Fribourg: Les amis de Jacques Loew préparent le centenaire de sa naissance

«Fribourg lui doit beaucoup, et réciproquement!»

Bernard Bovigny, Apic

Fribourg, 11 avril 2008 (Apic) Le chemin de Jacques Loew a traversé à de nombreuses reprises le canton de Fribourg. C’est même à la Chartreuse de la Valsainte en Gruyère, en 1932, que ce jeune issu d’une famille anticléricale fait une expérience décisive de conversion à la foi catholique. Suivront à Fribourg l’ouverture du Centre de formation de la Mission Ouvrière Pierre et Paul en 1967, suivi dès 1969 de celle de l’Ecole de la Foi. «Fribourg lui doit beaucoup, et réciproquement!», affirme le chanoine Claude Ducarroz, président de la Fondation Jacques Loew.

Une semaine «Jacques Loew» est prévue du 22 au 25 avril, au Centre Ste-Ursule à Fribourg pour trois conférences-débats sur sa figure et son rayonnement, puis à la Cathédrale St-Nicolas pour une messe présidée par l’évêque de Yamoussoukro, Mgr Joseph Yapo Aké.

Car 9 ans après sa mort, Jacques Loew poursuit son oeuvre à travers le monde. La Mission ouvrière saints Pierre-et-Paul est active au Brésil, en France, au Japon, en Russie et en Suisse. L’Ecole de la Foi, qui a dû fermer ses portes à Fribourg en 2006 par manque d’effectif retrouvera un nouveau dynamisme à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire, où les sessions de formation devraient débuter cette année encore. Les associations des Amis de Jacques Loew sont actuellement implantées en Suisse, en Belgique, et surtout en France où une centaine de groupements s’adonnent au partage biblique.

C’est pour sa bonne réputation que la ville des bords de la Sarine a été choisie par Jacques Loew en 1969 pour abriter l’Ecole de la Foi. «C’était une époque troublée en France. Alors c’est à Fribourg qu’il est venu mettre en place son nouveau projet, dans un milieu un peu plus stable et dans une ville réputée pour sa formation universitaire», explique Claude Ducarroz, ancien directeur de l’Ecole de la Foi. «Près de 1’900 disciples des quatre coins du monde y ont transité, dont beaucoup de religieuses et religieux, alors que Jacques Loew visait en priorité la formation des laïcs». Son initiative faisait suite à un de ses voyages au Brésil, durant lequel il a compris l’importance de mettre en place des petites équipes de partage de vie et de foi.

Conserver une présence en milieu ouvrier

Quant à la Mission ouvrière Pierre et Paul (MOPP), son lancement, en 1955, suit d’une année l’interdiction des prêtres ouvriers par le Saint-Siège. «Certains prêtres ont alors obtempéré et quitté leur activité professionnelle pour être intégrés dans des paroisses, d’autres ont quitté leur sacerdoce pour rester dans le milieu ouvrier», explique Claude Ducarroz. C’est donc pour maintenir une forme de présence de l’Eglise en milieu ouvrier que Jacques Loew a fondé ce qui est devenu une congrégation religieuse. Approuvée en 1965 par le Saint-Siège, son centre international de formation s’ouvre en 1967 à Fribourg.

Actuellement la MOPP compte 20 membres, dont 14 prêtres, 2 diacres et 4 frères. Un (le supérieur) est à Moscou, trois sont en France, dans la région parisienne, trois à Fribourg, trois à Tokyo, cinq à Toulouse, et cinq à Curitiba au Brésil. Sur Fribourg, un membre de la MOPP travaille dans la pastorale des jeunes et à Caritas, un au Centre Ste-Ursule, et un à la paroisse de Villars-sur-Glâne.

