Jérusalem: Craintes d’une vague de confiscations de terres arabes à Jérusalem-Est

En vertu de la «Loi sur la propriété des absents»

Jérusalem, 24 janvier 2005 (Apic) Une vague de confiscations de terres dans la partie arabe de Jérusalem en vertu de l’application dans la ville sainte de la «Loi sur la propriété des absents» pourrait bien avoir lieu, selon les médias israéliens. Les premiers «dunums» appartenant à des propriétaires vivant en Cisjordanie ont déjà été saisis par l’Etat d’Israël.

Cette loi de 1950, qui visait à déposséder de leurs biens, à l’intérieur d’Israël, les Palestiniens déclarés alors «absents» et transférer ces biens à un organisme juif, pourrait à nouveau servir. Cette fois-ci contre des milliers de Palestiniens qui possèdent des terres dans la partie arabe annexée de Jérusalem, une annexion non reconnue par la communauté internationale. C’est le quotidien israélien «Haaretz» qui révèle l’affaire.

Confiscations dans le plus grand secret

Dans un article intitulé «Injustice et stupidité à Jérusalem», le quotidien israélien révèle que cette pratique de confiscation en vigueur depuis l’été dernier n’a jamais été rendue publique ni même publiée dans la gazette officielle «Reshumot». Il s’agirait «pour des raisons de sécurité» d’empêcher pour toujours les propriétaires légaux – dont les noms et l’adresse sont pourtant connus ! – d’avoir la jouissance de leurs biens et de les transférer à l’Etat d’Israël. Les propriétés visées valent des centaines de millions de dollars, selon «Haaretz».

Des propriétaires palestiniens ont perdu leurs droits de propriété sur des terres en août dernier déjà à Bethléem et à Beit Jalla après qu’elles aient été coupées par le mur de séparation érigé par Israël, rapporte pour sa part la BBC.

Notons que la «Loi du retour» donne le droit à tout juif de toute nationalité de s’installer en Israël et d’obtenir la citoyenneté israélienne. La «Loi sur la propriété des absents» permet de son côté le transfert des biens des personnes déclarées «absentes» (réfugiées ou déplacées) aux organismes juifs. Selon cette «loi», les biens des absents – qui peuvent vivre dans certains cas à seulement 100 mètres de leurs terres – sont transférés au Gardien des Propriétés des Absents, sans que celui qui est déclaré «absent» puisse prétendre à la moindre compensation pour son bien confisqué ou puisse faire appel, rapporte la BBC.

Ariel Sharon et le procureur général d’Israël dans le collimateur

Cette «loi» de confiscation des terres n’était pas en application depuis que la législation israélienne avait été étendue à Jérusalem-Est après la «Guerre des six jours» en 1967. La «Loi sur la propriété des absents» est désormais à l’ordre du jour dans la partie arabe de la ville, selon le voeu d’Ariel Sharon.

Le gouvernement du Premier ministre Ariel Sharon a décidé de mettre en oeuvre discrètement cette législation spéciale en juillet dernier, alors qu’elle avait été laissée en sommeil par les gouvernements israéliens successifs, écrit le journal «Haaretz».

Cette décision n’a été rendue publique que maintenant et n’apparaît pas sur le site internet du Bureau du Premier Ministre. Ces expropriations, qualifiées d’»illégales» par les avocats des personnes dépossédées, ont reçu le consentement du Procureur général d’Israël, Menachem Mazuz.

Cela signifie que des milliers de Palestiniens qui vivent en Cisjordanie vont perdre la propriété de leurs biens à Jérusalem-Est. Les responsables gouvernementaux estiment que ces biens totalisent des milliers de dunums (un dunam = 1000 m2), alors que d’autres estimations indiquent qu’ils pourraient se monter à la moitié de l’ensemble des propriétés de Jérusalem-Est.

Selon les avocats, il s’agit d’un «vol de terres»

Quand Jérusalem s’est retrouvée sous la loi israélienne, le procureur général de l’époque, Meir Shamgar, ordonna que la loi ne soit pas appliquée aux résidents de Cisjordanie possédant des propriétés dans les parties de Jérusalem qui devenaient incluses dans l’Etat d’Israël.

En 1993, le premier ministre Rabin a renouvelé cette directive. Les propriétaires de terres palestiniens et leurs avocats israéliens appellent cela «un vol de terre» et s’inquiètent de ce que les plans en préparation du Ministère du Logement vont faire construire sur les biens des absents.

Johnny Atik, un résident de Bethléem cité par «Haaretz», affirme que des propriétés appartenant à 40 personnes dans son quartier ont été saisies. Il a l’intention de faire appel devant la Cour Suprême israélienne pour des plantations d’oliviers qui ont été confisquées. Selon les juristes Daniel Seidemann et Mohammed Dahla, qui défendent plusieurs propriétaires, des centaines d’autres Palestiniens pourraient voir leurs propriétés saisies, alors qu’ils les possèdent depuis des centaines d’années.

«Haaretz» rappelle qu’il est impossible de ne pas qualifier la décision du cabinet israélien de «vol» aussi bien que d’un acte de «stupidité d’Etat du plus haut niveau». Le journal rappelle qu’Israël a déjà saisi des terres et des propriétés appartenant à des Palestiniens durant les années d’occupation, «réduisant leur espace de vie dans le but d’établir des colonies à Jérusalem, en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza». Le journal dénonce en Ariel Sharon la personne responsable de nombre de ces projets «non nécessaires».

Le journal israélien estime que la «Loi sur la propriété des absents» peut avoir été tolérable à l’époque de l’établissement de l’Etat d’Israël et de la Guerre d’indépendance, mais «elle est inappropriée 55 ans plus tard». (apic/haar/bbc/be)

24 janvier 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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