Les escadrons de la mort font régner la terreur
Guatemala: La guerre civile a pris fin il y a 5 ans, mais rien n’a vraiment changé
Guatemala, 21 avril 2002 (APIC) Un peu plus de cinq ans après la «fin» d’une guerre civile qui aura duré plus 36 années de violence, le Guatemala est pourtant loin de goûter à la paix Les partis politiques sont faibles, la société civile reste fragmentée et le gouvernement semble incapable de satisfaire aux besoins élémentaires de la société. Le seul groupe bien organisé semble être le milieu criminel: les escadrons de la mort d’autrefois sont devenus aujourd’hui des gangs spécialisés dans le vol des voitures, les enlèvements et le trafic de drogues.
Même si le monopole du pouvoir politique détenu auparavant par les forces armées et l’élite économique traditionnelle a diminué depuis la fin de la guerre, des solutions plus représentatives et plus démocratiques tardent à émerger.
«Le processus de paix est freiné car il n’y a aucune volonté politique de le laisser progresser, car il existe un groupe puissant habitué à des structures économiques et politiques injustes. Ce groupe ne veut pas que les choses changent, il ne veut pas que les paysans et les autochtones aient accès à une vie digne», fait remarquer le pasteur luthérien José Pilar Alavarez, de la ville de Zapaca.
Les accords de paix sont et complexes et ambitieux; ils contiennent plus de 300 clauses sur des questions allant de la perception des impôts aux langues autochtones. Une part de l’application des accords a été confiée à diverses commissions qui manquent de personnel, de fonds – ou alors elle a été tout simplement ignorée. Ces accords sont censés donner le schéma d’une société plus juste et pacifique, mais ils n’ont pas vraiment de poids, fait remarquer ce pasteur à l’agence ?cuménique ENI. Un sondage récemment organisé révélait du reste que 53 % des Guatémaltèques estimaient que ces accords n’avaient entraîné aucune amélioration.
Par ailleurs, ceux qui, au sein de l’Eglise, essaient de protéger les victimes de la guerre et les pauvres, continuent d’être victimes de menaces et de tentatives d’intimidation, comme au temps de la guerre civile.
Eglises visées
En février dernier, des experts en médecine légale chargés par des Eglises de procéder à des exhumations de fosses communes ont reçu des menaces de mort. Le 21 février, un feu d’origine criminelle s’est déclaré dans l’église catholique de Nebaj, détruisant des dossiers de preuves sur les massacres commis pendant la guerre dans le nord de la province de Quiché. En mars, l’évêque de San Marcos, Mgr Alvaro Ramazzini, a commencé à recevoir des menaces de mort pour son soutien aux paysans sans-terre. Il avait déjà reçu des menaces en 1996, alors que la guerre touchait à sa fin.
«Il n’existe certes aucune preuve que ces actes ont été commis par les mêmes forces que par le passé. C’est cependant leur style. Nous craignons que ces forces obscures soient encore là, toujours fortes», fait remarquer Rodolfo Valenzuela, évêque auxiliaire de Vera Paz.
Selon Edgar Gutierrez, directeur du Secrétariat d’analyses stratégiques, les dernières attaques contre l’Eglise «représentent une véritable dégradation du climat. C’est un signe négatif. Si nous, qui sommes au gouvernement, ne pouvons faire cesser ceci en enquêtant et en découvrant ce qui se cache derrière, il y a risque que ce problème ne s’étende et ne s’aggrave». Une impuissance gouvernementale de plus, fait-on remarquer, qui renforce encore le sentiment d’inquiétude, largement palpable au Guatemala. (apic/eni/pr)