La cathédrale d'Esztergom est le siège du primat de Hongrie |  flickr Ramón Cutanda López CC BY-SA 2.0
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Il y a 70 ans, les évêques hongrois passent sous le joug communiste

Le 30 août 1950, les évêques catholiques de Hongrie étaient contraints de signer un accord avec le régime communiste. 70 ans après cette date funeste et 30 ans après la chute du communisme, l’Église du pays subit encore les conséquences de quatre décennies de contrôle total de l’Etat.

Les attaques contre l’indépendance de l’Eglise hongroise ont commencé immédiatement après l’invasion de l’Armée rouge, à l’automne 1944, rappelle l’agence catholique allemande KNA . En mars 1945, à la suite de la réforme agraire de type soviétique, l’Église catholique a perdu toutes ses propriétés foncières, soit 5% du total des terres arables du pays.

Exactions et violences

En octobre 1948, le secrétaire général du parti communiste, Matyas Rakosi, fixe le cap : «Nous mettrons fin à la tactique consistant à traiter les traîtres avec indulgence – même s’ils sont enveloppés dans des vêtements de prêtres et de cardinaux». Des mots rapidement suivis d’exactions et de violences physiques.

Selon l’historien de l’Eglise Gabriel Adrianyi, le régime conçoit un système pour tarir les ressources ecclésiales. Lors de la nationalisation de juin 1948, l’Eglise perd plus de 3’300 écoles comptant quelque 600’000 élèves, soit près de la moitié de tous les établissements d’enseignement du pays. Par l’introduction d’un numerus clausus et d’une autorisation avant l’ordination, le nombre de jeunes prêtres est réduit de 1’779 en 1948 à 300. Tous les ordres religieux et les monastères comptant plus de 11’500 membres sont supprimés.

Serment d’allégeance à la démocratie populaire

La Constitution d’août 1949 établit la stricte séparation de l’Église et de l’État. Mais dans le même temps le gouvernement introduit un serment sacerdotal d’allégeance à la «démocratie populaire».

Les résistants le payent cher. Les arrestations de prêtres, de religieux et de laïcs, conclues par des procès-spectacles sont massives. Le cas le plus célèbre touche le cardinal Jozsef Mindszenty. Figure symbolique de la résistance contre le national-socialisme et le communisme, le cardinal primat est arrêté et torturé en 1948 après des tournées de conférences très remarquées à l’Ouest. En février 1949, les communistes le condamnent à la prison à vie pour haute trahison, espionnage et délit de change.

Les évêques contraints de céder

Après l’arrestation de plus de 3’800 religieux au cours de l’été 1950, les évêques cèdent et acceptent des négociations. Le ton des représentants du gouvernement est devenu de plus en plus dur. Il est apparu que la résistance était inutile. Le 30 août 1950, l’archevêque Joszef Grösz et le ministre de la culture Joszef Darvas signent un accord qui oblige l’Eglise et le clergé à aider à «construire le socialisme».

En retour, l’État garantit la liberté de culte et autorise la création de huit écoles secondaires confessionnelles. En compensation de la nationalisation de ses biens, l’Eglise se voit offrir un soutien dégressif pendant 18 ans.

Signataire de l’accord avec l’Etat, après s’être opposé au serment d’allégeance, l’archevêque Grösz est lui-même rattrapé par la répression et condamné à la prison à vie en 1951. Après sa condamnation, tous les évêques encore libres prêtèrent serment à l’État.

Le pouvoir sape aussi l’Eglise de l’intérieur. La police secrète réussit à gagner des prêtres et à les faire entrer les structures de l’Eglise. La délation entraîne un climat de méfiance constante. En août 1950, la création du mouvement des «prêtres pour la paix» aggrave la division interne et sape progressivement l’ensemble des structures ecclésiastiques hongroises.

Un contrôle total de l’Etat

Contre un champ d’action très limité en matière de culte et d’éducation religieuse, l’Eglise passe sous le contrôle total de l’État. Dans les années 1950, elle est même incorporée dans la propagande communiste. La collectivisation de l’agriculture, par exemple, ou les plans quinquennaux sont préconisés dans les lettres pastorales des évêques… rédigées dans les bureaux de l’État.

Les évêques et les vicaires généraux sont régulièrement convoqués, interrogés et humiliés. Un «réseau enchevêtré et élaboré d’innombrables règlements, d’informateurs et de collaborateurs a permis d’assurer que la surveillance était respectée», explique Gabriel Adrianyi. A la radio et dans la presse, les évêques font l’objet de constantes critiques, tout comme le Vatican et le pape Pie XII (1939-58) qualifiées systèmatiquement d’»impérialistes».

Un accord abrogé en 1990

Ce n’est qu’après la chute du communisme en 1990 qu’une nouvelle loi sur les relations Eglise-État est décretée. Le cardinal primat Laszlo Paskai et le Premier ministre de l’époque, Miklos Nemeth, abrogent l’accord du 30 août 1950. Mais, même 30 ans plus tard, l’Église hongroise souffre toujours de ces quatre décennies d’oppression communiste. (cath.ch/kna/mp)

La cathédrale d'Esztergom est le siège du primat de Hongrie | flickr Ramón Cutanda López CC BY-SA 2.0
26 août 2020 | 16:31
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 3 min.
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