Inde: Après le tsunami, le danger peut venir des «requins de terre», assure un sociologue
Mis en garde du jésuite Dabhi, directeur de l’ISI à New Delhi
New Delhi, 31 décembre 2004 (Apic) Le Père Jimmy Dabhi, sociologue et directeur de l’India Social Institute (ISI), une structure de recherche sociale à New Delhi, met en garde contre le danger «des requins de terre», qui pourraient s’en prendre sans scrupules aux survivants du raz-de-marée qui a dévasté les côtes asiatiques.
Le sociologue estime qu’il ne sert à rien d’envoyer des médecins en Inde, qui seraient coupés des réalités culturelles locales. Dans ce contexte, assure-t-il, mieux vaut appuyer l’aide des services sanitaires du pays. Il lance enfin une pointe contre le développement sauvage du tourisme dans cette région du monde. Une critique bien trop tue par les médias.
«Il faut redonner au plus vite aux populations touchées les moyens de gagner de nouveau de quoi vivre et protéger les orphelins, les veuves et les personnes âgées, sinon ils risquent de devenir la proie des «landsharks» ou «requins de terre», commente à l’Agence catholique Misna le Père Dabhi. Le directeur de l’ISI créé par la congrégation des jésuites il y a 50 ans, fait référence aux organisations criminelles qui recrutent des personnes parmi les plus pauvres et désespérées pour leurs activités illégales.
Des milliers de pêcheurs portés disparus en mer avaient une famille qui dépendait d’eux pour survivre: «Les veuves, qui dans la société indienne perdent toute protection, risquent de finir dans le milieu de la prostitution», ajoute le religieux. Pour les orphelins, des écoles et des collèges religieux sont déjà en train de se mobiliser et au fil des ans de nombreuses organisations non gouvernementales laïques se sont développées dans ce secteur. Aujourd’hui, assure le Père Dabhi, ces mêmes organisations peuvent s’occuper en partie de ces enfants; mais pour les femmes et les personnes âgées il y a moins d’instruments à disposition.
Les populations les plus touchées sont celles des villages de pêcheurs qui ont perdu non seulement leur logement mais aussi, chose encore plus importante, leurs barques et leurs filets grâce auxquels ils se procuraient de quoi vivre: «Il existe aussi toute une série de métiers liés à la pêche qui emploient des milliers de personnes, désormais sans travail elles aussi», poursuit l’expert.
Cibler les aides
Selon le jésuite, le risque social concret de cette catastrophe provoquera à court terme un grand nombre de nouvelles personnes mises en marge». Le Père Dabhi explique que les pêcheurs représentent une catégorie sociale parmi les plus pauvres du système des castes hindoues, même s’ils ne sont pas des «Dalit» (hors castes), qui ne vivent pas sur les côtes mais sont en majorité des travailleurs saisonniers et sans terre originaires des régions centrales.
«La population se refuse de toucher les corps en décomposition», raconte le sociologue en se référant à la peur d’être contaminé par des impuretés, peur très liée à la culture indienne, «des Dalits (impurs par définition dans le système des castes, ndlr) ont donc été appelés des régions voisines pour ramasser les morts et les ensevelir. Pour faire ce travail ils gagnent 70 roupies par jour (un peu plus d’un euro)».
Le directeur de l’India Social Institute, contacté par téléphone par Misna à New Delhi, partage l’opinion du gouvernement indien selon laquelle l’Inde a la force économique pour supporter l’impact du cataclysme. Il y a davantage besoin d’aides en technologie pour construire un système d’alerte adéquat, apprendre à prévenir les dommages en cas de calamité naturelle ou améliorer les actions de la protection civile.
«Cela ne sert à rien par exemple d’envoyer des médecins et du personnel sanitaire étrangers car ils ne parlent pas la langue locale, les plus pauvres ne parlant pas l’anglais, et ils ne peuvent pas comprendre la psychologie des victimes dans ce contexte culturel particulier; il est plus sage en revanche de soutenir le travail des organisations indiennes déjà présentes sur place».
Développement sauvage du tourisme
Le religieux ajoute quelques considérations sur les localités touristiques les plus touchées en Inde comme dans les autres pays: «Un tourisme né et alimenté de façon non rationnelle a contribué à augmenter le nombre des victimes», soutient le Père Debhi. A ses yeux, les complexes touristiques ont été construits trop près des plages, pour attirer les touristes; les forêts de mangroves, qui normalement bloquent les flots, ont toutes été abattues pour faire de la place aux structures et nombre de personnes vivent près des plages, attirées par de nouvelles possibilités d’emplois liées au tourisme, certaines pas toujours positives ni morales. (apic/misna/pr)