Jean de Meulan, l’évêque qui a pris soin des femmes et des enfants
Au 14e siècle, alors que la famine et la peste ravagent la France, peu se soucient des femmes et des enfants mourant dans les rues. L’évêque de Paris, Jean de Meulan, fonde alors le premier hôpital pour enfants de l’histoire, inaugurant un mouvement de charité qui perdure jusqu’à aujourd’hui.
Paris est dans le chaos le plus total. En cet hiver particulièrement rude de 1362-1363, les cadavres jonchent les rues de la capitale. Tristement, ce sont souvent ceux de femmes et d’enfants. Impossible de dire s’ils ont succombé au froid, à la faim ou à la peste. Depuis 1361, l’Europe connaît une vague épidémique appelée parfois «peste des enfants», car elle touche de manière disproportionnée les plus jeunes.
Cela survient alors que les populations n’ont pas encore pu se relever de la Grande peste noire, qui a ravagé une importante partie du monde entre 1348 et 1350. Elle a emporté près d’un tiers de la population européenne. La nouvelle vague de peste accentue la crise démographique et sociale, déjà aggravée par la guerre de Cent Ans et les difficultés économiques.
Les femmes et les enfants, citoyens de seconde zone
Il n’est pas rare que les familles abandonnent ou chassent de leurs foyers, faute de pouvoir les nourrir, les membres les plus faibles, principalement les femmes et les enfants. Ces personnes se retrouvent aussi parfois dans la rue suite aux décès de leurs proches. Mgr de Meulan déplore publiquement, lors de l’hiver 1363, les viols de jeunes femmes sans défense, leur prostitution forcée, les innombrables décès dus au froid.
L’époque n’est certes pas dénuée de charité et des lieux existent pour accueillir les pèlerins, les lépreux, les vieillards, les infirmes et les malades. Mais il s’agit surtout d’hommes adultes. Les femmes et les enfants sont alors considérés comme des citoyens de seconde zone. Une situation que l’évêque n’accepte pas. «C’est un devoir plus sacré dans les hôpitaux et plus nécessaire de procurer un toit aux femmes qu’aux hommes, et aux enfants qu’aux anciens», proclame-t-il.
«Le rapport que l’Église entretient avec la pauvreté et la maladie est spirituel»
Il existe bien, à Paris, quelques foyers d’accueil pour les orphelins. Mais ils sont tenus par des privés charitables qui les soignent et les élèvent à leurs frais, rapporte Le Livre des Merveilles. Ce qui est largement insuffisant alors que la Grande faucheuse fait du zèle.
Mgr de Meulan décide donc de fonder l’Hôpital du Saint-Esprit, sur la Place de Grève, au centre de la capitale. Il s’agit du premier hôpital dont la mission principale est le secours des enfants.
Le visage du Christ dans celui des malades
Si la fondation de l’Hôpital du Saint-Esprit est une démarche pionnière pour les enfants et les femmes, elle s’inscrit dans une tradition de soins ancrée depuis longtemps dans la chrétienté. Dès ses origines, l’assistance aux pauvres et aux malades est revendiquée par l’Église comme une fonction fondamentale. L’action hospitalière a été institutionnalisée rapidement, notamment par la création des ordres hospitaliers. Les deux plus connus sont les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, voués à l’accueil des pèlerins de Terre sainte et l’ordre du Saint-Esprit, né à la fin du 12e siècle, dont l’influence a été considérable dans l’organisation des hôpitaux.
Le rapport que l’Église entretient avec la pauvreté et la maladie est spirituel, rappelle Le Livre des Merveilles. Tous sont les représentants du Christ, figure d’une souffrance rédemptrice, selon les paroles de Jésus: «Ce que vous avez fait au plus petit… c’est à moi que vous l’avez fait.»
Les soins du corps et de l’âme
L’Église a longtemps été la seule institution assurant la prise en charge spécifique de la santé des enfants. Le tout premier hôpital pédiatrique «pur» dans le monde occidental est souvent considéré comme l’Hôpital des Enfants-Malades à Paris, fondé en 1802.
«Le Bambino Gesu est aujourd’hui reconnu internationalement pour la qualité de ses soins»
Les hôpitaux catholiques pour enfants ne se limitaient pas à l’aspect médical. Dans beaucoup de cas, ils intégraient une dimension éducative, sociale, spirituelle. Le soin de l’enfant était envisagé dans sa globalité (souvent corps et âme), avec un accent mis sur la compassion, la gratuité ou des tarifs accessibles.
Dans de nombreux pays, les congrégations religieuses (sœurs hospitalières, frères hospitaliers, ordres de charité) fondaient des hôpitaux, souvent en milieu rural ou dans des zones peu desservies. Pendant des siècles, ils ont eu pour vocation de soigner, d’assister les pauvres, ou les enfants abandonnés, orphelins.
Des hôpitaux pédiatriques catholiques à la pointe
L’Église a poursuivi ce service particulier au cours de son histoire. L’Ospedale Pediatrico Bambino Gesù, fondé en 1869 à Rome par Arabella Salviati, a été l’un des premiers hôpitaux pédiatriques du pays. L’établissement dépendant du Vatican est aujourd’hui reconnu internationalement pour la qualité de ses soins. Avec sa spécialisation dans les maladies et affections, rares, il accueille des enfants du monde entier qui ne peuvent souvent pas être soignés dans leur pays d’origine.
Un autre exemple notable est le Caritas Baby Hospital de Bethléem. Il a été fondé en 1953 en Terre sainte par le réseau Caritas, un prêtre, une doctoresse, avec des congrégations religieuses. L’établissement, qui a très modestement démarré, avec deux salles louées et 14 enfants, est devenu un hôpital pédiatrique central dans la région. Il offre des soins abordables, parfois gratuits, à la population locale, avec une forte dimension de solidarité. (cath.ch/livredesmerveilles/arch/rz)
Au cours de l’histoire, de nombreuses personnalités catholiques, certaines méconnues, ont contribué à la civilisation dans divers domaines. cath.ch propose d’en mettre certaines en lumière à travers une série bimensuelle.


