Israël: Cinq décennies d’injustice pour les déportés des villages chrétiens d’Ikrit et Biram
Jérusalem, 27 septembre 2001 (APIC) Depuis plus de cinq décennies, des centaines de chrétiens arabes de Galilée subissent une injustice flagrante de la part des autorités israéliennes: malgré les injonctions de la Cour suprême à Jérusalem, ces citoyens de seconde classe, expulsés en 1948 des villages chrétiens d’Ikrit et de Biram, ne peuvent récupérer leurs terres et reconstruire leurs maisons dynamitées.
Cette semaine, le Cabinet de sécurité israélien a une nouvelle fois tergiversé, refusant de répondre à une pétition des familles de déportés de 1948 déposée il y a déjà 4 ans devant la Cour suprême de justice à Jérusalem. Le ministre israélien de la défense Benjamin Ben-Eliezer considère que le sujet des Arabes chassés par l’armée israélienne en 1948 est trop sensible à la veille du premier anniversaire de l’éclatement de l’Intifada Al-Aqsa.
Tactique dilatoire des autorités israéliennes
Le secrétaire du Cabinet de sécurité, Gideon Sa’ar, a présenté les résultats d’un groupe de travail chargé d’étudier la question. Ce groupe de travail – duquel font notamment partie Danny Ayalon, conseiller diplomatique du Premier ministre Ariel Sharon, et la juge Ariela Kalai, du Ministère israélien de la justice – recommande de demander à la Cour suprême israélienne de rejeter la pétition des chrétiens des «twins villages», les villages jumeaux, comme on les appelle en Israël.
Ces recommandations, qui n’ont rien à voir avec l’application du droit, ont été influencées en partie par le refus de créer un précédent en permettant le retour dans leur village des Arabes chassés en 1948. Selon la presse israélienne, le groupe de travail a également tenu compte du refus des habitants juifs de cette région frontalière avec le Liban de voir revenir les légitimes propriétaires des deux villages chrétiens. L’argument de la sécurité de la frontière après le retrait de Tsahal du Liban est opportuniste, car les habitants réclament leur retour dans leur village depuis plus de 50 ans.
L’histoire tragique des «twins villages» illustre la politique de spoliation des Arabes
Les familles d’Ikrit, un village grec-catholique, et de Biram, un village maronite, ont pour la dernière fois adressé leur demande à la Cour suprême israélienne en février 1997, mais le gouvernement a fait diversion en demandant sept fois le report des auditions. Le dernier délai échoit le 1er octobre 2001.
«Dans ce pays, chaque pierre raconte au moins deux histoires, l’israélienne et la palestinienne», commente pour l’APIC le Père Elias Chacour, curé d’Ibillin, en Galilée. Le sort de son village de naissance, Biram, une localité maronite qui a été démolie de la même façon que son «jumeau», le village melkite d’Ikrit – illustre à ses yeux parfaitement ce qui s’est passé lors des événements de 1947/48, que les vainqueurs appellent la «guerre d’indépendance d’Israël» et que les vaincus appellent «la catastrophe» (al Naqba).
Biram, village de naissance du Père Elias Chacour
Le Père Chacour affirme que Biram et Ikrit font partie d’une longue liste de 400 localités arabes rayées de la carte par Israël, mais qu’elles sont les seules à avoir gagné le droit au retour devant les tribunaux israéliens. Un droit qu’elles tentent de faire valoir en vain depuis 50 ans. En 1948, les pacifiques habitants de ces deux bourgades chrétiennes hébergent des soldats israéliens. L’ordre d’évacuation temporaire, accompagné d’une promesse écrite d’un prochain retour, tombe bientôt comme un couperet. La population s’abrite un temps sous les arbres ou dans des abris de fortune, avant de se rendre à l’évidence: l’armée l’a trompée. Par deux fois, en 1951 et en 1952, la Cour Suprême autorise les habitants de Biram à rentrer. En vain. Les injonctions de la Cour Suprême n’y font rien: les 16 et 17 septembre 1953, le village est dynamité puis bombardé par l’aviation israélienne. Entre-temps, les terres ont été transférées au Ministère du Développement d’Israël. Elles sont actuellement cultivées, mais pas par leurs propriétaires légitimes. En Israël, les prétextes de sécurité sont souvent invoqués pour confisquer les terres arabes, aujourd’hui encore. A l’époque, la spoliation des terres des «absents» fut d’autant plus facile que les citoyens arabes d’Israël étaient soumis à un régime militaire d’exception draconien, qui ne fut levé qu’en 1966. (apic/be/haar/be)