Daniel Craig incarne James Bond dans "Spectre" (Photo:© 2015 MGM / Columbia)
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James Bond, c'est de la religion

Zurich, 06.11.2015 (cath.ch-apic) Dans le contexte du lancement de «Spectre», le dernier James Bond, il est intéressant de considérer en quoi cette série culte du cinéma relève du phénomène religieux. Il y a, dans les films les plus récents, un certain nombre d’éléments révélant une dimension existentielle du personnage, tels que la découverte de l’amour dans «Casino Royale», ou la chute vers l’abîme dans «Skyfall». Ce n’est pas un hasard si la scène finale du film se déroule dans une église. Depuis ce tournant, la saga intègre de manière évidente des références religieuses. «Spectre» débute d’ailleurs par une danse macabre à Mexico.

Après un «jeûne» de trois ans pour les fans, nous sommes de retour dans «l’Année sainte de James Bond». La sortie du film provoque un raz de marée médiatique et promotionnel. Il s’agit d’un phénomène massif, auquel on ne peut échapper. Que ce soit sur des affiches, dans les journaux, sur internet, à la télévision, partout le visage de 007 apparaît avec l’annonce de la bonne nouvelle: «Le nouveau James Bond est arrivé!» Mais quel rapport ce phénomène entretien-t-il avec la religion? Quel lien peut-on établir entre la série cinématographique la plus longue et la plus importante de tous les temps et la sacralité?

Elévation spirituelle

Il faut tout d’abord constater que le personnage de James Bond peut s’enorgueillir, depuis son apparition au cinéma dans les années 1960, d’une carrière exceptionnelle. Le matricule est passé, à travers les décennies, par tout un développement personnel: de l’agent coureur de jupons de «Docteur No» et de «Goldfinger», en 1962 et 1964, au serviteur souffrant de Sa Majesté, frappé par l’amour, et dont le sol se dérobe sous les pas. Depuis «Casino Royale», en 2006, une nouvelle mouture du personnage est en effet apparue, désormais capable de souffrir, vulnérable et soumis au doute existentiel.

Cette icône du cinéma populaire est incontestablement marquée, au cours de la saga, par une forme d’élévation spirituelle. Ce n’est pas un hasard si dans «Skyfall» (2012), la chute du ciel dans l’abîme est une image récurrente. La crise existentielle de Bond se reflète dans une imagerie opposant le bien et le mal. Les forces du mal sont si écrasantes qu’elles parviennent à précipiter le héros dans l’enfer du doute. Le film présente la descente de l’agent secret dans le royaume des morts, dans les profondeurs de son histoire familiale et dans sa prise de conscience existentielle à travers un amour perdu.

Pietà inversée

«Spectre» est le deuxième opus de la série réalisé par Sam Mendes. Il a choisi l’angle de la réfraction multiple, une sorte de salle des miroirs, qui reflète la division intérieure du héros. L’icône de l’homme fort et indestructible, comme elle a été construite à travers les premiers films avec Sean Connery, se désintègre en fragments et en miroitements confus. La scène finale de «Skyfall» se passe ainsi dans une église, un espace sacré. C’est là que meurt M, la supérieure et la mère de substitution de Bond, incarnée de façon magistrale par Judi Dench. Elle meurt dans les bras de James Bond, dans une pietà inversée: au lieu de Jésus gisant dans les bras de Marie, c’est M qui repose dans les bras du héros.

Danse macabre

Dans «Spectre», Sam Mendes présente une danse macabre, dans ce qui est sans nul doute la meilleure scène du film. «Les morts sont vivants», entend-on au début, alors que l’agent secret se mêle à la fête des morts, à Mexico. C’est aussi «l’ancienne M» qui continue à vivre dans ce testament. (…) La danse macabre est un élément phare du film, qui ressurgit de façon récurrente. Le procédé rappelle celui utilisé dans «Le septième sceau» d’Ingmar Bergman, en 1957. Avec la mort en compagnon constant, le cavalier Antonius Block parcourt un pays dévasté par la peste, la folie religieuse, la peur et la détresse. La scène la plus connue est la partie d’échecs avec la mort, à laquelle une scène de «Spectre» se réfère.

Avec la danse macabre, l’imagerie du mal-satanique entre en jeu. Chaque fois que le mal est mis en scène, il est associé à l’opposition maléfique-sacré. C’est un aspect du mal rationnel et hautement sophistiqué qui est principalement présent dans «Spectre», personnifié par Christoph Waltz, dans le rôle de l’inquiétant Franz Oberhauser. Le mal prend ici à nouveau un air de tranquillité angoissante. Cette figure du méchant est également rehaussée d’aspects religieux et profite de cette imagerie maléfique-sacré.

Une série réellement culte

Les scènes d’action spectaculaires ne doivent pas occulter le fait que les films font l’objet, dans la communauté mondiale des fans, d’un véritable culte. Cette dévotion ne serait ainsi pas possible sans ce substrat religieux présent dans la série. Le succès de la plus longue et la plus ancienne série de cinéma depuis 1962 doit non seulement sa capacité à s’adapter au mode de vie de l’époque, mais aussi aux rituels des films d’action et d’agents secrets. Cet aspect comprend l’ironie. Quand James Bond, dans «Skyfall», répond laconiquement au méchant: «mon hobby c’est la résurrection», on se retrouve dans un cinéma surréaliste et ironique. C’est pour ces jeux de mots et cet esprit que la figure de James Bond est avant tout adulée par les fans: il déclenche l’admiration à la fois par son physique, son approche directe et son ironie.

James Bond, le héros, est devenu immortel. Même l’alternance des différents acteurs ne peut pas lui faire de mal. Il incarne la célébration d’une icône de la culture populaire: Martini «secoué, pas remué», Aston Martin, gadgets techniques amoureusement conçus par «Q», belles femmes, aventures, dangers et voyages à couper le souffle à travers le monde. On peut très bien rapprocher tout cela d’une forme de culte des idoles, tel qu’il existait dans le monde antique. (apic/cm/rz)

 

Daniel Craig incarne James Bond dans «Spectre»
6 novembre 2015 | 15:37
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 4 min.
Charles Martig (6), cinéma (119), Culture (106)
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