Fribourg: Soeur Emmanuelle, la célèbre «chiffonnière du Caire», reçue à l’évêché
Une «chef de cordée» qui nous mène vers les sommets de la charité
Fribourg, 9 novembre 2004 (Apic) «Dieu en a assez d’amis qui le bavardent, mais il a faim et soif d’amis qui le vivent», a lancé lundi soir Mgr Bernard Genoud, en accueillant Soeur Emmanuelle à l’évêché de Fribourg. La célèbre «chiffonnière du Caire», présente ces jours-ci à Fribourg dans le cadre de la rencontre «Prier Témoigner», a ensuite apporté son témoignage durant la messe à la cathédrale St-Nicolas.
«Avec la jeunesse de votre coeur, vous parlez à des jeunes souvent tellement plus âgés que vous!», a poursuivi l’évêque, visiblement touché par les paroles profondes et pleine d’humour de la soeur franco-belge qui va avoir 96 ans dans quelques jours. Une religieuse que Mgr Genoud, entouré de nombreux invités – dont plusieurs personnalités politiques fribourgeoises et les responsables de l’Association Suisse des Amis de Soeur Emmanuelle (ASASE) à Genève – a qualifiée de «chef de cordée» qui nous emmène vers les sommets de la charité.
La religieuse de la Congrégation de Notre-Dame-de-Sion, née à Bruxelles sous le nom de Madeleine Cinquin, est professeur de philo en Turquie puis Afrique du Nord, avant de s’établir au Caire en 1971 – à l’âge de la retraite ! C’est là qu’elle passe 22 ans dans les bidonvilles, avec les chiffonniers d’Azbet-el-Nakhl puis du Mokattam, avant de se retirer en 1993 dans le midi de la France où elle passe une retraite plus qu’active.
Le sens de la bataille à mener: sauver des milliers d’enfants
Remerciant l’évêque pour ses paroles encourageantes, Soeur Emmanuelle a rappelé que l’immense travail réalisé par son association est l’oeuvre de toute une équipe. Expliquant la source de son inspiration, elle a affirmé de façon forte: «Je crois en Dieu, mais je crois aussi en l’Homme. Aider l’Homme, c’est tellement important, parce que si l’on ne croyait qu’en Dieu sans ne rien faire pour l’Homme, ce serait perdu, fichu!».
Soeur Emmanuelle a ensuite salué le sens de l’homme et de l’humanitaire qu’elle percevait parmi la foule rassemblée à l’évêché: «Vous avez un sens de la bataille qu’il faut que chacun d’entre nous continue à entreprendre contre l’injustice, contre ceux qui sont trop privilégiés à côté d’autres qui n’ont rien!» Avec l’humour qui la caractérise, la vivace religieuse s’est dite prête à quitter la vie terrestre «parce que derrière moi, je sais que cela continue, parce que vous êtes là!». Son association est désormais présente dans 9 pays, venant en aide à plus de 70’000 enfants.
L’Association Suisse des Amis de Soeur Emmanuelle a 25 ans
Président de l’ASASE à Genève, Michel G. Bittar a rappelé qu’avec des amis, il a lancé l’Association Suisse des Amis de Soeur Emmanuelle il y a tout juste 25 ans. Tout a commencé un jour à Genève, quand la religieuse était venue voir cet homme originaire du Soudan pour lui demander.100’000 dollars! C’est alors qu’est née l’idée de la création d’une association en Suisse. Dont l’une des premières réalisations concrètes fut la réalisation d’une usine de compost au Caire, pour une population qui vit de récupération sur les décharges publiques de la capitale égyptienne. Les fonds récoltés en Suisse permettent en outre de financer des écoles, des dispensaires et des maternités.
Puis la situation se dégrade au Soudan, où un gouvernement islamiste a pris le contrôle du gouvernement. En 1986, Michel Bittar reçoit un appel d’un cousin qui a ouvert un foyer à Khartoum pour accueillir des enfants de la rue. Ceux-ci ont fui la guerre civile qui ravage le Sud du Soudan.
Cependant, les besoins dépassent rapidement les moyens. Michel Bittar demande alors à Soeur Emmanuelle de se rendre à Khartoum. Elle accepte de se lancer dans l’aventure. Un diacre, Kamal Tadros, secrétaire d’une ONG locale, la Société Saint-Vincent-de-Paul commence par créer des écoles dans des centres de réfugiés installés dans le désert, autour de la métropole. Il y a bientôt plus de 50’000 élèves, auxquels est offert chaque jour un repas. Caritas prendra finalement la relève.
Redonner espoir aux enfants du Soudan
Avec les Amis de Soeur Emmanuelle, Kamal Tadros continue son action sous d’autres formes, aidé uniquement d’employés soudanais. Aujourd’hui, huit foyers abritent des orphelins de guerre et des enfants des rues, huit fermes-écoles reçoivent des centaines d’adolescents, des ateliers de formation professionnelle permettent à des centaines de jeunes et d’adultes d’apprendre le travail du cuir, l’électricité ou la soudure, etc.
«Sur un 1 franc que nous recevons en Suisse, il y a 95 centimes qui arrivent au Soudan. Avec cet argent, nous faisons des miracles», a lancé lundi Michel Bittar. Ainsi, des enfants des rues sont aidés, de l’enfance à l’Université. «L’an dernier, 130 enfants que nous soutenons ont reçu des certificats universitaires. Des enfants qui ne savaient ni lire ni écrire l’arabe!». Et le retraité genevois de rappeler que la formation est la clé de l’avenir de ces enfants qui peuvent désormais se tenir debout. Mais l’ASASE ne peut se reposer sur ses lauriers: la crise du Darfour met à nouveau l’association de Soeur Emmanuelle au défi de trouver de nouveaux moyens pour les réfugiés soudanais. (apic/be)