Immeuble de Londres: la défense de Gianluigi Torzi plaide la bonne foi
Gianluigi Torzi a agi en toute «bonne foi» envers la secrétairerie d’État, a affirmé sa défense, lors de la 79e audience du procès de l’affaire dite ‘de l’immeuble de Londres’, qui s’est déroulée le 21 novembre 2023 au Vatican. Les avocats du courtier italien, accusé notamment d’extorsion, ont conclu leur plaidoirie, initiée lors de l’audience du 8 novembre, en demandant l’acquittement de leur client.
En novembre 2018, Gianluigi Torzi a été missionné pour aider la secrétairerie d’État à changer de gestionnaire de l’immeuble de Londres, que pilotait depuis 2014 le banquier italo-britannique Raffaele Mincione. Cependant, cette opération a fait perdre le contrôle de l’immeuble au Saint-Siège aux dépens de Gianluigi Torzi, qui s’est arrogé les 1’000 actions avec droit de vote lui donnant la main sur le fonds employé pour administrer le bien immobilier (le fonds GUTT), forçant le Vatican à verser 15 millions d’euros au courtier en mai 2019 – une extorsion, selon le promoteur de justice Alessandro Diddi.
Le courtier italien est poursuivi pour corruption, fraude aggravée, blanchiment d’argent et extorsion. Le promoteur a requis à son encontre sept ans et six mois de réclusion, une interdiction perpétuelle de l’exercice de la charge publique et 9’000 euros d’amende, ainsi que la confiscation de plus de 70,3 millions d’euros.
La fraude aggravée et l’extorsion «ne tiennent pas»
Dans cette seconde partie de sa plaidoirie, les avocats de M. Torzi, Mes Mario Zanchetti et Marco Franco, se sont surtout concentrés sur les chefs d’accusation de fraude aggravée et d’extorsion qui, pour eux, «ne tiennent pas». Et ils ont pointé du doigt la structure de l’enquête du promoteur de justice: «Sur la base de quatre pierres qu’il a choisies, en écartant soigneusement toutes les pierres probantes, même les blocs de pierre probants, il a construit un château, qui est beau… mais c’est un château complètement inventé, totalement fictif», a déploré Me Zanchetti.
L’avocat a tenu à déconstruire le réquisitoire du promoteur, qui considère que M. Torzi a volontairement abusé de la confiance de la secrétairerie d’État, en négociant un contrat lui étant favorable, avec la complicité de Raffaele Mincione. Il a également mis en doute la sincérité de nombreux témoins du procès, dont l’actuel substitut Mgr Edgar Peña Parra, l’architecte Luciano Capaldo et Mgr Alberto Perlasca, ancien responsable des finances de la secrétairerie d’État, affirmant qu’ils ont «joué un rôle dans la pièce et sont venus dans cette salle d’audience pour défendre leur propre rôle, et non la vérité».
Mgr Peña Parra, fraîchement nommé à la tête de la secrétairerie d’État lors des négociations de novembre 2018, aurait, selon la défense, été au courant des termes du contrat signé alors à Londres, notamment de la cession des 1’000 actions avec droit de vote à son client. Et Luciano Capaldo, qui a repris le contrôle de l’immeuble après Gianluigi Torzi en mai 2019 – jusqu’à sa vente en 2022 – a pour sa part été décrit comme un personnage «inquiétant» qui se serait appliqué à «démolir l’image de Torzi» aux yeux de la secrétairerie d’État.
Pas de «tromperie»
Pour mon client, a insisté Me Franco, le Saint-Siège était un client «extraordinaire», et il n’était donc pas logique pour lui de commencer cette nouvelle relation par une «tromperie». Conversations électroniques à l’appui, la défense a affirmé que le courtier n’était pas au courant du fonctionnement du système d’actions avec droit de vote, qu’il n’avait jamais été question pour lui de restructurer son fonds d’investissement GUTT aux dépens de la secrétairerie d’État et qu’il n’avait pas menacé de revendre l’immeuble.
«Il n’y a pas un seul acte dans ce procès dont on puisse déduire que M Torzi n’avait pas la volonté de restituer les actions de la secrétairerie d’État, il n’y a pas un seul acte qui manifeste une menace de la part de M Torzi de ne pas restituer ces actions […], il a seulement et uniquement été question d’établir ce qu’était la juste compensation», a insisté Me Franco.
Cette compensation de 15 millions d’euros reçue par M. Torzi – que le promoteur juge trop élevée et relevant d’une extorsion – résulte, pour sa défense, de la signature du contrat «valide et contraignant» de novembre 2018. Cette signature apporterait au courtier une «raison économique et juridique valable» pour obtenir ce paiement.
Le 22 novembre, la défense du cardinal Angelo Becciu présente sa plaidoirie finale. Elle sera suivie de celle de Raffaele Mincione les 4 et 5 décembre prochains, puis le 6 décembre par la fin de celle du cardinal sarde et de l’ancien fonctionnaire de la secrétairerie d’État Fabrizio Tirabassi. (cath.ch/imedia/cd/ic/bh)