Inde: Tissa Balasuriya et la déclaration «Dominus Iesus»
Il faut choisir entre le dialogue et le refus
Rome, 20 septembre 2000 (APIC) Il faut choisir entre le dialogue et le refus, estime le théologiens Tissa Balasuriya à propos de la déclaration «Dominus Iesus». En Asie comme en Amérique latine, on réagit durement à la déclaration romaine. Au Brésil, le théologien Barros estime même qu’elle contredit sérieusement le pape Jean Paul II dans certaines de ses déclarations.
Dans le dialogue interreligieux, l’Eglise se présente avec deux visages très différents: celui du refus et celui de l’ouverture. La déclaration «Dominus Iesus» est typique du premier, tandis que l’ouverture a été exprimée par la rencontre interreligieuse tenue à Rome le 30 octobre 1999. L’analyse émane du religieux sri lankais Tissa Balasuriya, théologien, de la Congrégation des Oblats de Marie Immaculée. Auteur d’un ouvrage intitulé «Marie et la libération humaine» (1989), qui suscita une violente controverse bien au-delà du Sri Lanka.
Le théologien fut excommunié en janvier 1997, sur intervention de la Congrégation pour la Doctrine de la foi présidée par le cardinal Ratzinger – de laquelle émane la déclaration «Dominus Iesus» -, mais la sanction fut levée un an plus tard.
Selon le théologien, le jugement des représentants des religions asiatiques sur le dernier document du Vatican est négatif. «Ils pensent, explique-t-il, qu’ils ne peuvent espérer en un dialogue sérieux avec les catholiques si leur religion n’est pas reconnue pour sa dignité intrinsèque. S’ils voulaient prendre eux aussi une position dogmatique, aucun dialogue n’aurait plus de sens».
L’attitude prise par l’assemblée interreligieuse d’octobre 1999 est tout à fait différente, relève le théologien srilankais, car «Jésus est vu comme Celui qui donne l’amour et l’esprit de service». Il s’agit dès lors pour le Père Balasuriya «de deux modèles qui conduisent à des formes différentes de présence des chrétiens dans le monde, à une compréhension diverse des objectifs et des méthodes de la mission, à des rapports différents avec les adeptes des autres religions».
Arrogant et impérialiste
En Inde, certains religieux engagés dans le dialogue avec les autres religions ont sévèrement critiqué le dernier document de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Selon le jésuite T. K. John, professeur à l’Institut Vidyajyoti de New Delhi, l’Eglise devrait apprendre à écouter davantage l’Asie. Et pour le carme Albert Nambiaparami, directeur d’un centre pour le dialogue interreligieux du Kerala, dans le sud de l’Inde, le document est imprégné d’un «langage de supériorité».
Ce document est «fondamentaliste, arrogant et impérialiste», analyse de son côté le jésuite Irudaya Rai, tandis que Thomas Kuriakose, ancien responsable du secrétariat pour le dialogue de la Compagnie de Jésus, pense que le texte est une «insulte» à quiconque croit au dialogue.
Marcelo Barros: schismatique
Les critiques les plus dures sont venues du théologien brésilien Marcelo Barros, prieur bénédictin du monastère brésilien de Goias. «Lorsqu’on lit dans le texte que dans le christianisme on trouve déjà ce que les autres religions continuent à chercher, écrit-il, on a l’impression que Dieu (Père, Fils et Saint-Esprit) est emprisonné dans une cage étroite et fermée par la culture occidentale et la tradition latine. J’ai lu les déclarations de Jean Paul II, qui définit comme sacrés et inspirés les textes des autres religions. Il est certain que ce document entend critiquer le pape». En outre, selon le théologien, «quand je lis dans cette Déclaration que la valeur du dialogue interreligieux se réduit à une stratégie pour renforcer la proclamation de la doctrine catholique, je pense que le document contredit des dizaines d’affirmations du pape, ainsi que deux documents du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, dont l’un est cité dans la Déclaration (note 7). Il est nécessaire d’informer les Eglises qui sont en communion avec le patriarcat latin que ce document est schismatique. En prétendant rendre absolue une seule expression de la foi et en identifiant le Royaume de Dieu à l’Eglise romaine, il invalide le Concile Vatican II, bien qu’il en utilise certaines expressions».
«Souvent, conclut Barros, les Evangéliques et les Pentecôtistes sceptiques se demandent si le dialogue de l’Eglise Catholique est sincère. Il est nécessaire de garantir au moins la sincérité du pape et du Concile. Quant aux frères et aux soeurs des autres religions, on ne sait quoi faire pour éviter qu’ils soupçonnent que le dialogue provoqué par l’Eglise catholique vise uniquement à être une stratégie pour intensifier la proclamation du Christ. Le texte dit qu’il n’est qu’un moyen pour la mission «ad gentes». Il n’est pas juste que tant d’années de travail soient annulées et toutes les déclarations et les gestes du Pape soient affaibli». (apic/cip/pr)