Quant à la Fondation Jacques Loew, basée à Fribourg comme il se doit, elle assume l’héritage spirituel de l’Ecole de la Foi et diffuse de la documentation sur son fondateur. En vue du 100e anniversaire, elle a réédité un de ses ouvrages majeurs «Comme s’il voyait l’invisible» (Ed. du Cerf) et édité «Jacques Loew, la quête de Dieu», de G. Convert (Ed. du Cerf). La Fondation annonce également l’ouverture des archives de Jacques Loew, dont la liste des documents est détaillée sur le site www.fondation-loew.ch. BB

Encadré

Programme des fêtes du centenaire de Jacques Loew

Trois conférences-débat au Centre Ste-Ursule à 20h15

– Mardi 22 avril, «Jacques Loew et l’évangélisation en milieu ouvrier», par Philippe Hennebique, de la MOPP, et le Père Pitaud, spécialiste de Madeleine Delbrêl.

– Mercredi 23 avril, «DE Friboirg à Yamoussoukro – son rayonnement international», par le diacre Noël Aebischer et Sr Marie-Gabrielle Bérard, anciens directeurs de l’Ecole de la Foi.

– Jeudi 24 avril, «Le rayonnement du maître spirituel», par Georges Convert et Bernard Cougoul, auteurs de livres sur Jacques Loew.

Célébration eucharistique vendredi 25 avril à 18h à la Cathédrale St-Nicolas, présidée par l’évêque de Yamoussoukro, Mgr Joseph Yapo Aké.

Une exposition de documents et photos a lieu durant cette semaine au Centre Ste-Ursule.

Une session biblique «Quand la Parole fait Eglise» sera animée du 5 au 9 juillet par le Père Masséo Caloz, à Matran près de Fribourg. BB

Encadré

Trois questions à Claude Ducarroz

Apic: Eglise catholique en milieu ouvrier: à part quelques coups d’éclat (messe de l’évêque avec les grévistes, soutien à une manifestation, .), c’est plutôt l’absence actuellement. Et c’est la crise dans les mouvements d’action catholique .

Claude Ducarroz: C’est vrai, c’est un gros problème. Quelques anciens militants d’Action catholiques restent encore, des équipes d’ACO subsistent. Et la Pastorale du Monde du travail est aussi présente, dans quelques cantons. Et c’est à peu près tout au niveau de la pastorale dans le monde ouvrier. On dit que l’Eglise a perdu le monde ouvrier, c’est vrai. Mais aussi beaucoup d’autres mondes. La lutte ouvrière est reprise par les syndicats.

Il faut cependant relever que l’on travaille de moins en moins en terme de «classes», mais de plus en plus en termes de «catégories». Le sous-prolétariat n’est plus lié à un milieu professionnel, mais touche plutôt le monde des clandestins, ainsi que de nombreuses professions mal reconnues et sous-payées.

Apic: Jacques Loew, aujourd’hui, vers quoi centrerait-il son action?

CD: Son mouvement s’est élargi, passant du monde ouvrier à une dimension communautaire. Jacques Loew lui-même a insisté sur la nécessité d’une formation spirituelle, biblique et communautaire, qui sont les trois intuitions de l’Ecole de la Foi.

A la fin de sa vie, il était davantage sensible au «bas de l’échelle» spirituel que social. Lui-même est issu d’un milieu bourgeois anticlérical. Il était formellement baptisé catholique, mais son père l’avait inscrit à l’Ecole du dimanche protestant pour le soustraire à l’influence des prêtres.

Sa conversion, il l’exercée tout seul. D’abord en lisant des ouvrages religieux lors d’une cure à Leysin, alors qu’il était soigné pour une tuberculose, puis à la Valsainte lors d’un temps de retraite.

Apic: Sur quels accents, au sujet de la personnalité de Jacques Loew, allez-vous insister lors des fêtes de son centenaire?

CD: Trois accents de la personnalité et de l’oeuvre de Jacques Loew sont mis en évidence.

– L’évangélisation en milieu ouvrier, avec son expérience de prêtre ouvrier et l’issue qu’il a trouvée à la crise, en fondant la MOPP;

– Son rayonnement international (il a lui-même beaucoup voyagé dans les pays de l’Est, au Brésil, .) quia trouvé son apogée avec la fondation de l’Ecole de la Foi;

– Ses ouvrages. C’est un homme qui a beaucoup écrit, et ses livres méritent d’être redécouverts. Il est un maître à penser, à prier, et à réfléchir sur le monde actuel.

