Fribourg: Un magnifique ouvrage pour les 750 ans de l’Abbaye cistercienne de la Maigrauge
«L’Abbaye de la Maigrauge 1255 – 2005»
Jacques Berset, agence Apic
Fribourg, 2 juin 2005 (Apic) Pour leur jubilé, les religieuses de la Maigrauge, une oasis cistercienne lovée dans un méandre de la Sarine au coeur de la ville de Fribourg, ne pouvaient rêver mieux. Elles disposent désormais, pour présenter leurs 750 ans d’existence ininterrompue, d’un magnifique ouvrage richement illustré de plus de 500 pages: «L’Abbaye de la Maigrauge 1255 – 2005». (*)
OEuvre de Núria Delétra-Carreras, une femme aux multiples talents d’artiste d’origine catalane qui a fait sa scolarité à Fribourg et ses études universitaires à Genève puis à Paris, cet imposant ouvrage est publié par les Editions La Sarine, à Fribourg. Durant quatre ans, cette auteure passionnée a épluché les documents et archives du monastère et celles qui ont été confisquées et transférées aux Archives de l’Etat de Fribourg après la guerre du Sonderbund en 1847 et l’arrivée aux affaires d’un pouvoir anticlérical qui allait perdurer jusqu’en 1857.
Condamné à une extinction programmée
«On a alors tout pris aux monastères, Hauterive allait disparaître comme couvent, comme la chartreuse de la Part-Dieu et les Augustins, tandis que la Maigrauge devait se résoudre à son extinction programmée, car la communauté avait l’interdiction de recevoir des novices. C’est seulement en 1857, avec le nouveau gouvernement, que le monastère a pu de nouveau en accueillir», souligne Núria Delétra-Carreras. Qui nous fait découvrir dans son ouvrage un certain nombre d’autres drames, comme celui de l’incendie de 1660, quand une bougie oubliée met le feu aux bâtiments conventuels. Seuls l’église et quelques murs échappent alors aux flammes.
Trois siècles et demi après cet incendie dévastateur, les soeurs sont toujours là, fidèles à la belle devise de la Maigrauge, «Dominus providebit», Dieu y pourvoira. Reconstruit en six ans, le monastère subit peu de modifications par la suite. Les dernières restaurations ont permis de retrouver la simplicité et la beauté des formes originelles de ce monastère, qui s’installa aux bords de la Sarine après l’octroi d’une lettre du curé Burcard de Tavel, datée du 3 juillet 1255. Il y autorisait alors une certaine Richinza et ses compagnes à s’installer à la Maigrauge. Peu après, le comte de Kybourg, Hartmann le jeune, leur offrait un terrain où elles bâtiront le monastère actuel. C’était le premier couvent de femmes à Fribourg.
Si l’auteure pensait au départ mettre simplement bout à bout les documents qu’elle allait trouver dans les archives, les découvertes qu’elle allait faire ont fait bourgeonner l’ouvrage et l’ont dilaté d’une manière imprévisible.
Un ouvrage pour le public d’aujourd’hui
Par la beauté de ce livre, qui n’empêche pas sa rigueur, Núria Delétra-Carreras veut s’adresser au public d’aujourd’hui. Elle se dit touchée au plus profond par ces générations de femmes qui vivent depuis 750 ans à la Maigrauge, cette presqu’île entourée d’eau, cette «auge maigre» où l’on vit aujourd’hui encore en communauté, selon l’observance cistercienne de la règle de saint Benoît.
Mère Abbesse de la Maigrauge depuis 1974, Mère Gertrude Schaller avait de la peine, jeudi, à cacher son émotion à la vue de l’ouvrage de Núria Delétra-Carreras, «qui y a consacré depuis au moins 4 ans toutes ses forces de l’esprit, du corps et du coeur».
Elle a ensuite rappelé que le monastère est encore bien vivant aujourd’hui: «durant les 40 années de ma vie à la Maigrauge, j’ai vu énormément de changements. J’ai vécu une longue période de 17 ans sans nouvelles entrées. Dans les années 1980, des femmes jeunes et moins jeunes ont de nouveau osé le pas. En même temps, des soeurs âgées sont décédées.»
Aujourd’hui, les religieuses – qui gagnent leur vie en fabriquant des hosties pour les paroisses, en cultivant leur jardin, en fournissant leur petit magasins de produits artisanaux, dont la fameuse «Eau Verte», en accueillant des hôtes – sont au nombre de 15, dont une n’est pas définitivement engagée et une autre qui commence.
Les relations de la communauté ont aussi évolué vers plus d’ouverture, de dialogue et une intense collaboration avec d’autres. La vie est par contre devenue plus complexe, à cause d’une évolution technologique frénétiquement accélérée, note Mère Gertrude, «mais nous nous réjouissons aussi d’acquis techniques qui facilitent la vie».
Dans le temps, admet le Mère Abbesse, «nous vivions une séparation du monde matériellement plus radicale qu’aujourd’hui, mais de plus en plus de personnes viennent à nous en demandant l’hospitalité, pour participer à la prière, se recueillir, se recentrer et nourrir leur vie spirituelle».
Faire face à de nouvelles demandes
Pour répondre à ces nouvelles demandes, notamment des priants, mais aussi des souffrants qui cherchent la paix et la consolation, les religieuses de la Maigrauge ont adapté l’aumônerie et le grenier, pour les transformer en un espace d’accueil chaleureux. Pour ce faire, elles ont dû entreprendre une restauration qui n’est pas si facile à réaliser, ni facile à financer. Les religieuses bénéficient notamment du soutien de l’Association des Amis de la Maigrauge, présidée par l’ancien conseiller d’Etat fribourgeois Marius Cottier. Elle compte près de 700 membres et a déjà contribué aux travaux de restauration pour une somme de 800’000 francs.
Notons qu’une journée de visite guidée pour le public aura lieu le samedi 11 juin, de 9h30 à 16h00. Le dimanche 26 juin est réservé aux Amis de la Maigrauge, invités à participer à une messe célébrée par l’Abbé général des cisterciens, et à un repas fraternel. La «Journée officielle du Jubilé» aura lieu le dimanche 3 juillet, en présence des autorités de la Ville et du canton de Fribourg ainsi que des représentants de la famille cistercienne. La messe solennelle sera célébrée par Mgr Bernard Genoud, évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. JB
(*) «L’Abbaye de la Maigrauge 1255 – 2005», Editions La Sarine, 2005, Fribourg, Suisse
Des illustrations de cet article peuvent être commandées à l’agence CIRIC, Bd de Pérolles 36 – 1705 Fribourg. Tél. 026 426 48 38 Fax. 026 426 48 36 Courriel: info@ciric.ch (apic/be)