Ibrahim Sidrak: «La visite du pape François, un renouveau pour l'Eglise d'Egypte»

La visite du pape François, qui arrive au Caire vendredi 28 avril 2017, «marquera un renouveau pour l’Eglise d’Egypte», confie le patriarche copte catholique Ibrahim Isaac Sidrak.

Le chef spirituel des quelque 300’000 catholiques égyptiens affirme que  l’annonce de la visite du pape François, «attendue avec grand joie», n’a pas été une surprise.

La joie des jeunes chrétiennes égyptiennes (Photo: Jacques Berset)

«Chaque fois que je rencontrais Sa Sainteté à Rome, je l’invitais à visiter l’Egypte. Et au cours de notre dernière rencontre, en février dernier, je lui ai présenté une invitation officielle. J’ai appris plus tard que le président de la République, le pape Tawadros et le grand-imam avaient fait de même. Et voilà qu’il sera parmi nous ce vendredi. Je pense que, outre les résultats médiatiques, politiques et touristiques avantageux qu’elle suscitera sûrement, sa visite sera une grande bénédiction pour l’Egypte et pour l’Eglise d’Egypte d’une manière générale».

Un grand encouragement

Le patriarche copte catholique estime que la présence du pape en Egypte représente un grand encouragement et une grande avancée spirituelle. «Elle couronnera aussi le dialogue avec nos frères musulmans. C’est pour cette raison que nous avons créé un slogan de la visite, qui comporte les pyramides, le sphinx, une croix et un croissant, avec des mots bien choisis: ‘Le pape de la paix vient dans l’Egypte de la paix’».

Avec cette visite historique, «nos fidèles seront invités à faire un cheminement spirituel à l’intérieur de l’Eglise catholique, afin qu’elle retrouve son rôle pionnier et sa vivacité d’autrefois. Et venir après Pâques, c’est aussi marquer un renouveau de l’Eglise catholique égyptienne, tant attendu».

Combat contre le terrorisme

Sur le plan politique, la visite du pape François aura aussi beaucoup de points positifs, estime Ibrahim Isaac Sidrak. «Elle émettra le message que l’Egypte mérite une assistance et un encouragement particuliers dans son combat contre le terrorisme». Il remercie vivement le pape François d’avoir maintenu son voyage malgré les attentats du Dimanche des Rameaux. Le premier, visant la cathédrale de St-Marc d’Alexandrie, a causé la mort de 17 personnes, dont 11 chrétiens et 6 musulmans, et fait des dizaines de blessés. L’attentat suicide de Tanta a quant à  lui causé la mort de 29 personnes et blessé une septantaine d’autres.

Pour le chef de l’Eglise catholique, le pape François est «l’ami présent dans les moments difficiles», alors que l’Egypte passe par une crise grave. «Le dialogue avec l’autre est impératif afin d’établir une paix vraie et réelle. Dans son message à l’Egypte, Sa Sainteté a bien précisé qu’il voudrait que cette visite soit une accolade de consolation et d’encouragement pour tous les chrétiens du Moyen-Orient.. Un message d’amitié, de fraternité et de réconciliation pour tous les enfants d’Abraham. Cela voudrait dire qu’il s’adressait particulièrement au monde islamique».

«Le pape Tawadros est comme mon frère»

Avec le pape copte orthodoxe Tawadros II, le patriarche Ibrahim Isaac Sidrak dit avoir d’excellentes relations: «Le pape Tawadros est comme mon frère. C’est aussi un grand ami spirituel. Chaque fois que je m’entretiens avec lui, je sens qu’il est sincère et aimable. Il est venu assister à ma nomination, accompagné de 5 de ses évêques».

Le grand-imam d’Al-Azhar, le cheikh Ahmad Al-Tayeb (Photo: weekly.ahram.org.eg)

Quant aux rapports avec le grand-imam d’Al-Azhar, le cheikh Ahmad Al-Tayeb, la plus haute instance islamique sunnite, Ibrahim Isaac Sidrak déclare maintenir uniquement des «relations officielles». Par contre, le président Abdel-Fattah Al-Sissi se montre «aimable et respectueux». Le patriarche copte catholique s’est entretenu avec lui à deux reprises: la première au palais présidentiel et l’autre quand il lui a présenté ses condoléances suite au décès de sa mère. Il pense le rencontrer une troisième fois à l’occasion de la visite du pape François.

La loi est loin de s’appliquer

A propos des derniers actes de terrorisme perpétrés contre les chrétiens d’Egypte, Ibrahim Isaac Sidrak n’est pas rassuré. «Je m’inquiète en fait pour l’Egypte en général. Jusqu’à quand se prolongera cette vague de violence en Egypte et dans le monde? Chez nous, nous possédons une loi qui ne s’applique pas. Et quand on n’applique pas la loi une ou deux fois, la violence devient une habitude. Si nous voulons changer les choses, on devra d’abord changer les mentalités et non pas le discours religieux. Un discours peut facilement parler de l’amour et de la tolérance, tout en gardant une mentalité rancunière. Il est impératif de changer la manière de penser des gens. C’est la seule solution qui pourra mener la paix». JB/ll

 


Biographie du patriarche Ibrahim Isaac Sidrak

Ibrahim Isaac Sidrak naît le 19 août 1955 dans une grande famille composée de 8 frères et 2 sœurs à Béni-Choqeir, un petit village du gouvernorat d’Assiout, en Haute-Egypte. Venu au Caire en raison du travail de son père, il poursuit ses études préparatoires et secondaires à l’école affiliée au séminaire copte catholique de Maadi. Ibrahim est ordonné prêtre le 7 février 1980 à l’âge de 25 ans. Ensuite, il part poursuivre ses études supérieures à Rome, où il se spécialise en christologie, une science théologique qui traite de tout ce qui se rapporte à la vie du Christ. II obtient en 1988 un doctorat en sciences théologiques. De 1990 à 2000, il est directeur du Grand séminaire copte catholique. De 2002 à 2013, il est évêque du diocèse de Minya, en Haute-Egypte, avant d’être nommé en 2013 patriarche d’Alexandrie des coptes catholiques.


Ces catholiques d’Egypte souvent ignorés

On estime le nombre des chrétiens d’Egypte entre 10 et 12% de la population égyptienne, qui atteint presque les 100 millions d’habitants. Ils seraient donc 10 à 12 millions, tous rites confondus.

Les catholiques sont la minorité de cette minorité, soit environ 300’000 fidèles. Ils sont répartis dans plusieurs églises catholiques orientales. La plus grande communauté catholique est celle de l’Eglise copte catholique. Les autres Eglises catholiques sont: les Eglises grec melkite, latine, syriaque, chaldéenne, arménienne et maronite. Leurs fidèles sont avant tout d’origine étrangère (Liban, Syrie, Palestine, Irak, Grèce et Arménie). Cependant, l’influence des catholiques d’Egypte se fait surtout sentir par leur importante action dans le domaine de l’éducation et de l’action sociale, dans la capitale Le Caire, ainsi que dans les villages du nord et du sud de la Vallée du Nil.

Ils comptent désormais un total de 15 diocèses, 40 congrégations religieuses féminines et 15 masculines, 9 instituts catholiques de formation, 15 organismes catholiques d’apostolat et une dizaine d’associations sociales et caritatives. (cath.ch/ll/be)

 

Le patriarche Ibrahim Isaac Sidrak (à droite), chef des coptes catholiques d'Egypte
27 avril 2017 | 10:50
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 4 min.
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