Israël: Permission d’abattre les enfants en dessus de 12 ans

«Crimes de guerre», selon Amnesty International

Jérusalem/Londres, 21 novembre 2000 (APIC) Des enfants palestiniens sont sciemment visés et abattus par des soldats équipés de fusils à longue portée munis de balles spéciales, révèle un quotidien israélien. «A partir de 12 ans, on a la permission de tirer (sur les enfants, ndr), c’est ce qu’ils (nos chefs, ndr) nous disent», avoue sous le couvert de l’anonymat un tireur d’élite membre d’une unité spéciale de «Tsahal».

Interrogé hors service par Amira Hass, le témoignage de ce soldat publié par le quotidien Ha’aretz, jette une lumière crue sur ce qui se passe dans la bande de Gaza et en Cisjordanie: en violation de la 4ème Convention de Genève et du droit humanitaire international, la permission d’abattre des enfants palestiniens a été donnée à des unités spéciales. Selon le droit international, les responsables de tels ordres illégaux devraient être jugés par des tribunaux.

Amnesty International réclame une commission d’enquête internationale. L’organisation basée à Londres préférerait que le gouvernement israélien lui-même enquête d’abord sur les violations du droit humanitaire international et en dééfère éventuellement les responsables devant ses propres tribunaux, avant de mettre sur pied un tribunal pénal international.

Usage excessif de la force

Interrogée mardi par l’agence APIC, une porte-parole d’Amnesty International à Londres rappelle que l’organisation de défense des droits de l’homme réclame en premier lieu une commission d’enquête internationale impartiale pour établir les faits et documenter les graves violations du droit humanitaire dans les territoires occupés par Israël.

Amnesty International, qui a envoyé trois délégations dans les territoires occupés, parle de nombreux cas d’»usage excessif de la force» quand la vie de soldats n’étaient pas en immédiatement en danger, voire de «crimes de guerre» commis par Tsahal et les autres forces de sécurité. Concernant le témoignage publié dans «Ha’aretz», Amnesty International déclare ne pas être surprise, «car cela ne fait que confirmer que l’armée israélienne a, à maintes reprises, violé ses propres règlements d’engagement das des circonstances où des enfants ont été tués.»

L’armée israélienne viole ses propres règlements

Pour le grand public et les médias en général, les Forces de défense d’Israël font un «usage restreint» de la force. L’armée israélienne est censée agir en conformité avec ses propres règlements militaires prescrivant que les soldats n’ont le droit de faire usage de leurs armes que si leur vie est immédiatement en danger. Tirer sur des femmes et des enfants est en principe prohibé.

Le soldat interrogé par «Ha’aretz» n’est pas en mesure de dire combien d’enfants palestiniens ont déjà été tués dans les violences de ces derniers mois, mais il est sûr que «l’armée abat ceux qui doivent être tués, ou en tout cas dans au moins 90% des cas, par ex. tous ceux qui lancent des cocktails Molotov».

«Un tireur d’élite est comme un pilote, son travail est très propre»

Décrivant «un jour dans la vie d’un tireur d’élite», Amira Hass relève que l’on peut trouver des soldats comme lui dans n’importe quel poste militaire en Cisjordanie ou à Gaza. Du même âge que nombre de ceux qui se mesurent à coups de pierre contre Tsahal, il s’agit d’un jeune homme comme tout le monde, souriant, timide mais franc, commente «Ha’aretz».

«Chaque jour, les ordres d’ouvrir le feu changent, parfois plusieurs fois par jour; chaque jour, avant que nous sortions, ils définissent les principes pour ouvrir le feu; cela change aussi selon les endroits», confie-t-il. «Les ordres sont que nous devons être très sélectifs, très précis. Mais cela dépend des jours. Après le lynchage (de soldats israéliens à Ramallah, ndr.), par exemple, les ordres d’ouvrir le feu étaient beaucoup plus indulgents que la veille.»

Les tireurs d’élite, qui agissent en vrais professionnels entraînés pour tuer, reçoivent en fait des ordres précis quand ils doivent ouvrir le feu; ils reçoivent une formation à partir de vidéos, car l’armée israélienne prépare des «kits de documentation» sur les gens qui sont tués. «Un tireur d’élite est comme un pilote, son travail est très propre», commente le soldat.

Tirer pour tuer

«Quand ils donnent l’ordre à un tireur d’élite de faire feu, son intention sera de viser la tête. Parce que s’il tire, c’est certainement dans le but de tuer. A moins qu’il y ait certains individus particuliers – dans cette guerre, ce n’est pas souvent le cas – pour lesquels on doit viser les jambes; ils nous demandent aussi de faire cela». Le tireur déclare que les ordres sont de ne pas tirer sur les enfants, mais qu’à partir de 12 ans, c’est selon lui permis par l’armée israélienne. Contrairement à ce que prescrit le droit international, qui considère qu’il s’agit d’enfants jusqu’à 18 ans. Mais, selon ce que dit Tsahal à ses soldats, il n’y a plus d’enfants à partir de 12 ans. «Je ne sais pas si c’est ce que l’armée israélienne dit aux médias», lâche encore le soldat, qui précise qu’il n’a souvent que 10 secondes à disposition pour estimer l’âge de celui qu’il va devoir abattre. Le tireur d’élite précise encore que «notre définition des enfants est différente, parce que pour nous, cela va jusqu’à 12 ans (…) J’ai entendu qu’il était important pour Tsahal de savoir si quelqu’un était âgé de plus de 12 ans, c’est pourquoi j’en ai déduit que 12 ans est la limite.» (apic/haar/be)

21 novembre 2000 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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