Iran: Un réformateur proche de Khatami met en cause le rôle du clergé chiite

Propos jugés «insultants, anti-islamiques et hostiles à la religion»

Téhéran, 28 juin 2002 (APIC) Un intellectuel réformateur iranien, proche du président Khatami, remet en question le rôle du clergé chiite comme intermédiaire entre Dieu et l’homme. Ses propos, inspirés du «protestantisme islamique», suscitent une tempête de protestations dans les rangs des religieux conservateurs, relève le quotidien libanais «L’Orient le Jour» dans son édition du 28 juin.

Les plus hauts membres de la hiérarchie religieuse de la ville sainte de Qom, au sud de Téhéran, se sont révoltés ces derniers jours contre les propos «insultants, anti-islamiques et hostiles à la religion» prononcés par Hachem Aghajari, un membre de l’Organisation des moudjahidine de la révolution islamique (gauche radicale, réformatrice).

Dans des discours prononcés la semaine dernière à Hamédan puis à Téhéran, Aghajari avait mis en cause le «rôle institutionnel du clergé» et évoqué un sujet très controversé en Iran, le «protestantisme islamique», appelé également le «renouveau religieux du chiisme». L’intellectuel, qui est aussi journaliste, avait estimé que l’islam avait besoin d’une réforme structurelle et que les musulmans «n’avaient pas à suivre aveuglément la religion à travers un chef religieux». Hachem Aghajari se réfère à la pensée d’un philosophe iranien, Ali Chariati, décédé dans les années 1970 et, qui estimait que l’islam devait être «réformé à l’instar de l’Eglise» en Occident en écartant le «clergé comme un intermédiaire entre Dieu et l’homme».

«Le protestantisme de Chariati était une forme de contestation de ce qu’il appelait la religion officielle», avait estimé Aghajari, ajoutant: «Chariati voulait critiquer une religion figée en introduisant des éléments d’un renouveau et ainsi réformer l’islam».

Ces déclarations ont suscité un tollé dans les milieux conservateurs de plusieurs villes où, outre des rassemblements de protestations, les religieux ont exigé une «réaction appropriée» à ces propos «blasphématoires». Certains ont même demandé à la justice, dominée par les conservateurs, de poursuivre le journaliste.

Un sujet qui domine les débats du Parlement

«Aujourd’hui, dans notre propre pays, il y a des discours hostiles à l’islam et nous ne faisons rien», a déclaré l’ayatollah Ali Mekhkini, membre du clergé à Qom. Depuis deux jours, les journaux, réformateurs comme conservateurs, se livrent une guerre verbale autour de ce sujet qui domine les débats politiques au gouvernement et au Parlement.

Dans une réaction inattendue, jeudi, le président Khatami, en tournée dans le nord-ouest du pays, a évoqué cette polémique en critiquant les propos d’Aghajari. «Pourquoi certains se permettent-ils d’affaiblir le clergé sous la bannière de l’intellectualisme, alors qu’un vrai révolutionnaire renforce le régime et le clergé?», affirme le président.

Mercredi, dans un discours prononcé devant la Chambre, le président du Parlement Mehdi Karoubi, un proche du président Khatami, avait estimé que des déclarations de ce genre «portent atteinte à la solidarité nationale». Il a demandé à la justice et aux écoles coraniques de rester à l’écart de cette polémique.

Devant cette tempête de protestations, Hachem Aghajari a adressé une lettre à Mehdi Karoubi pour réitérer son «allégeance au clergé» et notamment à l’imam Khomeiny, fondateur du régime islamique.»Je suis désolé et demande pardon (…) si mes propos ont attristé le clergé et remis en cause son rôle incontestable dans le mouvement réformateur», a écrit le journaliste, dont un extrait de la lettre est publié jeudi par l’agence officielle Irna. (apic/olj/bb)

28 juin 2002 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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