours de la guggenmusik Kuttlebutzer de Bâle, dont Tinguely faisait partie, avait tenu à s’associer à
l’hommage, à l’instar des nombreuses délégations des sociétés qui fermaient
la marche et avec lesquels le sculpteur entrenait des relations.
Une lourde perte pour le pays
Hommage d’un canton et d’une ville à l’un de ces plus prestigieux citoyens, hommage de la Suisse par la voix de Flavio Cotti, président de la
Confédération, lors de la cérémonie dans la cathédrale, peu après la messe
présidée par Mgr Mamie. «Jean Tinguely était tout à la fois citoyen du monde et citoyen suisse. Qu’il fut citoyen du monde, qui pourrait en douter
encore après avoir feuilleté, ces jours derniers, la presse internationale», a déclaré le président Cotti, avant de relever que «le monde entier
vient de rendre un vibrant hommage à Jean Tinguely, l’homme qui a fait sortir l’art de ses frontières traditionnelles pour le faire descendre sur la
place publique, l’homme qui a su ouvrir le monde de la création à tous ceux
que l’art contemporain laissait perplexes».
Pour Flavio Cotti, «une fois de plus, la mort prive la Suisse de l’un de
ses très grands hommes. C’est une lourde perte que notre pays et le monde
pleurent aujourd’hui». Un sentiment que partage François Barré, délégué des
Arts plastiques au Ministère de la culture et de la Communication de la
France. Tinguely «fut un citoyen du monde, nous le pleurons aussi en France
comme l’un de nos concitoyens», a-t-il dit. Après avir rappelé son oeuvre
laissée en France, il a donné connaissance du message du ministre français
de la culture, Jack Lang: «Tinguely est un artiste majeur de notre siècle».
La cathédrale Saint-Nicolas ne pouvant accueillir tout le monde, la messe célébrée par Mgr Pierre Mamie a été diffusée avec des hauts-parleurs
afin de permettre à la foule rassemblée sur la Place de la Grenette d’y
participer et de se recueillir. D’écouter avec émotion l’homélie prononcée
par l’évêque, et l’entendre s’adresser à l’artiste Tinguely, son ami: «Tu
es bien ici, dans cette cathédrale, où tu m’as demandé qu’on célébrât la
fête de ton dernier salut d’artiste… Mais tu ne vas pas me reprocher de
pleurer, car je t’ai vu, toi aussi, pleurer quelquefois, de bonheur, ou de
tristesse, car la tristesse a aussi été une fidèle compagne que tu n’as pas
cessé de tirer du côté de la joie».
Ton atelier est aujourd’hui cette cathédrale
«Tu m’avais demandé, il y a peu de temps, que je vienne dire une messe
dans ton atelier de La Verrerie. Tu voulais offrir à Dieu toutes tes machines, en compagnie de tes amis. Je t’ai dit oui, avec joie. On n’a pas pu
fixer une date. Mais Dieu qui a, lui aussi, de l’imagination, a voulu que
ton atelier soit cette cathédrale…»
La mort n’est pas une «gueuse», mais est une «bien-aimée» vers laquelle
nous courons tous plus ou moins vite pour être là où l’on n’aura plus jamais besoin de se dire au revoir, s’est écrié Mgr Mamie avant de faire allusion à la passion qu’entrenait Tinguely pour le sport et pour le Hockey
sur glace… «Tu le sais, on en parlait en regardant ensemble Bykov et Khomutov à la patinoire de St-Léonard: au paradis, il n’y aura plus que des
jeux, des couleurs, de la lumière et de la musique, dans un feu d’artifice
indéfiniment recommencé».
«Les musiciens, les poètes, les romanciers, les clowns, les comédiens,
les peintres, les sculpteurs, les verriers, eux tous nous conduisent à la
frontière du divin. Ils ne le savent pas eux-mêmes, mais ce qu’ils créent
nous fait voir et entendre ce que nous n’entendons pas dans la médiocrité
de nos vies de terriens, ce que nous ne cessons de chercher, toujours inquiets, comme à tâtons, l’absolu, l’amour total. Ce qui pourrait être ferraille, rouille, grincements ou squelettes dans notre propre coeur, Dieu
en voit toujours la beauté qui y est ensevelie, mais qui n’est pas morte…»
Et Mgr Mamie de conclure son hommage à l’ami qu’était pour lui Tinguely:
«Ah oui, Jean, tu vois que je t’ai parlé comme si tu étais toujours vivant,
parce que c’est vrai – c’est un grand mystère, tu es vivant -, parce que
dans la mort, la vie n’est pas détruite, elle est transfigurée. Tu dois savoir maintenant ce que cela veut dire. Merci, Jean! Merci à Dieu!»
Jean Tinguely sera inhumé jeudi à Neyruz, dans la village qu’il habitait. (apic/pr)