«Il fera le ménage dans la curie!»

Amérique latine: Les théologiens de la libération ont grand espoir dans le pape François

Rome, 22 mars 2013 (Apic) Les théologiens de la libération d’Amérique latine placent de grands espoirs dans le pape François. A l’époque de la dictature argentine, Mgr Jorge Mario Bergoglio «n’a pas été un Romero» – allusion à l’archevêque de San Salvador assassiné par les «escadrons de la mort» -, estime le Père Jon Sobrino. Le jésuite salvadorien voit cependant un «petit signe» dans son attitude faite de «simplicité et d’humilité».

Le jésuite d’origine basque a déclaré à l’agence de presse catholique autrichienne «Kathpress» que ces «petits signes» doivent croître pour devenir de «grands signes». De nombreux compagnons de route se souviennent de Mgr Bergoglio comme d’une personne aux profondes convictions et d’un homme plein de tempérament. C’était le type de combattant infatigable, relève le Père Sobrino.

Frugalité et modestie

Le théologien salvadorien souligne que lui-même, jusqu’à présent, ne connaît pas encore bien le nouveau pape, mais il s’appuie sur les informations transmises d’Argentine.»S’il devient pape, disait-on déjà de lui avec humour, il fera le ménage dans la curie!» Jon Sobrino souligne également un autre trait de caractère du nouveau pape: il a été le seul archevêque de Buenos Aires à avoir fréquemment offert à des prêtres de les remplacer personnellement dans les paroisses, quand c’était nécessaire.

La frugalité et la modestie du cardinal Bergoglio sont imprégnées d’un intérêt réel pour les pauvres, les indigents, les syndicalistes poursuivis, pour lesquels il était un défenseur tenace face au gouvernement, assure le Père Sobrino. Sa façon de mettre en œuvre «l’option préférentielle pour les pauvres» était très appréciée.

Langage «prophétique» pour dénoncer les abus

Le jésuite salvadorien rappelle son intervention publique pour que justice soit faite pour les victimes d’un grand incendie qui a ravagé une discothèque en 2004. Il apprécie son langage «prophétique» pour dénoncer des abus comme la traite des êtres humains, le travail forcé, la prostitution et le trafic de drogue.

A propos de l’attitude du nouveau pape pendant la dictature militaire argentine qui a ensanglanté le pays de 1976 à 1983, Jon Sobrino s’appuie sur le jeune théologien argentin Francisco Herman Bosch. Ce dernier estime qu’il n’est pas justifié de parler de «complicité» de Mgr Bergoglio, même si celui qui était alors provincial des jésuites en Argentine s’est tenu éloigné de l’Eglise populaire engagée auprès des pauvres.

Il ne s’est pas confronté directement à la dictature militaire

Son confrère jésuite considère que le Père Bergoglio n’avait pas la personnalité d’un Mgr Enrique Angelelli, l’évêque de La Rioja assassiné sur ordre de la dictature militaire argentine, ou d’autres responsables religieux qui se confrontèrent directement avec les militaires. «Il n’était certainement pas un Romero», estime le Père Sobrino, tout en reconnaissant qu’il n’a pas assez d’informations pour avoir un jugement péremptoire sur cette question.

«De nombreux papes ont été élus, et parmi eux des bons. Ce pape appartient aux bons!», a confié le théologien de la libération argentin Antonio Reiser au journal catholique autrichien «Linzer Kirchenzeitung». Il était lui-même, en 1977, sur la liste des personnes à éliminer émise par la junte militaire argentine. L’ancien prêtre avait dû prendre la fuite. Le Père Bergoglio ne s’est jamais déclaré publiquement en faveur de la théologie de la libération, mais dans des entretiens personnels, il lui a manifesté de la sympathie, témoigne le théologien âgé aujourd’hui de 81 ans. «Il est faux de dire que le pape a trahi des gens à l’époque de la dictature militaire», insiste Antonio Reiser.

«Tout le monde avait peur à l’époque»

«Tout le monde avait peur à l’époque, et on ne pouvait pas faire grand-chose. Mais l’Eglise s’est bien engagée pour les deux jésuites, de sorte qu’ils ont été expulsés et non assassinés». Antonio Reiser relève avec enthousiasme l’attention de Mgr Bergoglio pour les pauvres. Le pape François n’est pas un homme «de gauche», mais il est conscient socialement et s’engage «du côté des pauvres».

Il en veut pour preuve que l’ancien archevêque de Buenos Aires n’hésitait pas à se rendre souvent seul et sans protection policière dans les bidonvilles de la capitale argentine.

Grands espoirs au Brésil également

Au Brésil, le théologien de la libération Leonardo Boff, qui a également milité contre le régime militaire de son pays, a qualifié d’»infondées» les accusations portées contre le Père Bergoglio sur son passé durant la dictature argentine. A l’instar de Mgr Pedro Casaldaliga, évêque émérite de la Prélature de Sao Félix do Araguaia, il souligne l’engagement du Père Bergoglio durant cette époque sombre pour l’Amérique latine.

Mgr Casaldaliga, âgé de 85 ans, avait dû se cacher début décembre dernier en raison des menaces proférées par de grands propriétaires terriens locaux. Le prélat d’origine catalane salue en particulier la simplicité du nouveau pape et son dynamisme évangélisateur. Il met de grands espoirs dans le pape François, notamment pour apporter des changements permettant une réforme profonde de la curie romaine. (apic/kap/be)

22 mars 2013 | 18:13
par webmaster@kath.ch
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