Il poursuivra recherche et enseignement à Jérusalem
Fribourg: Le Père Adrian Schenker a fait ses adieux à l’Université vendredi soir
Fribourg, 19 juin 2005 (Apic) L’auditoire B de l’Université de Fribourg était comble vendredi soir pour rendre hommage au Père Adrian Schenker. Le dominicain donnait sa leçon d’adieu sur le thème «Temple et Bible – Le monument dans le document, le document en théologie». Ce départ va créer un vide, a déclaré dans son hommage le professeur Max Küchler. «Car c’est aussi le départ d’une véritable bibliothèque», a lancé le président du Département d’Etudes Bibliques,
Cet infatigable professeur d’exégèse de l’Ancien Testament – il a la réputation de ne jamais prendre de vacances ! – ne va pas pour autant abandonner ses recherches et l’enseignement. Dès cet automne, il fera profiter de son savoir les étudiants de l’Ecole Biblique et Archéologique française de Jérusalem. Son directeur, le dominicain fribourgeois Jean- Michel Poffet, avait fait le déplacement à Fribourg pour l’occasion.
Famille, confrères dominicains venus de loin et collègues de la Faculté de théologie, amis et invités tous étaient venus rendre hommage à l’alma mater friburgensis au professeur émérite dont la réputation a depuis longtemps franchi les frontières nationales. La conseillère d’Etat fribourgeoise Isabelle Chassot, directrice de l’instruction publique, de la culture et du sport, avait également tenu à participer à la cérémonie.
C’est le vice-recteur Michel Monbaron, professeur à la Faculté des sciences, qui a rendu hommage au professeur Schenker. Il a salué en lui le «professeur, le chercheur infatigable et éclectique». Il remplaçait quasiment au pied levé le professeur dominicain Guido Vergauwen, vice- recteur, honoré à l’Université de Bucarest, et la doyenne de la Faculté de théologie, Barbara Hallensleben, qui l’accompagnait.
La parole de Dieu au centre
Dans sa «laudatio», le professeur Stephen Pisano a souligné que pour le Père Adrian Schenker, tout au long de sa vie académique, «c’est la parole de Dieu qui était au centre». Ancien de l’Université de Fribourg, où il obtint un doctorat, le Père Pisano, recteur de l’Institut Biblique Pontifical de Rome, est un ami de longue date du dominicain.
Evoquant le livre de l’Ancien Testament de Ben Sira sur les hommes illustres d’Israël, le professeur jésuite a souligné qu’à travers le souvenir de quelques uns de ces personnages bibliques, on allait trouver «quelques images justes» pour parler du Père Schenker. Un homme qui a mené une sorte de combat, non pas contre les étudiants, «mais un combat contre l’ignorance de la Bible. et surtout de l’Ancien Testament». Le Père Schenker a eu le mérite d’ouvrir à plusieurs générations d’étudiants ce livre qui est trop peu connu, a-t-il relevé.
Le jésuite américain, après avoir relevé la grande compétence apportée par Adrian Schenker au sein de la Commission Biblique Pontificale dont il fut longtemps membre, a encore souligné son travail sur la nouvelle édition critique de la Bible hébraïque, la Biblia Hebraica Quinta. Il a qualifié son travail sur l’édition critique des livres des Rois de «monument à son érudition et à l’amour qu’il a pour le texte de la Bible».
Mais pour le professeur Pisano, Adrian Schenker n’est pas seulement un homme érudit. C’est aussi un homme qui, par sa simplicité, son amitié et sa lucidité, sait donner les conseils à ceux qui sont à la recherche de réconfort et de paix. Par son enseignement et son témoignage, «il construit les structures spirituelles pour que le peuple puisse connaître le Seigneur».
A l’occasion de cette fête d’adieu, Innocent Himbaza, collaborateur scientifique au Département d’Etudes Bibliques, a remis à Adrian Schenker un livre en son honneur intitulé «L’Ecrit et l’Esprit». L’ouvrage contient 31 contributions en français, en allemand et en anglais venues de tous les horizons, dont neuf directement de l’Université de Fribourg. Il possède aussi une bibliographie reprenant notamment les publications scientifiques du Père Schenker depuis quarante ans. JB
Encadré
Portrait du Père dominicain Adrian Schenker
Né le 17 juillet 1939 dans une famille de sept enfants, Adrian Schenker a passé son enfance et sa scolarité à Zurich. En 1958, il entra dans l’ordre des Frères Prêcheurs, les Dominicains. Après une licence en théologie à l’Université de Fribourg, en 1965, il est allé parfaire sa formation de bibliste à Rome (licence en Ecriture Sainte, 1966) et à Jérusalem (Ecole Biblique et Archéologique française de Jérusalem, 1966-67). En 1972, l’Université de Fribourg lui décerna le doctorat pour une thèse consacrée à des manuscrits ayant gardé le texte des Psaumes dans une version connue au 2e siècle par Origène.
Le Père Schenker a enseigné à l’Université de Fribourg depuis 1967 lorsqu’il fut chargé des cours d’hébreu biblique. Privat-docent à partir de 1973, puis professeur titulaire depuis 1982, il fut d’abord responsable de l’initiation des étudiants de langue allemande à la théologie de l’Ancien Testament avant de succéder, en 1991, au dominicain J.-D. Barthélemy comme professeur de théologie et d’exégèse de l’Ancien Testament pour les étudiants francophones. Il occupa par ailleurs de 1983 à 1988 la charge de vice-recteur de l’Université Fribourg. En 1997, il retourna en tant que professeur invité à l’Institut Biblique Pontifical à Rome. En 2002-2004, il est doyen de la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg.
Ancien membre de la Commission biblique pontificale, il est coordinateur de la Commission d’édition de la Biblia Hebraica Quinta et président de la Commission théologique des évêques suisses. Il est membre du «Committee of Scholarly Editions» de la Société biblique allemande et de l’Alliance mondiale des Sociétés bibliques.
Les recherches du professeur Schenker se sont développées dans deux directions: d’une part vers l’histoire de la transmission du texte biblique de l’Antiquité à nos jours, dont il est devenu un spécialiste de renommée mondiale. D’autre part, il s’est beaucoup interrogé sur la théologie de l’Ancien Testament, notamment dans les domaines du droit, de la réconciliation, du rituel et du sacrifice. Par ailleurs, il s’est toujours intéressé à l’exégèse et à la théologie médiévale dont Maïmonide et Thomas d’Aquin sont des figures de référence.
Enseignant également à l’Ecole de la Foi, le Père Schenker est connu bien au-delà des frontières suisses comme un prédicateur infatigable et animateur de retraites spirituelles. Il a occupé de nombreuses fonctions au service de l’ordre des Dominicains, notamment comme responsable du noviciat et prieur du couvent Saint-Hyacinthe à Fribourg ou comme visiteur et délégué au chapitre général.
Ses larges intérêts, sa loyauté sans faille à l’égard de l’Eglise et sa très grande disponibilité l’ont amené à siéger dans de nombreuses commissions universitaires et ecclésiales, dont la Commission suisse pour le dialogue judéo-chrétien. Il a également été membre de la Commission Biblique Pontificale, dans laquelle il contribua largement à la rédaction du document de 1993 sur «L’interprétation de la Bible dans l’Eglise», document qui s’illustre notamment par la reconnaissance d’une pluralité légitime des méthodes dans l’interprétation des Ecritures. (apic/be)