Philippines: Le pays le plus catholique d'Asie s'apprête à accueillir le pape
Influence importante de l’Eglise sur la politique et la société
Manille, 4 janvier 2015 (Apic) Lorsque le pape François arrivera à Manille, le 15 janvier 2015, il jouera «à domicile» durant 4 jours, à 10’000 kilomètres de Rome. Avec une proportion de catholiques entre 80 et 85%, les Philippines sont le seul pays d’Asie, avec le Timor oriental, comptant une majorité de catholiques.
Malgré une Constitution laïque, l’Eglise catholique joue un rôle plus influent en politique et dans la vie de tous les jours que dans toutes les autres sociétés imprégnées de catholicisme. Depuis plusieurs mois, la visite du pape, lequel passera d’abord trois jours au Sri Lanka, est le thème privilégié des médias.
Selon un sondage, deux Philippins sur trois se rendent régulièrement à la messe le dimanche. Une telle attitude pourrait paraître «dévote» ou «naïve» pour de nombreux Occidentaux, mais l’importante foi populaire comporte aussi des éléments «non romains» et des superstitions issus des religions traditionnelles antérieures au christianisme.
Une forme de syncrétisme demeure
Les colonisateurs espagnols, qui ont diffusé la foi catholique depuis le 16e siècle avec l’aide des dominicains, des franciscains et des jésuites, ne sont pas parvenus à empêcher totalement le syncrétisme. Une méfiance face au clergé indigène a longtemps prédominé au Vatican. Ce n’est qu’au début du 20e siècle que Rome a nommé les premiers évêques issus de la population locale.
L’Espagne a perdu la domination coloniale en 1898 lors de la guerre contre les Etats-Unis. Dès ce moment, les Eglises protestantes ont tenté d’étendre leur influence sur les Philippines. Mais contrairement aux pays d’Amérique latine ou d’Afrique, les mouvements évangéliques charismatiques financés par les Etats-Unis n’ont pas vraiment connu le succès, malgré le fait que les populations pauvres de ce pays de 100 millions d’habitants représentent un énorme potentiel pour les missionnaires.
La pauvreté reste le plus grand défi
Les problèmes de pauvreté, qui se sont considérablement accrus après l’indépendance de 1946, restent le plus grand défi pour l’Eglise catholique aux Philippines. Jusqu’au Concile de Vatican II (1962-1965), celle-ci était considérée comme un pouvoir conservateur, proche des familles oligarchiques et des gros propriétaires terriens. C’est ensuite qu’elle est devenue davantage l’avocate des démunis et a combattu avec eux contre les causes structurelles de la misère: l’absence de réformes agraires, l’exploitation des matières premières par des entreprises internationales et la concentration des richesses dans les mains d’une élite cleptomane.
Les évêques, les prêtres, religieuses et religieux, et la plupart des communautés de base ont alors tiré à la même corde. Il est cependant clair qu’il y a eu – et qu’il y a encore – des tensions internes à l’Eglise, par exemple sur des approches de la théologie de la libération qui ont même débouché sur une collaboration de prêtres et religieux avec les rebelles communistes.
Contribution de l’Eglise au renversement de Marcos
En même temps, l’Eglise catholique s’est engagée toujours plus fortement, depuis les années 1970, en faveur de la démocratie et du respect des droits de l’homme. Le renversement du dictateur Marcos en 1986, appelé également «révolution du Rosaire», n’aurait pas été possible sans l’opposition croissante des évêques catholiques, selon la plupart des observateurs. Les responsables de l’Eglise avaient appelé les millions de Philippins à un soulèvement non violent. Les Philippines restent cependant un des pays les plus corrompus au monde. Le pouvoir et les ressources sont demeuré entre les mains de quelques clans. Et un tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
L’Eglise a fait l’objet de nombreuses critiques en raison de sa position contre les moyens de contraception alors que la population connaît une trop forte croissance. Nonobstant la résistance de la hiérarchie catholique, le gouvernement de Benigno Aquino a lancé, il y a deux ans, la loi dite «sur la santé reproductive», qui prescrit notamment la distribution de préservatifs. L’avortement et le divorce restent toutefois interdits.
Dans tous les cas, l’Eglise conservera aux Philippines un rôle central d’acteur de la société et de partenaire politique. L’Etat ne fait pas appel à elle uniquement comme solution de rechange dans les lacunes du système social, mais aussi comme intermédiaire dans les conflits sanglants avec les combattants communistes et les rebelles islamistes. Du point de vue de l’Eglise universelle, le clergé philippin reste un défricheur pour l’évangélisation de la région pacifique. (apic/cic/job/bb)