La majorité juive d’Israël s’amenuise: danger pour l’Etat juif
Israël: Un rabbin propose la conversion en masse des immigrants durant le service militaire
Tel Aviv, 14 juin 2002 (APIC) Alors que la polémique s’amplifie en Israël sur l’immigration de non-juifs et sur le fait que la majorité juive s’amenuise, mettant ainsi en danger la nature juive de l’Etat, le rabbin Yoel Bin-Nun propose la conversion en masse des immigrants durant le service militaire. Le démographe Sergio Della Pergola, de l’Université hébraïque de Jérusalem, révèle pour sa part que les juifs qui quittent Israël sont plus nombreux que ceux qui s’y installent.
Sergio Della Pergola estime que sur les quelque 30’000 personnes qui émigreront en Israël cette année (contre 43’443 l’an dernier), la moitié d’entre eux ne pourra pas devenir juive même si leur arrivée est permise en vertu de la Loi du Retour. On compte d’autre part entre 15 et 20’000 juifs qui quittent le pays chaque année. Plus de 100’000 couples sont mixtes en Israël, dont une bonne moitié où la femme n’est pas juive, ce qui signifie que la descendance ne peut pas être juive selon la loi religieuse, la halacha. La halacha régit les questions matrimoniales, ce qui a pour conséquence de rendre impossible les mariages interconfessionnels en Israël.
Un ministre met en doute la loyauté des soldats non juifs de Tsahal
En Israël, moins de 72% de la population est juive. 28% de la population totale est non-juive: 18% sont des Arabes israéliens, 2% des Palestiniens installés illégalement en Israël et quelque 8% sont des immigrés d’ex-URSS, sans compter une main d’oeuvre étrangère estimée à 280’000 personnes. La présence au sein de la société juive d’une minorité toujours plus conséquente de non-juifs assimilés suscite des craintes, voire la polémique: vendredi 14 juin, le ministre israélien de l’Intérieur, Eli Yishai, du parti ultra-orthodoxe Shas, a suscité un tollé en mettant en doute la loyauté des soldats non-juifs de l’armée israélienne.
Le ministre ultra-orthodoxe a affirmé qu’en l’an 2010, Israël aura perdu sa majorité juive et déploré que chaque année des centaines de non- juifs recevaient la nationalité israélienne en effectuant leur service dans l’armée. L’opposition a relevé le cynisme du ministre ultra-orthodoxe, qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour que ses congénères soient dispensés du service militaire (les étudiants «haredis» des yeshivot ultra- orthodoxes ne sont pas appelés sous les drapeaux), alors que des milliers de soldats dont un seul des parents est juif sont enrôlés dans l’armée.
Ne pas permettre la venue de familles chrétiennes
Selon Asher Cohen, du département des sciences politiques de l’Université de Bar-Ilan, il est nécessaire d’être plus restrictif avec la Loi du Retour. Si l’on ne peut pas empêcher l’arrivée en Israël de couples dont seulement l’un des membres est juif, il faut en tous les cas ne pas permettre la venue de familles complètement chrétiennes, en particulier ceux qui vont régulièrement à l’église. L’an dernier, des centaines de recrues de Tsahal ont prêté serment pour l’Etat et l’armée non pas sur la Torah, mais sur le Nouveau Testament.
Responsable de la «Yeshiva» (école religieuse) du Kibboutz Hadati, à Ein Tsurim, le rabbin Yoel Bin-Nun lance un appel pour convertir quelque 300’000 immigrants non juifs d’ex-URSS, une politique préférable à une absorption sociale à l’aveuglette. Le rabbin non conformiste – il a été l’un des fondateurs du mouvement de colons Gush Emunim avant de devenir plus tard un supporter du processus de paix – reproche à la politique de l’establishment religieux israélien, incarnée par le Grand Rabbinat, de créer, par la sévérité des critères de conversion, deux peuples juifs en Israël: l’un reconnu comme juif par la halacha, la loi religieuse juive, et un autre non reconnu comme juif, avec toutes les conséquences sociales que cela signifie pour ce dernier.
Yoel Bin-Nun, intervenant lors d’un colloque sur l’assimilation en Israël organisé à l’Université de Bar-Ilan par le Centre Rappaport pour la recherche sur l’assimilation, a insisté lui aussi pour que la Loi du Retour – qui a permis à ces immigrants non-juifs d’entrer en Israël – soit amendée pour empêcher l’arrivée massive de personnes qui n’ont qu’un lieu ténu avec le judaïsme.
Des conversions «frauduleuses»
Le professeur Binyamin Ish-Shalom, président de l’Institut des Etudes juives, révèle qu’une récente enquête menée par l’Institut Dahaf montre que 87% des immigrants non-juifs ont envie de se sentir partie prenante du peuple juif et que 14% d’entre eux désirent se convertir. Alors qu’Asher Cohen plaide pour une approche plus libérale des conversions, exclusivement aux mains des orthodoxes, le rabbin Gedalya Axelrod, président du tribunal rabbinique de Haïfa, est partisan d’une plus grande rigueur. Il estime que la grande majorité des immigrants convertis au judaïsme n’observent pas les «mitzvot» (commandements de la loi juive) après leur conversion, indispensable pour pouvoir se marier.
Ainsi, estime-t-il, ces conversions sont frauduleuses et les rabbins ne font que se duper eux-mêmes. «Durant les 21 ans que j’ai été juge au tribunal rabbinique, j’ai rencontré des centaines de convertis et aucun d’entre eux n’était un religieux», affirme le rabbin Axelrod. (apic/haar/jpost/be)