Non-violence active ou lutte armée ?

Genève : Promotion de la justice en Amérique Latine (270291)

Fribourg, 27février(APIC) Non-violence active ou lutte armée? Cette question était mardi soir au centre d’un débat organisé à Genève par la Commission tiers monde de l’Eglise catholique (COTMEC) pour commémorer la mort

au combat, en janvier 1966, du prêtre colombien guérillero Camilo Torres

Restrepo. Ce débat donné dans le cadre de la campagne de Carême avait pour

thème: «Justice en Amérique latine : non-violence active ou lutte armée?».

A l’issue du débat, les participants ont convenu que le choix entre nonviolence et combat ne pouvait se faire qu’au regard de la réalité concrète

du pays.

Dans le film tourné en 1965 par le journaliste Bruno Muel, projeté lors

de la rencontre, Camilo Torres Restrepo en personne explique les raisons

qui l’ont conduit à rejoindre la guérilla. «En Colombie, témoigne-t-il, il

était impossible de réaliser l’amour du prochain uniquement par la bienfaisance ,il fallait donc changer la structure politique du pays». Selon lui,

la révolution, c’est-à-dire la prise du pouvoir par la classe populaire,

s’imposait comme solution aux problèmes de la Colombie et de toute l’Amérique latine. Pour ne pas entrer en conflit avec l’Eglise, le père Restrepo

avait demandé à être délié de la discipline ecclésiastique, tout en se considérant «prêtre pour l’éternité».

La violence par désespoir

Lors de la conférence-débat qui a suivi la projection du film de Bruno

Muel, les intervenants ont souligné que l’engagement dans la violence ne

résulte pas d’un choix préférentiel pour la violence, mais constitue l’ultime recours pour promouvoir la justice dans un pays où le pouvoir est détenu par une oligarchie depuis des décennies.

Le sociologue colombien Oscar Maldonado, qui est aussi l’éditeur des

écrits de Camilo Torres, a ensuite brossé à grands traits un portrait de

celui qu’il a bien connu. Fils d’une famille aisée de Bogota, ce dernier

est ordonné prêtre en 1954. Pendant les quatre années qui suivent, au cours

d’un séjour en Belgique où il étudie la sociologie, Camilo Torres met sur

pied un groupe de discussion pour étudier les moyens de changer la situation en Colombie.

De retour dans son pays en 1959, il est nommé aumônier de l’université

nationale de Bogota. Pour beaucoup de Colombiens, souligne Oscar Maldonado,

«il incarnait le seul espoir de ce peuple, jusqu’à ce qu’il meure et devienne un héros». Walter Isnardi, réfugié uruguayen et pasteur à la paroisse des Eaux-Vives à Genève considère, quant à lui, le combat de Torres

comme un appel à la conversion de tous les chrétiens – y compris ceux des

pays dits démocratiques – pour qu’ils aient le courage d’affronter les autorités et de dénoncer l’injustice.

Reste que la question de l’injustice en Colombie est plus actuelle que

jamais. Pour Eric Sottas, responsable de «SOS Torture», si les conditions

historiques permettent d’expliquer le recours à la lutte armée, il existe

cependant peu d’espoir que la violence diminue en Colombie. «La situation

des droits de l’homme a empiré depuis l’époque du combat du prêtre guérillero», a-t-il conclu. (apic/sr/ecl)

27 février 1991 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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