La prière m’a sauvé de la mort

Irak: Témoignage de Mgr Casmoussa après son enlèvement

Mossoul, 24 février 2005 (Apic) Alors que ses ravisseurs étaient prêts à lui trancher la gorge, «c’est la prière qui m’a sauvé de la mort», témoigne l’archevêque syrien-catholique de Mossoul. Enlevé le soir du 17 janvier par deux hommes armés au sortir d’une visite pastorale, Mgr Basilios Georges Casmoussa a été libéré après deux jours par ses ravisseurs. Le pape était intervenu publiquement pour sa libération.

Révélant les détails de son enlèvement dans une lettre à l’Union Catholique Internationale de la Presse (UCIP) à Genève, dont il est membre, Mgr Casmoussa exprime d’abord sa «reconnaissance filiale et spéciale au Saint-Père Jean Paul II qui a remué la planète par son appel et sa prière». Il remercie les médias locaux et mondiaux qui ont attiré l’attention sur son enlèvement, «sur la chrétienté irakienne et sur l’Irak meurtri et martelé».

Une dernière minute accordée avant l’exécution.

Lors de sa détention, Mgr Casmoussa a répété plusieurs fois la prière d’abandon du Père De Foucauld, qu’il récite tous les jours en tant que prêtre de la communauté du Christ-Roi: «Mon Père je m’abandonne à Vous, faites de moi ce qu’il vous plaira… «. Il cite également le dernier mot exprimé à la dernière minute accordée avant son exécution: «Que la paix se rétablisse en Irak, que ses citoyens, musulmans et chrétiens, vivent ensemble comme frères et comme partenaires, qu’ils mettent la main dans la main pour reconstruire ce pays ensemble, et poursuivent l’édification de la civilisation mésopotamienne».

Lors de son enlèvement dans une rue de Mossoul, jeté dans le coffre d’une voiture, ses ravisseurs l’ont soumis à un «réquisitoire». S’il n’était pas la personne recherchée, on le libérerait. «Mais quand ils m’ont lié les pieds, les mains, les yeux et la bouche, m’ont vidé les poches, ôté mon anneau et ma croix pectorale, m’ont indiqué de m’allonger par terre, et m’ont laissé comme ça, tout seul, toute la nuit, dans une grande pièce froide, avec la menace d’être égorgé… j’ai commencé à m’attendre à tout. Au pire».

Il lui est alors venu à l’esprit le psaume cité tous les jours à l’offrande de la messe: «Comme un agneau, il fut dirigé à l’abattoir, et comme une brebis, il se taira devant le tondeur». L’essentiel de sa prière, durant la nuit de son enlèvement était: «Mon Dieu, je vous demande trois choses: la capacité d’endurance, la longue haleine et l’espérance, de rester calme jusqu’au bout. Et que votre volonté soit faite».

Détenu dans ce qui semblait une maison campagnarde, Mgr Casmoussa a été maintenu assis par terre, les pieds et les mains liées avec une chaîne. C’est alors que son ravisseur le menaça de nouveau. «Il se mit à exécuter son projet: il s’assit derrière moi, me tint la tête, mit effectivement le couteau sur mon cou, avec un récipient pour recueillir le sang, et prononça le nom de Dieu, comme ce qu’on fait quand on va égorger une poule ou un agneau. Le trouvant résolu, je lui ai demandé alors, s’il n’y avait vraiment pas d’alternative à ma mort, de me permettre de prier. Il retira le couteau, et me laissa prier. Je priais à haute voix: ’Seigneur, je remets mon âme entre vos mains. Recevez-moi dans votre miséricorde. Pardonnez-moi mes péchés. Que votre volonté soit accomplie’».

«Pour que musulmans et chrétiens puissent vivre ensemble en paix»

L’exécuteur lui a alors demandé s’il avait quelque chose à ajouter à l’intention de sa famille: «Je lui ai répondu que oui. Puis, je dis, toujours à haute voix: ’Je fais l’offrande de ma vie pour la paix et la sécurité de l’Irak, pour que tous ses enfants, musulmans et chrétiens, puissent vivre ensemble en paix et en bonne entente, et qu’ils mettent la main dans la main, les uns des autres, pour construire ce pays ensemble, parce que ce peuple mérite bien de vivre’». Puis se déclarant prêt, il fut à nouveau questionné: «N’avez-vous pas peur ? -Non. S’il n’y a pas d’autre solution que ma mort…!» Il continua à appuyer le couteau sur le cou de Mgr Casmoussa. Quand il vit qu’il ne réagissait pas et qu’il restait calme, il se retira en disant: «Non, vos paroles sont correctes. Il sera préférable de vous gagner à notre cause».

