«Il n’y a rien sans amour»
Fribourg: L’Association «Les Amis de l’Afrique» (AMAF) fête ses dix ans
Fribourg, 13 octobre 2011 (Apic) «Il n’y a rien sans amour»… Ponctuée par un sourire lumineux, cette sentence résume bien la personnalité de Régine Mafunu Dénervaud, fondatrice et présidente de l’Association «Les Amis de l’Afrique» (AMAF) qui fête ses dix ans vendredi 14 octobre à Fribourg. La pédagogue congolaise arrivée en Suisse un beau jour de 1988 en provenance de Kinshasa est aujourd’hui aumônière auprès des EMS de la Broye. Rencontre.
Avec un bagage en théologie acquis à l’Université de Fribourg, sans oublier des études en littérature ou encore une formation pastorale à l’écoute et à la communication (CPT) au CHUV, le Centre hospitalier universitaire vaudois, Régine Mafunu Dénervaud a plus d’une corde à son arc. «Je travaille actuellement comme aumônière à 50% et à 200% pour l’AMAF», plaisante-t-elle. C’est que son «enfant» lui tient tant à cœur!
L’influence des Focolari
Dès le départ, confie-t-elle, alors étudiante à l’Université de Fribourg, «j’ai eu envie d’unir les gens. J’ai rencontré le mouvement des Focolari à Montet… où j’ai fait un cheminement de volontaire et où j’étais engagée dans les groupes d’’Humanité Nouvelle’. Auprès des Focolarini, j’ai acquis un bagage spirituel, celui de la spiritualité de l’unité. Déjà enfant, j’avais été influencée dans ce sens par ma famille – mon père était enseignant et catéchiste – et durant mes études chez les religieuses de la Sainte-Famille».
Dans les années 90, voyant à Fribourg les Africains et les migrants en général vivre un peu en ghetto, participant peu à la vie sociale, culturelle et politique de la Suisse, Régine décide qu’il fallait agir. Elle voyait les différentes communautés migrantes se retrouver souvent entre elles dans leurs activités culturelles d’origine (deuils, fêtes, Eglises). Elles ne participaient pas aux activités associatives du pays d’accueil, voire des autres communautés existantes en Suisse. C’est cela qui devait changer, estime-t-elle.
«Une certaine réticence à l’égard des étrangers, parfois du racisme»
«On sentait dans ces années-là une certaine réticence à l’égard des étrangers, parfois du racisme. Je me suis demandée comment chercher les moyens pour qu’ils s’intègrent, qu’ils s’informent des réalités de la Suisse, car on ne pouvait pas s’arrêter aux préjugés! Il fallait faire quelque chose pour aller vers les gens, pour affirmer notre personnalité, pour vivre ensemble dans une cohabitation harmonieuse. Nous avons commencé à expliquer aux migrants les règles et les us et coutumes du pays d’accueil».
Car pour la présidente et fondatrice de l’AMAF, le migrant, s’il a des droits, a aussi des devoirs, et il doit sortir d’une posture de «victime» pour montrer ce qu’il peut offrir. «On est finalement tous les étrangers de l’autre, et il faut ainsi briser la peur de l’inconnu, de l’étranger. C’est ainsi que l’on peut cohabiter». Durant ses premières années, l’AMAF, basée au Schönberg, regroupait peu de monde. Il s’agissait de voir comment s’engager dans le processus de promotion de l’intégration des migrants. Pendant 5 ans, l’AMAF a son siège à Courtepin et commence à avoir pignon sur rue. Depuis deux ans, elle est revenue sur Fribourg, où elle occupe désormais de vastes locaux en rénovation à la Route de la Fonderie (aux numéros 7, 8c et 9).
67 nationalités des cinq continents
L’AMAF accueille aujourd’hui quelque 600 à 700 personnes de 67 nationalités des cinq continents, dont une majorité d’Africains, des Suisses (qui représentent 10% des quelque 230 personnes cotisant à l’association), des Français, mais aussi des Asiatiques (Vietnamiens, Sri-Lankais, etc.), des migrants du Proche et Moyen-Orient (Tunisiens, Marocains, Algériens, Irakiens, Iraniens…), des Latino-américains. Outre le travail d’information et d’orientation des migrants vers les institutions compétentes du canton de Fribourg, l’AMAF organise des animations et des échanges interculturels ainsi que des débats publics. Elle a encore d’autres projets, comme une halte-garderie externe qui devrait ouvrir ses portes au public l’an prochain.
Pour le moment, l’association gère une garderie interne, destinée aux mamans qui viennent suivre les cours offerts à la Route de la Fonderie. Si près d’un tiers des 138 étudiantes et étudiants qui fréquentent les cours d’alphabétisation sociale sont au bénéfice de permis B, C ou ont la nationalité suisse, la majorité sont des requérants d’asile envoyés par Caritas ou l’entreprise ORS Service AG. Les apprenants, en majorité des femmes, sont âgés de 18 à 64 ans.
Les limites du bénévolat
Les membres de l’AMAF ont longtemps travaillé bénévolement, à l’instar de sa présidente. L’association qui a consacré ses ressources – quelque 150’000 francs à l’heure actuelle – avant tout à payer ses loyers, doit maintenant trouver de nouveaux financements pour assurer les salaires des trois formateurs qui donnent les cours d’alphabétisation et de son secrétariat. La garderie externe va générer de nouvelles ressources, mais le budget devrait tripler l’an prochain! Actuellement, la location de locaux à des tiers apporte un peu d’argent, mais les soutiens de la Loterie romande, de la Confédération et du canton de Fribourg sont indispensables pour que dure cet espace permettant de «vivre ensemble pour l’intégration».
Vendredi 14 octobre 2011, l’AMAF fête ses 10 ans d’existence en présence de la présidente,
Régine Mafunu Dénervaud, de Bernard Tétard, délégué à l’intégration du canton de Fribourg, du préfet de la Sarine Carl Alex Ridoré, de la présidente du Grand conseil fribourgeois Yvonne Stempfel. Le public pourra entendre les témoignages de formateurs et d’apprenants. Une table ronde intitulée «Intégration des migrants – Quelle volonté politique ?» se tiendra dès 16h50 avec comme intervenants Gilberte Demont, présidente cantonale de l’UDC, Jean-François Steiert, conseiller national et Nicolas Repond, député fribourgeois (tous deux du parti socialiste), le Dr Nguyen Quan-Vinh, président de FIMM-Fribourg (Forum pour l’intégration des migrantes et des migrants – organisation faîtière des associations de migrants dans le canton de Fribourg), et Jean-Luc Ilunga, président de la section jeunesse de l’AMAF. La table ronde sera suivie d’un débat public, puis d’un «buffet aux diverses saveurs» et des animations culturelles dès 20h00. (apic/be)