Des discriminations qui sont un contre témoignage
Inde: Le système des castes perdure au sein de l’Eglise catholique au Tamil Nadu
Madras, 18 mars 2008 (Apic) Le système de castes perdure au sein de l’Eglise catholique au Tamil Nadu, le «pays des tamouls», et ces discriminations sont un contre témoignage, constate l’étude d’un religieux indien. Dans cet Etat du sud de l’Inde, dont la capitale est Chennai, l’ancienne Madras, on compte une population de près de 65 millions d’habitants vivant dans une région d’un peu plus de 130’000 km2.
Les divisions dues à l’appartenance de castes et à l’appartenance linguistique – celle-ci étant liée à celle-là – continuent de «hanter» les communautés religieuses au Tamil Nadu. Elles ont un impact sur leur spiritualité, leur unité et leur avenir, constate le Frère Paul Raj, 45 ans, des Frères de Saint-Gabriel, une congrégation de la famille spirituelle fondée par saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Son étude est citée dans le bulletin N° 481 d’»Eglises d’Asie» (EDA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris (MEP).
Après une étude menée auprès de 53 congrégations religieuses, locales et internationales, actives au Tamil Nadu, le religieux catholique ne voit qu’une solution pour sortir de ce «contre témoignage». Seule une politique volontariste d’éducation et d’ouverture «multiculturelle» permettra de contrer les effets liés à ces identités de groupe afin de permettre une croissance saine et équilibrée des communautés religieuses catholiques.
Frère Raj vient de rendre les conclusions de son travail, mené dans le cadre d’études doctorales à l’Université publique de Madras. Sur les 13’000 religieux et religieuses du Tamil Nadu, 550 noms avaient été choisis au hasard parmi 41 congrégations féminines et 12 congrégations masculines (28 congrégations fondées en Inde et 25 congrégations internationales) pour répondre à un certain nombre de questions.
Mauvais exemple donné par les chrétiens
Selon l’étude, 43 % des religieux et religieuses interrogés disent que des discriminations de castes sont «manifestement à l’oeuvre» dans les nominations, les transferts et autres décisions. Pour huit sur dix des personnes sondées, la pensée et les actes des religieux, hommes et femmes, sont affectés par «des attitudes influencées négativement par l’appartenance linguistique et de castes». Et ces tendances sont «exprimées au Tamil Nadu plus ouvertement qu’ailleurs».
Toutefois, avant de choisir la vie religieuse, près de 80 % des religieux et religieuses interrogés n’avaient pas conscience du fait que ces aspects liés à la caste jouaient un rôle si important dans la vie des congrégations religieuses. L’auraient-ils su, ils sont 54 % à affirmer qu’ils n’auraient pas choisi l’engagement qui est désormais le leur. Pour 70 % des sondés, le problème des castes dans l’Eglise n’est pas limité à la seule vie interne des congrégations religieuses. Il se constate dans l’ensemble de la vie de l’Eglise au Tamil Nadu.
Les conséquences sur la vie de l’Eglise sont «une perte d’énergie et de vitalité évangélisatrice». Six sur dix des personnes interrogées expliquent qu’au sein des congrégations, des groupes s’organisent sur la base d’une appartenance de castes et constituent des réseaux parallèles «de solidarité et de soutien» à la poursuite d’objectifs séculiers, tels que l’argent ou le pouvoir. Pour les deux tiers des sondés, les consultations menées avant les nominations de supérieurs de congrégations «ne constituent plus un exercice sain» dans la mesure où «les appartenances linguistiques et de castes influent sur ces décisions».
Tout ceci a «de graves répercussions» sur le témoignage que l’Eglise donne à la société indienne, écrit Frère Raj, et ce sont là des tendances qui se trouvent renforcées par l’émergence récente de conflits entre des paroissiens dalits tamoulophones et des paroissiens de la caste des Reddiyars, s’exprimant en telugu (telegu). Ces querelles ont entraîné la fermeture pendant dix ans de la paroisse catholique de Thachur, localité située sur le territoire du diocèse de Chingleput (Chengalpattu), au Tamil Nadu. La réouverture de la paroisse n’a pu se faire, fin 2006, que grâce à l’intervention de l’Etat.
Nécessité d’un travail en profondeur d’éducation et d’apprentissage «multiculturel»
Pour s’opposer à cette situation, Frère Raj recommande diverses mesures. Tout d’abord, la Conférence des supérieurs majeurs en Inde sera informée de la teneur de son travail. Ensuite, seul un travail en profondeur d’éducation et d’apprentissage «multiculturel» peut amener les congrégations religieuses à mieux «témoigner du message de Jésus Christ».
Mais 62 % des sondés constatent «des résistances» dès lors qu’il est question de renforcer le «multiculturalisme». Frère Raj recommande que les supérieurs des congrégations «identifient des personnalités prophétiques pour les promouvoir et contrer ainsi les forces de division». Les nominations faites sur la base d’une appartenance de castes doivent être bannies et chaque congrégation doit s’interroger sur sa fidélité à son charisme d’origine. (apic/eda/be)