Il faut relever que lui-même a toujours été incapable de vivre en équipe. Pourtant sa personnalité et ses pensées ont aidé des milliers de personnes à faire équipe! Il a écrit des chapitres admirables sur la vie communautaire. BB

Encadré

Sa conversion, l’étape décisive de La Valsainte

«Cette marche vers Jésus Christ a été solitaire. Je n’ai dialogué avec aucun prêtre sauf durant les quelques jours passés à la Chartreuse de la Valsainte près de Fribourg. Les Pères Chartreux m’avaient accepté tout en sachant que j’étais incroyant. J’assistais à leurs offices auxquels je ne comprenais pas grand-chose quand, un matin, je vis tous les chartreux se lever et entourer l’autel où le Père Prieur célébrait la messe. En même temps quelques autres retraitants qui étaient à la tribune avec moi descendirent, allèrent se joindre aux chartreux et là tous communièrent. (.) A ce moment je fus mis en face d’une implacable alternative: ou bien ces hommes sont fous et croient à je ne sais quelle histoire de l’autre monde (c’est le cas de le dire!) ou bien c’est moi qui suis aveugle. Cela me fit une immense impression, il n’y avait pas d’échappatoire. Je me revois encore, seul dans le coin de cette tribune. Evidemment cela n’a pas suffi, à cet instant, pour me donner la foi, mais cela m’a poussé à chercher ce Dieu hypothétique et surtout non plus seulement le chercher dans les livres, mais à lui demander, à lui, de se faire connaître: en un mot, j’ai prié. Et spontanément est venue sur mes lèvres la vieille prière de l’Ecole du Dimanche: le Notre Père. BB

(»Jacques Loew / Le bonheur d’être homme», entretiens avec Dominique Xardel / Centurion)

Encadré:

Quelques étapes de la vie et de l’oeuvre de Jacques Loew *

– 1908 31 août, naissance à Clermont-Ferrand

– 1929 Avocat au barreau de Nice

– 1932 Séjour chez les Chartreux de la Valsainte

– 1934 Noviciat chez les dominicains à Saint-Maximin (Var)

– 1939 Ordination sacerdotale

– 1941 Début de son engagement comme docker à Marseille

– 1954 Interdiction par le Saint-Siège des prêtres ouvriers

– 1955 Création de la Mission Saints Pierre et Paul (MOPP) destinée à l’évangélisation du milieu ouvrier

– 1960 – 1962 Voyages de Jacques Loew au Sahara, dans des pays de l’Est et en Amérique latine

– 1963 Une équipe de la MOPP s’installe à Sao Paulo au Brésil

– 1965 Le Saint-Siège approuve les statuts de la MOPP comme Institut apostolique

Jacques Loew quitte l’Ordre des dominicains pour se consacrer à la MOPP

– 1967 Installation du Centre de formation de la MOPP à Fribourg

– 1969 Jacques Loew prépare la création ce l’Ecole de la Foi à Fribourg

– 1973 Jacques Loew quitte la responsabilité de la MOPP pour se consacrer à l’Ecole de la Foi

– 1973 – 1981 Nombreux voyages, en Amérique, en Afrique et dans les pays de l’Est notamment

– 1986 Jacques Loew se retire peu à peu, à l’Abbaye de Tamié., puis en ermitage

– 1999 Il décède en février à l’âge de 90 ans à Echourgnac, en Dordogne.

Jacques a été l’auteur – ou le co-auteur – de 17 livres et de très nombreux articles. Il a également collaboré à de nombreux ouvrages collectifs. BB

* (extraits de «Jacques Loew / Le bonheur d’être homme», entretiens avec Dominique Xardel)

(apic/bb)

11 avril 2008 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 7 min.
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