D’autres étrangers liés à l’islamisme dans le collimateur

Italie: Deuxième expulsion d’un intégriste musulman en une semaine

Traduction Valérie Bory, Apic

Turin, 8 septembre 2005 (Apic) L’imam de Turin, Bouiriqi Bouchta, a été expulsé et renvoyé au Maroc mercredi 7 septembre. Le deuxième musulman soupçonné d’intégrisme, trésorier d’une association culturelle islamique à Côme, avait été expulsé la semaine dernière. Selon le quotidien italien l’Avvenire, d’autres cas suivront. L’Angleterre, pour sa part, veut assouplir la Convention des Droits de l’Homme pour faciliter des expulsions.

L’imam de Turin, Bouiriqi Bouchta, a été renvoyé manu militari au Maroc, son pays d’origine mercredi 7 septembre, sur décision du ministère de l’intérieur italien. Le deuxième musulman soupçonné d’intégrisme, trésorier d’une association culturelle islamique à Côme venait d’être expulsé la semaine dernière.

Les noms des deux hommes se trouvaient depuis 2000 dans les archives italiennes de l’antiterrorisme, explique le quotidien l’Avvenire jeudi 8 septembre. Selon un communiqué du ministère des affaires étrangères, les deux hommes étaient suspectés de «graves troubles d’ordre public et de danger pour la sécurité de l’Etat». La décision a été prise «sur la base de contrôles rigoureux conduits par différents bureaux de l’administration centrale en charge du terrorisme en Italie.

Les motivations à la base de l’expulsion de «l’imam autoproclamé de Turin» comme le nomme le journal l’Avvenire, Bouiriqi Bouc, «sont les mêmes que celles qui ont abouti à l’exil d’un islamiste de Côme la semaine dernière», affirme le quotidien selon des informations officielles. Ce dernier était accusé d’avoir utilisé son poste de trésorier de l’association islamique culturelle de Côme pour financer la mouvance intégriste. Selon le département de l’Intérieur italien, ce n’est qu’un début et d’autres étrangers sont dans le collimateur de l’Etat, risquant des mesures d’expulsions analogues.

L’un des premiers imams arrivés à Turin

Quant à l’imam de Turin, Bouiriqi Bouc,»il a été raccompagné à l’aéroport de Milan Malpensa et embarqué sur un vol partant à 10h30 à destination de son pays d’origine, le Maroc» selon le ministère de l’Intérieur.

Bouiriqi Bouc était l’un des premiers imams a être arrivé à Turin, écrit l’Avvenire. Propriétaire de la boucherie arabe la plus connue de Porta Palazzo, il s’est aussi distingué dans diverses campagnes dont certaines sont considérées comme «intégristes». Ainsi, la lutte pour le droit des femmes arabes de garder le voile sur les photos et documents d’identité. Après le 11 septembre, il avait exprimé sa solidarité avec Oussama Benladen, lors d’une prière à la mosquée, entre autres. Ce qu’il a d’ailleurs nié.

Le prochain à risquer de figurer sur la liste des expulsés pourrait être Abdel Hamid Shaari, président d’un Institut islamique de la Viale Jenner à Milan, avance le quotidien catholique publié dans la capitale lombarde. «Contre ce type de «preuves, nous ne pouvons rien faire», a-t-il affirmé pour sa part. Le président de l’Union des musulmans d’Italie a déclaré à propos de l’expulsion de l’imam de Turin: «S’emparer d’une personne à 3h et demi du matin à son domicile est une méthode digne de la Gestapo».

Pour l’instant la famille de l’imam est en Italie mais compte rejoindre le père expulsé.

A la mosquée de Turin, seuls les jeunes parlent. «Si mon père était expulsé, je partirai avec lui» a déclaré à l’Avvenire un jeune musulman arrivé pour la prière. «Cette façon de traiter les immigrés ne va pas. Nous ne sommes pas tous des délinquants».

L’interprétation de l’art. 3 de la Convention des Droits de l’Homme remise en question

Par ailleurs, le 7 septembre, lors d’une intervention au Parlement européen à Strasbourg, Charles Clarke, le Secrétaire du ministère britannique de l’Intérieur, a demandé que le système judiciaire de l’Union Européenne soit reconsidéré dans l’optique de la lutte contre le terrorisme islamique. Il a dû faire face à des critiques de parlementaires européens, selon le Daily Telegraph du 8 septembre accusant l’Angleterre de persécuter des innocents «simplement parce qu’ils ont l’air musulman». Autres critiques «justice sommaire», «non respect des droits des personnes suspectées de terrorisme», etc.

Il la répliqué en disant que «certaines forces politiques veulent répandre la désinformation et le poison sur ces sujets difficiles et problématiques».

L’ intervention à Strasbourg de Charles Clarke va de pair avec le Sommet informel de deux jours qui se tient à Newcastle, traitant de la coopération antiterroriste. Les ministres compétents devraient en discuter les 8 et 9 septembre et Charles Clarke tentera de convaincre ses homologues les ministres de l’Intérieur et de la Justice européens de plancher sur les obstacles qui empêchent l’expulsion de personnes suspectées d’être dans la mouvance du terrorisme islamique.

Droits de l’individu contre droits collectifs

Lors de son intervention à Strasbourg, Charles Clarke a expliqué pourquoi l’interprétation de l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme devait être revue dans le cadre de la menace d’Al Quaïda.

L’article 3 de la Convention européenne des Droits Humains interdit les traitements inhumains et dégradants. Il a été interprété, selon lui, par la Cour européenne des droits humains à Strasbourg, comme s’étendant à la non expulsion forcée. C’est ce qui s’est passé lors d’un cas impliquant la Grande Bretagne contre un Sikh nationaliste recherché par l’Inde il y a dix ans. (Chahal case) La Cour a alors statué que même l’assurance d’Etat à Etat qu’un individu ne serait pas maltraité n’était pas suffisante pour contrer l’article 3.

Actuellement la Grande Bretagne voudrait expulser au moins 10 étrangers soupçonnés de terrorisme, qui sont détenus ou sous surveillance depuis 2001, ainsi que des prêcheurs musulmans et d’autres individus qui gèrent des sites internet de type «djihadiste» dont le contenu, ajouté après les attentats de Londres le 7 juillet, a été jugé inacceptable par le gouvernement britannique.

Le Premier Ministre Tony Blair a toutefois lui-même reconnu au début de la semaine que les expulsions que souhaite Londres seront certainement bloquées par l’article 3 de la Convention. Même si la Grande-Bretagne conclut une série d’accords bilatéraux garantissant les droits humains avec les Etats des personnes qui seraient expulsées, comme elle l’a déjà fait avec la Jordanie.

Dans son intervention, Charles Clarke a encore souligné que «l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme avait été instauré il y a 50 ans sous la pression de diverses circonstances. Mais il était maintenant important de mettre en balance ces droits de protection de l’individu avec le droit collectif à la sécurité contre ceux qui nous attaquent à travers la violence terroriste».

Il a ajouté «l’un des droits humains importants est la protection contre la torture et les mauvais traitements. Tout aussi important est le droit d’être protégé contre la mort et la destruction causées par un terrorisme aveugle, parfois fomenté et organisé par des personnes provenant de pays en dehors de l’Union Européenne».. (apic/avvenire/bbcnews/vb)

8 septembre 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 5  min.
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