Interview du théologien français Yves Congar (220393)

«Tout dans l’Eglise catholique ne doit pas être soumis au pape»

Rome, 22mars(APIC) Le théologien français Yves Congar estime que tout

dans l’Eglise catholique ne doit pas être soumis au pape. Dans une interview accordée au mensuel italien «Trenta Giorni», le Père Congar, qui passe

en revue ses actitivités déployées sa vie durant, redit son attachement au

Concile Vatican II et propose un certain nombre de pistes pour donner plus

de poids à la collégialité des évêques, «acquis majeur du Concile».

Le problème des rapports entre le pape et les Conférences épiscopales ne

peut être réduit à un conflit de pouvoir, note le théologien. Ce dernier

s’étonne que le «Secrétariat» du Vatican pour l’Unité des chrétiens soit

devenu, ces dernières années, un «Conseil pontifical» et que différentes

instances romaines aient, à la même époque, reçu la même qualification de

«pontificales». «Je trouve que c’est exagéré, dit-il, même si je me soumets

totalement à ce que le Saint-Père peut faire ou décider. Mais je suis inquiet quand même. Il y a des risques. De toute façon, cela rend impossible

l’union avec les orthodoxes».

Aux yeux du Père Congar, une exagération de l’autorité pontificale, ou

le fait de passer outre les intermédiaires, «rend totalement impossible

l’union avec les orthodoxes, même si l’on continue de dire que l’on est à

un pas de la pleine unité. Mais il y a des risques au sein du catholicisme

même. (…) Le danger est qu’on habitue tellement les fidèles et les évêques à l’autorité centrale qu’ils ne seront plus capables de faire quoi que

ce soit».

Au nombre des acquis essentiels du Concile, le Père Congar place «la

collégialité épiscopale». Il est juste d’affirmer, explique-t-il, que les

Conférences épiscopales sont et demeurent en dehors de la Constitution divine de l’Eglise. «Mais souvent, on prolonge le raisonnement en disant que

leurs décisions ne peuvent imposer de limites aux évêques. Je crois, au

contraire, que les Conférences épiscopales peuvent donner des règles aux

évêques, car ce sont les évêques eux-mêmes qui les composent».

L’exemple des patriarcats

La Constitution dogmatique du Concile Vatican II sur la charge pastorale

des évêques, «Christus Dominus», permet, selon le théologien, «de créer des

structures intermédiaires entre le Saint-Siège et les évêques». En Orient,

par exemple, il y a des patriarcats, observe-t-il. «Et au fond, cette notion de patriarcat peut très bien être appliquée en dehors de l’Orient

chrétien de façon que tout ne dépende pas immédiatement du pape». «Les Conférences épiscopales, indique encore le théologien dominicain, sont une

forme de collégialité. Le Collège des évêques est une institution divine,

car il s’agit de la succession des Douze. C’est là que je vois le fondement

dogmatique de leur existence».

Et le Père Congar de conclure: «Le pouvoir du pape n’est pas absolu».

«Il est évidemment lié à l’Ecriture, aux Conciles oecuméniques et aux éléments immuables de la tradition». Le théologien souligne encore que l’essentiel de la foi, c’est la résurrection. «Sans la résurrection notre foi

serait vaine. Miser sur l’essentiel permet une grande liberté. Par exemple,

j’ai été défini comme progressiste. C’est absurde. Je suis en même temps

très conservateur. Je suis totalement pour la tradition: je lui ai consacré

trois livres». (apic/cip/pr)

22 mars 1993 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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