Javier Milei, le messie argentin
Le 10 décembre 2023, Javier Milei devenait président de l’Argentine. Depuis, cet outsider politique au verbe vulgaire et théâtral administre des remèdes de cheval à son pays pour lutter contre l’inflation. Avec, en toile de fond, des croyances religieuses surprenantes.
Christine Mo Costabella et Bernard Hallet
Officiellement catholique, Javier Milei se définit comme «spirituellement juif». Un de ses conseillers les plus influents est un rabbin orthodoxe, Shimon Axel Wahnish, que le président a nommé ambassadeur d’Argentine auprès d’Israël. Israël qui est d’ailleurs le premier pays auquel Milei a consacré un voyage présidentiel, en février 2024. Le chef d’Etat argentin s’y était longuement montré priant devant le Mur des lamentations, visiblement très ému.
Juif ou chrétien, Milei cite en tout cas la Bible à tour de bras. Notamment un passage du Livre des Maccabée dont il a fait un mantra: «La victoire ne dépend pas du nombre des soldats, mais de la force que Dieu donne». Milei, qui se définit comme un anarco-capitaliste, a en effet été élu député en 2021 sous les couleurs de son tout nouveau parti, La libertad avanza (La liberté avance), alors qu’il était un total outsider politique. Il a ensuite remporté l’élection présidentielle de 2023 avec seulement 17% des sièges au parlement.
Tendances mystiques
«Les forces du Ciel», c’est le titre d’un livre-enquête du journaliste argentin Juan Luis Gonzalez, publié cette année, qui dévoile les tendances mystiques du président. Selon Gonzalez, Javier Milei pense sincèrement être une sorte de messie choisi pour sauver l’Argentine. Il aurait entendu l’appel de Dieu à devenir président en 2020.
Son intérêt pour le monde spirituel daterait de 2017, quand son chien adoré, Conan, est mort et qu’il a tenté d’entrer en contact avec lui via une médium. Un goût pour l’ésotérisme également très présent chez sa petite sœur et lieutenant politique, Karina Milei, désormais secrétaire de la présidence. Elle pratique la médiumnité et le pendule. Javier Milei la surnomme «Moïse», car c’est elle qui recevrait les inspirations divines, alors que lui ne serait que son interprète devant le peuple, comme le frère de Moïse, Aaron.
Enfant de la post-modernité
Cet étonnant cocktail religieux peut prêter à plusieurs lectures. D’un point de vue sociologique, Javier Mielei est un enfant de la post-modernité, dans laquelle chacun choisit ce qui lui convient dans le grand marché mondialisé du religieux. D’un point de vue politique, son discours biblique peut avoir contribué à rallier la droite nationaliste conservatrice à sa famille idéologique, l’ultra-libéralisme. Une convergence déjà observée dans les années 1960-1970 au moment de la Guerre froide. Reste la part impossible à déterminer de sincérité chez cet homme politique hors normes, qui se croit, selon Juan Luis Gonzalez, réellement désigné par «les forces du Ciel» pour présider aux destinées de son pays. (cath.ch/cmc/bh)





