Genève: La Bible de Castellion rééditée pour la première fois depuis 1555

Une traduction «dans la langue des simples et des idiots»

Genève, 16 janvier 2006 (Apic) Mercredi 18 janvier, au Musée international de la Réforme, à Genève, aura lieu le lancement en Suisse de la «Bible de Castellion», parue en 1555 et jamais réimprimée depuis. Une lacune qui vient d’être comblée par les Editions Bayard.

«La Bible nouvellement translatée par Sébastien Castellion», tel est le titre de l’ouvrage, «monument injustement oublié de la langue française». Il n’existe en effet dans le monde plus que 21 exemplaires de cette Bible, publiée pour la première et la dernière fois en 1555, jusqu’à cette nouvelle édition chez Bayard (France).

Humaniste et pédagogue, né près de Nantua, Castellion rencontra d’abord Calvin à Strasbourg, puis celui-ci l’appela à Genève pour diriger le collège de la ville. Cependant, des querelles théologiques opposèrent bientôt les deux hommes. Castellion s’installa alors à Bâle, d’où il réagit vigoureusement contre l’exécution, à Genève, de l’»hérétique» Michel Servet. (*)

Après une version en latin, Castellion publia une traduction française originale de l’ensemble de la Bible, «d’un langage commun et simple» ou, selon une citation tirée de la présentation du livre par Bayard, «dans la langue des simples et des idiots», c’est-à-dire de ceux qui ignorent les langues anciennes. Il n’hésita pas à forger des mots nouveaux, comme «enfantons», pour les petits enfants de l’Evangile ou «songe-malice» pour celui qui pense au mal.

Le «jargon des gueux»

Cette «traduction en français courant» de l’époque n’arrangea pas les relations de Castellion avec Genève et choqua les beaux esprits, comme le fils de Robert Estienne qui lui adressa ce reproche: «Au lieu de chercher les plus graves mots et manières de parler, il s’est étudié à parler le jargon des gueux».

Promoteur de la tolérance religieuse et défenseur de la liberté de conscience, Castellion intéressa spécialement les protestants libéraux qui ont trouvé en lui un ancêtre selon leur coeur.

Cependant, souligne Isabelle Graesslé, directrice du Musée de la Réforme, cette querelle est aujourd’hui dépassée et l’ensemble de la famille réformée assume cet héritage. «Nous voulons sortir de l’opposition entre Calvin et Castellion», nous confie-t-elle.

Un éditeur, un pasteur et un comédien

La Bible de Castellion, version Bayard, dont le directeur, Frédéric Boyer sera présent mercredi à Genève, est contenue dans un volume de 3’000 pages, comprenant l’intégralité des notes, des annexes et des gravures figurant dans l’édition originale. L’ensemble est accompagné d’un appareil critique contemporain de Marie-Christine Gomez-Géraud, spécialiste de la littérature de la Renaissance, et introduit par l’exégète Pierre Gilbert, jésuite. On y trouve encore une présentation de Sébastien Castellion par l’écrivain Jacques Roubaud. Mercredi soir 18 janvier à 20 heures, c’est le pasteur genevois Vincent Schmid qui présentera l’oeuvre de Castellion, tandis que le comédien Didier Sandre en fera goûter la saveur dans les locaux du Musée International de la Réforme, 4 rue du Cloître. JB/MBA

(*) Le 26 octobre 1553, Michel Servet est en effet condamné au bûcher comme hérétique par le Grand Conseil de la République de Genève. Il est brûlé le lendemain à Champel, aux portes de la ville. Médecin espagnol de grand renom, poursuivi par les catholiques, réfugié à Genève, il est condamné à mort dans cette ville calviniste à une époque qui ne se prêtait guère à la tolérance et à la libre discussion, tant du côté protestant que du côté catholique. (apic/mba/be)

16 janvier 2006 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 2 min.
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