Le Saint-Siège examine la position du gouvernement italien
Italie :Après la perquisition chez le cardinal Giordano
Rome 2 septembre 1998 (APIC) Le Saint-Siège examine actuellement la réponse du gouvernement italien à la «note verbale» de protestation émise par le Vatican le 27 août à propos de la manière dont le cardinal Michele Giordano, archevêque de Naples, a été traité par les magistrats de Lagonegro, dans le cadre d’une enquête sur des crédits usuraires. Selon le directeur de la salle de presse du Vatican, le concordat entre le Saint-Siège et l’Italie n’aurait cependant pas été violé.
Des policiers italiens ont perquisitionné le 22 août à Naples le bureau personnel du cardinal Giordano. Le mandat de perquisition avait été signé par le juge qui instruit actuellement une affaire dans laquelle est impliqué le frère du cardinal, Mario Lucio Giordano, arrêté le 20 août et soupçonné de s’être enrichi de manière illicite en recourant à l’usure, au chantage et à des malversations. Lors de la perquisition, les enquêteurs ont saisi des chèques signés par l’archevêque de Naples et portant sur des sommes rondelettes. La police soupçonne le cardinal d’avoir aidé son frère dans un trafic financier, voire dans une affaire de blanchiment d’argent sale.
L’enquête porte sur des mouvements de fonds à la curie de Naples, le troisième diocèse d’Italie. Parmi les éléments de l’enquête, les medias mentionnent un compte dont le cardinal aurait laissé l’usage à son frère, lequel a déjà fait l’objet de poursuites judiciaires dans le passé. Le cardinal est par ailleurs connu lui-même en Italie pour sa lutte contre l’usure, dont les profits sont contrôlés par la mafia.
Mais la protestation du Vatican se place sur un autre terrain, celui des rapports entre l’Église et l’Etat en Italie. Elle vise notamment le fait que le cardinal a été mis au courant par la presse de l’avis de garantie dont il faisait l’objet. Le quotidien italien «La Repubblica» aurait en effet publié la décision des magistrats avant qu’elle ne soit notifiée à l’intéressé, et sans que le Saint-Siège en ait été averti, comme le prévoit le concordat signé avec le gouvernement italien.
Selon la presse italienne, la perquisition dans les bureaux de l’archevêché de Naples aurait permis de saisir non seulement des chèques et des documents bancaires, mais aussi des documents ecclésiastiques confidentiels, d’où la protestation de l’Église. Autre pomme de discorde : les écoutes téléphoniques dont le cardinal Giordano a fait l’objet pendant trois mois. «Et si le pape m’avait téléphoné !», s’est-il insurgé devant les caméras de télévision. Le Vatican a protesté en outre contre le caractère «spectaculaire» donné à l’enquête et à la perquisition.
Concertation au sommet
Mardi 1er septembre, le Premier ministre italien Romano Prodi, le ministre de la Justice, Maria Giovanni Flick, et le ministre des Affaires étrangères, Lamberto Dini, se sont réunis à Rome pour élaborer la réponse du gouvernement italien, remise au Saint-Siège par voie diplomatique. La rencontre a été consacrée à un examen point par point de la «note verbale» du Vatican, qui a fait l’objet la semaine passée d’une rencontre entre Mgr Jean-Louis Tauran, le «ministre des Affaitres étrangères» du Saint-Siège, et l’ambassadeur italien près le Saint-Siège, Alberto Leoncini Bartoli.
Selon le communiqué publié mercredi par le Saint-Siège, A.L. Bartoli s’est rendu au Vatican dans la matinée pour rencontrer Mgr Migliore, sous-secrétaire pour les Relations avec les États, et exprimer la position du gouvernement italien. L’ambassadeur était porteur d’un document actuellement examiné par le Saint-Siège, précise le communiqué.
«Aucune violation du concordat»
Toute la presse italienne titre sur le contenu présumé de la réponse du gouvernement: » Aucune violation du concordat «, ce que Romano Prodi avait déjà déclaré «à chaud» devant les médias. Toujours selon les journaux italiens, Antonio Stipo et Leonardo Tatalo, les deux entrepreneurs signataires des plaintes à l’origine de l’enquête, ont été convoqués d’urgence hier après-midi par le procureur de Lagonegro désireux d’en savoir davantage sur les «intimidations» dont ils auraient fait l’objet par téléphone. Des menaces qui auraient poussé Leonardo Tatalo àà faire de nouvelles révélations.
Le procureur Russo, selon les mêmes sources, aurait lui aussi reçu des menaces de mort. Enfin, des messages menaçants seraient parvenus à Filippo D’Agostino, témoin de l’enquête et directeur d’une radio libre qui depuis des mois lutte contre l’usure. Pour sa part, le président de la Commission parlementaire anti-mafia, Ottaviano Del Turco, a annoncé qu’il ferait procéder à une enquête sur l’usure. (apic/imed/mp)