L’exécuteur, sachant que cette scène sera gravée sur un CD qui sera envoyé à la chaîne de télévision par satellite arabe Al-Jazeera, a déclaré: «Eh bien, nous ne voulons pas que les chrétiens voient cela, parce que nous avons quand même des liens avec eux». Alors Mgr Casmoussa a ajouté paisiblement: «Parce qu’il y a partage de pain et de sel entre nous, parce que nous sommes liés par le même sort, la même terre qui est notre mère commune!»

Après prit corps une discussion à bâtons rompus «sur la patience de Dieu qui veut gagner l’homme à la pénitence, sur le sens de la conscience, du célibat sacerdotal et religieux, de la fidélité conjugale, sur le vrai amour entre l’homme et la femme et sur la dimension du sexe comme témoignage d’amour dans le mariage, sur l’éducation en famille, la filiation divine du Christ, spirituelle et non charnelle».

Libération en pleine rue

C’est l’arrivée de l’»Amir», l’émir du groupe, qui a permis le dénouement heureux, la libération. Dès son entrée, il demanda: «Qu’est-ce qui se passe ? Les chaînes de télévision internationales sont tellement préoccupées pour vous. Même ce pape Jean Paul II demande votre libération !» Tout en répétant l’accusation banale et de convenance de collaboration avec les Américains, l’émir donna l’ordre qu’on lui remette ses affaires et qu’on lui rende son téléphone portable «pour qu’il puisse téléphoner aux siens et les rassurer sur son retour». On lui rendit l’anneau épiscopal et la croix pectorale. Il fut ensuite libéré en pleine rue, derrière une mosquée de Mossoul.

Aujourd’hui, Mgr Basilios Georges Casmoussa se demande pourquoi il a été enlevé. Il n’a pas encore de réponse. «L’accusation de collaboration (avec les Américains), si fausse soit-elle, était-elle sérieuse de leur part ? Voulaient-ils effectivement intimider davantage les chrétiens ? Les pousser à fuir le pays ? Etaient-ils poussés par des motifs religieux (islamiques)?» L’archevêque n’a rien remarqué sur les murs qui faisait allusion à un quelconque symbole musulman.

«Aucun message ne m’a été confié! Qu’il y ait des courants fondamentalistes islamiques en Irak, qui seraient enflammés contre tout ce qui n’est pas purement et simplement islamiste et puritain, est indéniable. Que ce courant, ou d’autres moins fanatiques, aient mélangé, indûment et injustement, chrétiens et Américains, c’est possible. Mais de là à toucher un symbole religieux chrétien de haut rang, c’est un précédent, quelque chose qui ne s’était jamais produit.»

Conséquence sur les chrétiens d’Irak

Si l’affaire avait mal tourné ou si elle s’était prolongée, estime Mgr Casmoussa, elle aurait eu des conséquences désastreuses pour les chrétiens d’Irak: «Ils seraient démoralisés, désorientés, terrorisés et poussés à une émigration intense et funeste pour l’avenir de la présence chrétienne dans ce pays, pourtant le nôtre avant la venue même de l’Islam au 7ème siècle. Heureusement que l’affaire se soit terminée de la sorte. Son premier effet fut une hausse du moral et de la fierté chez les chrétiens, comme chez nos amis musulmans».

L’archevêque syrien-catholique de Mossoul attribue sa libération à la puissance de la prière, à la force de l’appel du pape aussi et à l’attention médiatique internationale extraordinaire et rapide qui a eu lieu. Et de conclure: «Y a-t-il eu là un miracle ? Quels facteurs ont joué effectivement chez les ravisseurs ? Dieu seul le sait !» (apic/ucip/com/be)

24 février 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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