Genève: Exposition des enfants Tapori en juillet et août dans les jardins du Palais Wilson

5000 pierres pour un «chemin de découvertes et de rencontres»

Genève, 11 Juillet 2000 (APIC) L’exposition «Chemin de découvertes et de rencontres» des enfants Tapori, la branche enfants d’ATD Quart Mnde, est présentée cet été au Palais Wilson. à Genève. En juillet et en août, les sept sculptures inspirées des milliers de pierres envoyées par des enfants Tapori du monde entier pourront être découvertes par le public.

Les sept sculptures exposées dans les jardins du Palais Wilson avaient été l’objet d’une manifestation en automne dernier à Genève. Elles avaient en effet été présentées en conclusion du Forum international Tapori, qui avait réuni du 13 au 20 novembre dans la cité du bout de lac quelque 90 enfants-délégués du Mouvement jeune d’ATD Quart Monde.

Une huitième sculpture, créée à partir des quelque 5’000 pierres d’enfants, envoyées des cinq continents, avait été offerte au Haut Commissaire des droits de l’homme, Mary Robinson, lors de l’inauguration de ce «Chemin de découvertes et de rencontres», conçu pour marquer le 10e anniversaire de la Convention des droits de l’enfant.

L’idée de ces sculptures est née en 1996 comme contribution à la Campagne de l’Année internationale pour l’élimination de la pauvreté, décrété par l’ONU la même année. ATD Quart Monde avait alors décidé d’apporter sa contribution par une action intitulée «J’apporte ma pierre au monde pour tenter de lutter pour la paix». Cela, pour lutter contre la misère, contre l’exclusion, mais pour s’engager dans la fraternité et l’amitié.

Le résultat? Plus de 5’000 pierres sont parvenues dans les mois suivants à Treyvaux, au secrétariat international du mouvement. 5’000 cailloux accompagnés d’un message en provenance d’enfants des cinq continents. «Très vite, on a promis aux gosses que nous n’allions pas les garder pour nous, ici à Treyvaux, au secrétariat international de Tapori. Mais que nous allions transmettre leur message au monde», expliquait en novembre dernier Noldi Christen, coordinateur du mouvement.

Sept messages, sept histoires

«Face à cette richesse de 5’000 cailloux, si différents dans leur histoire et leur message, il fallait faire quelque chose, commente le coordinateur de l’initiative Tapori. Certes, les gosses avaient leurs idées sur une utilisation possible de ces pierres: construire une maison ronde de la paix, prônaient les uns, ou encore une maison suffisamment grande pour abriter toutes les familles pauvres du monde, songeaient les autres». Générosité d’enfants. Que les «grands» de ce monde ont largement oubliée, bafouée. D’autres voyaient encore une immense statue de l’amitié. Ou de la «liberté». Mais qui ne ressemblerait en rien à celle qui trône à New York… D’autres enfin voulaient faire de ces cailloux un long chemin, qui commencerait sur les montagnes pour descendre jusqu’à la mer. Vers l’espace. Et un autre horizon.

C’est de cette dernière idée, synthèse des milliers d’envois, que sont nées deux réalisations: sept sculptures de taille respectable, souvent de plus de deux mètres de haut, ainsi qu’un livre, pour raconter les histoires liées aux sculptures. Ces œuvres ont pris formes et vie à l’atelier de l’Orme, à Treyvaux, avec la complicité de Marie-Cécile Kolly et Wyna Giller. Celles-ci ont su retrouver les émotions de l’enfance. Les couleurs et la fraîcheur aussi. Sans tricher.

Sept œuvres, mais des milliers d’histoires

La première statue, inspirée d’un caillou du Burkina Faso, représente une immense pierre, qui ressemblerait à un lit vacillant monté sur un ressort. Instable comme la vie de ceux qui dorment dans les rues. Roger, un enfant du Burkina, a accompagné son caillou d’un message: «Je ne dors pas dans une chambre, mais sur les cailloux. J’ai ramassé celui-ci à côté de la grande mosquée, là ou on se tient souvent. Mon cœur est dans ce caillou».

La seconde représente un immense crapaud aux yeux démesurément grands, dont la tête s’orne d’une couronne dorée. La pierre, pépite peinte en or qui l’inspire, est l’histoire d’une exclusion. «Je voudrais que cette pièce dorée soit pour une couronne de prince. Dans un conte, j’ai un jour lu qu’un crapaud s’était transformé en prince, simplement parce que quelqu’un l’avait aimé», écrit une autre main d’enfant.

La troisième œuvre symbolise la terre. Une moitié de terre creusée pour en faire des mines: celles de Potosi, en Bolivie, ou des pères de familles et des gosses continuent à être exploités. Ces mines, fermées pour la plupart aujourd’hui, ont semé la mort, avant que les décideurs ne les bouclent, au gré de leurs intérêts. Le chômage pèse sur le père, sculpté dans sa mine en compagnie de son enfant. Leurs regards, déjà semblables, se croisent, porteurs de quelles interrogations?

La quatrième sculpture érige un grand mur. Celui des gosses de Manille, aux Philippines, travailleurs dans un cimetière de la ville. Un lieu où les enfants «vivent» pourtant, bossent, mangent parfois et dorment. Le mur s’élève comme un obstacle que posent les adultes. Mais que les plus malins ou les plus téméraires parviennent parfois à détourner… Pour aller à l’école. Ou même plus simplement jouer.

La cinquième histoire est née de l’envoi d’un message écrit par une gamine d’Amérique latine. Elle raconte avec son caillou en forme de clown triste les bienfaits de la «pachamama», de la terre-mère, qui porte ses enfants. «Ma pierre, écrit la fillette, c’est comme notre terre. Mais une terre avec un grand trou en son milieu. Un vide… qu’il faut réparer à coup d’amitié et d’amour».

L’imagination comme un pouvoir

La sixième s’inspire de deux cailloux d’Afrique, prélevés d’une imaginaire «source sacrée» d’une montagne, dans un des ces nombreux pays où les gens doivent marcher des heures pour se procurer l’eau qui fait défaut. Pour la chercher, cette eau, le visiteur est invité à se montrer solidaire, à grimper sur les épaules de deux personnages, afin de les aider à actionner la pompe.

La dernière sculpture narre les difficultés d’une fleur. Qui se veut symbole de la ronde de la solidarité. La fleur est à ce point géante qu’il faut s’y mettre à plusieurs pour la faire pousser, afin de l’aider à sortir de l’ombre, à s’épanouir, à éclore.

Pour les réaliser, Marie-Cécile Kolly et son équipe ont d’abord créé ces sculptures au cinquantième, avec des maquettes. Le plus difficile, convient cette décoratrice de théâtre, «a été de faire abstraction de ce que nous, adultes, ressentons, avec notre vision. Il a fallu reproduire ce que les enfants ont raconté dans leur message». Pas simple, que de se replonger dans le monde de l’imaginaire de l’enfant. Et aussi de faire abstraction des réalités quotidiennes qui assaillent trop d’enfants piétinés et bafoués dans leur droit. «Mais j’ai estimé qu’il ne fallait pas toujours parler de cette partie de l’enfance». (apic/pr)

14 juillet 2000 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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