Entre 500’000 et 1,3 millions d’enfants morts, victimes de l’embargo

Irak: Les enfants d’Irak meurent à cause des sanctions de l’ONU

Bagdad,

(APIC) Depuis les sanctions de l’ONU imposées au régime irakien en 1991, plus de 500’000 enfants ont perdu la vie en Irak, selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, 1,3 million, selon les chiffres du gouvernement irakien. L’embargo de l’ONU, imposé par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne – qui poursuivent leurs raids aériens meurtriers sur le pays et les civiles – est de plus en plus dénoncé. Pour l’Unicef, l’Irak se trouve aujourd’hui dans une situation de «crise humanitaire».

Des voies y compris celles des Eglises, se lèvent de plus en plus pour une levée de ces sanctions. Même si des aides parviennent au compte-gouttes aux populations.

Pour le docteur Basim Al Abdili, l’une des tâches les plus pénibles est la visite de la salle des leucémiques de l’hôpital où il travaille à Bagdad. «A l’étranger, on peut guérir les leucémies», dit-il. «Ici, nos patients meurent sous nos yeux. On ne peut rien pour eux».

Le docteur Abdili est chef de clinique à l’Hôpital Sadaam de la faculté de médecine de l’Université Mustansyria de Bagdad. Ce matin, il rend visite à Ali Haki, un petit garçon de huit ans qui souffre d’une leucémie. Ailleurs, Ali et ses médecins auraient des chances de vaincre la maladie. Ici en Irak, il en mourra très certainement. Pourquoi? Parce que l’hôpital du docteur Abdili ne peut pas obtenir les médicaments qu’il faut au petit garçon à cause des sanctions imposées au pays par l’ONU, en particulier par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Le docteur Abdili n’a que sa compassion à offrir au petit Ali. Ces dernières années, il a vu augmenter le nombre de patients. «Avant les sanctions, dit-il, nous perdions un patient toutes les 48 heures. Aujourd’hui, après dix ans, nous en perdons trois à quatre par jour. Le taux de mortalité est six à huit fois plus élevé».

C’est après l’invasion du Koweit il y a dix ans, que les sanctions ont été imposées à l’Irak. Ce sont les mesures les plus sévères jamais décidées contre un pays La première résolution établissant ces sanctions par le Conseil de sécurité de l’ONU a été votée le 6 août 1990.

Répercussions sociales

Au-delà des pertes en vies humaines, une société tout entière est en train de se désagréger. On reconnaît à présent que la malnutrition, qui touche un quart des enfants de moins de cinq ans, a provoqué des retards de croissance généralisés. Le nombre des enfants des rues s’est accru d’une manière spectaculaire. Près d’un tiers des jeunes Irakiens ont abandonné l’école. Et beaucoup de citoyens quittent le pays en quête d’une vie meilleure. Le programme pétrole contre nourriture, qui prévoit d’affecter le produit des ventes de pétrole irakien à l’aide humanitaire, est loin de produire des résultats suffisants. Beaucoup de gens souffrent de carences nutritives et les médicaments manquent pour des jeunes comme Ali Haki.

Appel à la levée des sanctions

Les communautés chrétiennes locales ont elles aussi souffert des sanctions. Pour la délégation du Conseil œcuménique des Eglises (COE) qui s’est rendue en Irak en 1998, «la vie et le témoignage des Eglises sont affectés par les sanctions: Car le fondement de leur ministère et de leur autonomie est menacé. Les ressources auxquelles elles avaient accès s’amenuisent, à mesure que le nombre de chrétiens diminue à cause de l’émigration économique».

A mesure que la décennie avançait et que s’alourdissant le tribut payé à la maladie et à la mort, nombre d’organisations, dont le COE et l’Eglise catholique, ont demandé la levée des sanctions économiques contre l’Irak. Dans une lettre adressée au secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, au début de l’année, le secrétaire général du COE, le pasteur Konrad Raiser a qualifié la situation en Irak d’»épouvantable». Il a déclaré qu’il était «grand temps que le Conseil de sécurité lève avec effet immédiat toutes les sanctions qui ont des conséquences directes sur la population civile irakienne et la frappent sans aucun discernement».

Michael Nahhal, qui représente la communauté œcuménique en Irak en qualité d’agent des secours d’urgence pour le compte du Conseil des Eglises du Moyen-Orient (CEMO) depuis dix ans, appelle lui aussi à la levée des sanctions. «Une génération entière de jeunes vit dans un dénuement total, privée en particulier de la possibilité de s’épanouir en tant qu’êtres humains», indique-t-il. «Les Irakiens sont très amers. La souffrance de la population est grande. Il faut se poser cette question: quel est le but des sanctions imposées à l’Iraq?»

L’aide humanitaire ne suffit pas

Les analyses géopolitiques ne présentent guère d’intérêt pour Ali Haki et pour les millions d’autres enfants irakiens dont la santé et la vie sont menacées par le maintien des sanctions. Tout ce qu’ils veulent c’est vivre et profiter de la vie comme tous les enfants.

Depuis la crise du Golfe, les Eglises ont organisé des programmes de secours humanitaires au profit de la population irakienne. Michael Nahhal et la CEMO ont joué un rôle capital dans ce dispositif, assurant le relais entre le monde extérieur et l’Irak. Grâce à eux, la communauté œcuménique mondiale a pu faire parvenir à la population irakienne 2’000 tonnes d’aliments à haute teneur en protéines, des médicaments d’urgence, 52 tonnes de lait en poudre, 7’300 revues et ouvrages médicaux, 54’000 draps d’hôpital, 50’000 couvertures d’hôpital, 5’000 jeux de matériel scolaire, 8’000 trousses médicales, et de nombreux autres articles de secours.

«Ce dont l’Irak a besoin aujourd’hui, déclare Michael Nahhal, c’est de solidarité et de compréhension. Il faudrait consentir des efforts immenses pour arriver à instaurer une paix durable dans une région qui a tant souffert durant ces dernières décennies. Cette paix ne se réalisera que si elle est fondée sur le respect et la compréhension». (apic/eni/ua/pr)

3 août 2000 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 4 min.
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