Kenya: Appels pressants en faveur d’une Commission «vérité et réconciliation»
Les Eglises se mobilisent pour la paix
Nairobi, 24 janvier 2008 (Apic) Le cardinal John Njue, archevêque de la capitale kényane Nairobi, a appelé le président Mwai Kibaki et le leader d’opposition Raila Odinga a entamer des négociations sans conditions afin de sauver leur pays en proie aux violences de la rue. Les appels se font de plus en plus pressants pour que l’on mette sur pied au Kenya une Commission «vérité et réconciliation».
Son appel est intervenu lors d’une journée nationale de prière pour la paix et alors que certains leaders religieux et politiques suggéraient la création d’une Commission pour la paix, la justice et la réconciliation. Il s’agit de créer une organisation similaire à celle qui avait été mise en place en Afrique du Sud après l’apartheid, afin de mettre fin durablement à la crise politique que connaît le Kenya.
«J’appelle Mwai Kibaki et Raila Odinga à s’asseoir et discuter sans exiger de conditions de la part de l’autre … Si vous avez de la dignité, rencontrez-vous et discutez», a lancé le cardinal lors d’un discours prononcé en début de semaine à Juja, près de Nairobi.
Plus de 650 personnes ont été tuées et 250’000 autres déplacées dans le cadre des violences, qui, dans certaines régions, ont tourné au conflit interethnique, à la suite des résultats contestés de l’élection présidentielle. La plupart des personnes déplacées se trouvent dans la province de la vallée du Rift, à l’ouest du pays, où des affrontements interethniques ont lieu depuis 1992 déjà.
Le dialogue est plus urgent que jamais
«Ouvrez les yeux. Pensez à l’avenir et admettez que pour que le Kenya revienne à la paix, pour que les divisions tribales prennent fin et pour que le meurtre de Kenyans innocents cessent, vous devez dialoguer», a déclaré le cardinal Njue, qui est à la tête de la Conférence épiscopale du Kenya. Ceux qui oeuvrent en faveur d’une solution pacifique espèrent désormais que l’ancien secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan, arrivé au Kenya le 22 janvier, use de son influence et de son adresse pour jeter un pont entre les groupes rivaux. Les deux parties ont affirmé n’avoir fixé aucune condition préalable en vue de négociations, mais certains ministres du gouvernement ont indiqué que rien ne justifiait la médiation internationale exigée par l’opposition.
«Notre pays a besoin de panser ses blessures. Je pense que cette commission est le meilleur moyen d’y parvenir», a déclaré l’évêque anglican de Mombasa, Julius Kalu, au correspondant de l’agence de presse oecuménique ENI le 22 janvier au cours d’une interview. L’évêque Kalu a déclaré que les responsables politiques devaient écouter les médiateurs, se mettre d’accord sur le problème et sur une solution. Ils devraient demander aux Kenyans de se pardonner. «A l’heure actuelle, le patient (le Kenya) souffre de blessures multiples et nous ne savons pas où soigner. Le patient doit être placé en observation afin que le bon diagnostic soit établi», a expliqué l’évêque Kalu.
Au lendemain de l’élection présidentielle de décembre 2002, organisée après le retrait de la vie politique de Daniel Arap Moi à l’issue de 24 années à la tête du pays, le gouvernement du président Mwai Kibaki nouvellement élu avait proposé la création d’une commission «vérité et réconciliation».
«Elle n’a jamais vu le jour. Mais je pense qu’on ne peut pas y échapper maintenant. Elle se fait attendre depuis longtemps», a déclaré le pasteur kenyan Fred Nyabera, à la tête de l’Association des Conseils chrétiens et des Eglises dans la région des Grands Lacs et de la Corne de l’Afrique.
«Le décompte des votes n’a été que le détonateur (des violences).» A Edimbourg, l’Eglise d’Ecosse s’est jointe aux appels des leaders religieux du Kenya en faveur d’une fin des violences et du bain de sang, et de l’établissement d’une commission pour la vérité et la réconciliation.
Le pasteur Colin Renwick, président du Conseil de la mission mondiale de l’Eglise d’Ecosse, a déclaré avoir été profondément bouleversé d’apprendre du partenaire kenyan de son Eglise – l’Eglise presbytérienne d’Afrique de l’Est, qui compte 3 millions de fidèles – les conséquences dévastatrices qu’il a subies ces trois dernières semaines. Il a souligné que l’Eglise a du fermer trois de ses districts parce que tous les membres de l’Eglise avaient fui ces zones.
Le pasteur Renwick a réitéré les appels du Forum interreligieux du Kenya, constitué de responsables chrétiens, hindous et musulmans, qui demande notamment qu’on referme le chapitre de l’élection générale de 2007 après examen et qu’une commission pour la vérité, la justice et la réconciliation soit établie pour traiter les questions relatives au conflit déclenché par cette élection. (apic/eni/be)