Messe d'inauguration du pontificat: entre symbolique et droit canon
Le pape Léon XIV présidera sa messe d’inauguration de son pontificat sur la place Saint-Pierre, devant la basilique éponyme, le 18 mai 2025, avant de se rendre dans les trois autres basiliques majeures de Rome les 20 et 25 mai. Le canoniste Mgr Patrick Valdrini apporte un éclairage sur ces cérémonies traditionnelles de début de pontificat, qui ont chacune une signification différente.
Dix jours après son élection, le pape Léon XIV va célébrer la messe «d’inauguration» de son pontificat le dimanche 18 mai sur la place Saint-Pierre. Certains parlent encore «d’intronisation» ou «d’investiture». Pourquoi cette dénomination a-t-elle évolué?
Mgr Patrick Valdrini: Le déroulement de cette cérémonie a changé avec Jean Paul Ier qui a abandonné le couronnement du pape avec la tiare pontificale, insigne temporel du pouvoir papal. Puis ce changement a été institutionnalisé par son successeur Jean Paul II. Le terme d’«inauguration» est, à mon avis, plus adapté à l’ecclésiologie actuelle.

Il est celui choisi par la constitution Universi Dominici Gregis (1996) de Jean Paul II qui considère qu’à partir du moment où le nouveau pape accepte son élection, il devient évêque de Rome, chef du collège des évêques et pasteur de l’Église universelle. Ce sont donc les fonctions spirituelles du pape qui sont mises en avant. Autrefois, avec les anciennes dénominations, on restait dans une certaine ambiguïté entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel. Là, c’est très clair: le pape acte officiellement l’inauguration de son pontificat qui a commencé dès qu’il a accepté l’élection. Mais cette messe n’est pas le terme de la procédure de début de pontificat, car le pape doit encore prendre officiellement possession de son siège dans la basilique Saint-Jean-de-Latran, sa cathédrale.
«Une fois ce «oui» prononcé, l’élu devient pape. La cérémonie d’inauguration est une manifestation publique de cette réalité, notamment à travers la remise des insignes symbolisant ses fonctions.»
Mais si l’on parle d’inauguration, le pontificat n’a-t-il pas commencé dès le 8 mai, dans la chapelle Sixtine?
Si, Léon XIV est pape depuis le moment où il a accepté son élection. Il ne l’a pas acceptée devant le collège des cardinaux, mais devant Dieu. Le collège ne lui confère aucun pouvoir: il le choisit pour qu’il exerce la charge suprême. C’est l’acceptation, ce «oui» qu’il prononce, qui est décisif. C’est le même «oui» que celui que saint Pierre adresse à Jésus dans l’Évangile quand il lui demande: «M’aimes-tu?». Une fois ce «oui» prononcé, l’élu devient pape. La cérémonie d’inauguration est une manifestation publique de cette réalité, notamment à travers la remise des insignes symbolisant ses fonctions.
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Quelles seront les principales caractéristiques de la cérémonie d’inauguration dimanche?
Lors de cette messe, le cardinal protodiacre Dominique Mamberti remettra au pape le pallium, signe de sa juridiction sur l’Église tout entière. Par la suite, Léon XIV pourra remettre le pallium aux archevêques, marquant ainsi leur participation au pouvoir de juridiction du pape.
Le cardinal doyen remettra également au pape l’anneau du pêcheur, insigne de cette autorité qu’il reçoit sur toute l’Église. Cet anneau sera brisé lorsque le siège deviendra vacant, en cas d’empêchement, de mort ou de renoncement.
Le 25 mai, le nouveau pape célébrera une messe d’installation à la basilique Saint-Jean-de-Latran. Pourquoi cette étape est-elle indispensable?
Du IVe au XIIIe siècle, les papes résidaient au Latran, et la cérémonie d’inauguration se déroulait dans la basilique Saint-Jean-de-Latran, la cathédrale de Rome. Au XIVe siècle, en revenant à Rome après Avignon, le pape trouve les bâtiments du Latran délabrés et décide de s’installer au Vatican. Mais la basilique Saint-Jean-de-Latran demeure la cathédrale du pape. La procédure post-électorale prévoit donc ce qu’on appelle l’insediamento: la prise de possession du siège épiscopal laissé vacant par la mort du prédécesseur. Lors de cette cérémonie, Léon XIV s’assiéra sur la cathèdre de l’évêque de Rome, devenant ainsi officiellement chef du diocèse. À ce moment-là, ses trois fonctions principales seront pleinement manifestées: chef du collège des évêques (avec le pallium), pasteur de l’Église universelle (avec l’anneau du pêcheur) et évêque de Rome (avec la cathèdre du Latran).
«La procédure post-électorale prévoit donc ce qu’on appelle l’insediamento: la prise de possession du siège épiscopal laissé vacant par la mort du prédécesseur.»
Les 20 et 25 mai, le pape Léon XIV visitera également les basiliques majeures Saint-Paul-hors-les-Murs et Sainte-Marie-Majeure. Le Saint-Siège avait d’abord évoqué une «prise de possession» avant de corriger en parlant de visite. Quel est le lien entre le pape et ces basiliques, et quelle est la portée de ces visites?
Il ne s’agit pas d’une «prise de possession» — ce terme est inadapté — mais bien de visites pastorales traditionnelles dans des basiliques papales. Le pape se rend dans deux hauts lieux de son diocèse, dont l’importance dépasse largement Rome. La visite à Saint-Paul-hors-les-Murs prend tout son sens dans la perspective missionnaire évoquée par Léon XIV lors de son apparition au balcon. Le successeur de Pierre se rend sur la tombe de Paul, le premier grand missionnaire de l’Église.
Quant à Sainte-Marie-Majeure, c’est un haut lieu de la spiritualité mariale. On y vénère l’icône de la Salus Populi Romani. Et s’ajoutera évidemment un arrêt devant la tombe de son prédécesseur direct, comme il l’a déjà fait le 10 avril dernier. (cath.ch/imedia/cd/bh)
Patrick Valdrini est né à Saint-Mihiel le 6 juillet 1947, est un prêtre catholique français. Recteur émérite de l’Institut catholique de Paris, Il a été pro-recteur et professeur de droit canonique de l’université pontificale du Latran à Rome et auteur d’ouvrages sur le sujet.
Depuis la Loggia de la basilique Saint-Pierre de Rome, le cardinal Dominique Mamberti a annoncé l’élection du cardinal américain Robert Francis Prevost, le 8 mai 2025. Le 267e pape de l’histoire a pris le nom de Léon XIV.