Fribourg: Le tsunami s’invite au Festival international de films de Fribourg

Attention à «l’effet CNN», met en garde le porte-parole de la DDC

Fribourg, 7 mars 2005 (Apic) Le raz de marée qui a frappé 11 pays d’Asie et d’Afrique le lendemain de Noël s’est invité lundi au Festival international de films de Fribourg (FIFF). Le FIFF a débuté dimanche soir sa 19e édition en faisant salle comble avec «Le grand Voyage» d’Ismaël Ferroukhi, cheminement d’un père et de son fils, de Marseille à la Mecque, pèlerinage à la découverte de soi et de l’autre.

Premier des cinq séminaires organisés dans le cadre du FIFF, celui de lundi consacré au tsunami qui a ravagé les côtes asiatiques fin décembre a permis de mieux comprendre cette tragédie.

Avec un nombre de victimes approchant les 300’000 morts et près de dix fois plus de personnes touchées, ce tsunami est le plus grand désastre naturel d’après-guerre, a lancé lundi l’invité Jean-Philippe Jutzi, porte- parole de la Direction du développement et de la coopération (DCC). En tout cas le plus grand connu par le biais des médias. Car le tremblement de terre dans la région de Tangshan, en juillet 1976, aurait fait plus de 500’000 morts, mais à l’époque la Chine était fermée aux étrangers, a fait remarquer un intervenant.

Analysant les difficultés pour savoir ce qui se passait dans les premières heures du drame du Sud-Est asiatique, J.-P. Jutzi a mis en garde contre les risques de «l’effet CNN». Dans cette logique de médiatisation des catastrophes, s’il n’y avait pas eu d’images sur nos écrans, peut-être que le tsunami aurait été ignoré, a déploré celui qui fut longtemps journaliste à La Liberté, au Matin et à 24 heures. Il suffit de penser aux crises qui agitent le Zimbabwe ou l’Ouganda. En fin de compte, relève-t-il, les guerres qui ravagent certaines régions d’Afrique font bien davantage de morts que le raz de marée asiatique.

Des catastrophes mobilisent plus que d’autres

Certains types de catastrophes mobilisent plus que d’autres, et le tsunami, parce qu’il a frappé un endroit paradisiaque – les plages thaïlandaises fréquentées par les touristes occidentaux – a permis une mobilisation encore jamais vue des secours internationaux et un élan de générosité inégalé. Près de 80% des sommes demandées par le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, il s’agit de 977 millions de dollars, ont été couverts. C’est vrai que la période concernée – le lendemain de Noël – a fait l’effet de prisme et la catastrophe a été surmédiatisée.

Au niveau suisse, la cellule de crise de la DDC a été opérationnelle dans les 4 heures après l’annonce de la catastrophe. La première équipe était sur place dès le 27 décembre et l’intervention a été simultanée dans 5 pays. 80 experts de la DDC/CSA (Corps suisse d’aide humanitaire – CSA – qui comprend un pool de miliciens prêts à l’engagement) ont été envoyés sur le terrain et une somme spéciale de 27 millions de francs a été débloquée par la Confédération. Quant à la Chaîne du Bonheur, elle a récolté 218 millions de francs auprès de la population suisse, du jamais vu!

L’aide a également des effets pervers

Mais cette aide a également des effets pervers, a admis J.-P. Jutzi. Des «acteurs humanitaires à la petite semaine» sont arrivés sur le terrain, des «wagons entiers de scientologues», des mollahs, certains plus pressés de faire de la propagande, du show ou de l’audimat que d’apporter une aide professionnelle. Ainsi on a assisté à des doublons, à des envois de matériels inutiles ou pas toujours adaptés, sans compter que l’arrivée de ces biens a provoqué une inflation des prix pour la population locale.

«Quand les humanitaires débarquent, ils ont des besoins, il faut bien qu’ils se logent, alors on a vu à Banda Aceh des prix de location qui ont décuplé! Une fois les étrangers partis, il n’est pas sûr que les loyers baissent si vite.», témoigne le porte-parole de la DDC. L’arrivée inconsidérée de biens qu’on pourrait acheter sur place déstructure les marchés locaux, signale J.-P. Jutzi, «alors qu’au Sri Lanka, la DDC a quasiment pu trouver tout le matériel nécessaire sur place, en dehors des zones détruites, à seulement 7 ou 8 kilomètres du lieu de la catastrophe, ou sinon à Colombo».

L’aide en cas de catastrophe, avant tout une affaire de professionnels

Le porte-parole de la DDC insiste: l’aide en cas de catastrophe est avant tout une affaire de professionnels, «pas seulement de bonne volonté». Il faut notamment faire coller l’aide d’urgence à l’aide au développement durable, faire participer les partenaires locaux aux choix des solutions, impliquer davantage la société civile, en mettant l’accent en premier lieu sur l’apport des femmes. Face aux restrictions en matière d’aide publique au développement, il faut également trouver d’autres sources de financement, a-t-il encore lancé.

Et l’image, dans tout cela ? «Sans information, pas de connaissance, sans image, pas d’information», a-t-il souligné, tout en admettant que les images de la télévision sont aussi un écran qui aseptise la réalité. Interrogé sur l’absence d’aide internationale au Myanmar (Birmanie), un pays qui vit sous un régime de dictature militaire, le porte-parole affirme que la DDC a fait des offres, «en vain.». Sans couverture médiatique, on ignore tout de l’ampleur de la catastrophe dans ce pays! (apic/be)

7 mars 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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