Pour le Père Moretti, un drame de la misère

Kenya: L’alcool frelaté a déjà causé la mort de 132 personnes

«Les victimes de l’alcool frelaté ont été tuées par la pauvreté», dénonce le missionnaire combonien Franco Moretti, ancien directeur du magazine italien «Nigrizia». Nombre de victimes sont actuellement à l’hôpital et ont perdu la vue. L’enquête ouverte par les autorités a conduit à l’arrestation de plusieurs femmes qui commercialisaient ce produit toxique.

Les producteurs auraient utilisé du méthanol, un produit que l’on trouve habituellement dans les solvants et l’antigel des batteries, et qui, en cas d’absorption, provoque nausées, vomissements, céphalées, vertige, ivresse, troubles de la vue, cécité, en raison d’une lésion irréversible du nerf optique. La police ignore encore quelle distillerie clandestine est responsable de l’empoisonnement. Ces boissons dangereuses mais bon marché ont un degré d’alcool plus élevé et sont quelques fois frelatées. Les boissons alcoolisées artisanales traditionnelles sont fabriquées à base de farine de maïs et de sorgho fermentés dans des distilleries clandestines. Elles sont habituellement consommées par les nombreux Kenyans qui n’ont pas les moyens de payer la bière ou les alcools vendus dans le commerce qui sont chers et lourdement taxés.

Une bière de marque, l’équivalent d’un salaire journalier

«Une bière de marque coûte environ 80 schillings kenyans, alors qu’un ouvrier gagne environ 100 schillings par jour. Mais un litre de chang’aa ne coûte qu’un peu plus de 20 schillings, explique le Père Franco Moretti, ancien directeur du magazine missionnaire italien «Nigrizia». Or, selon le missionnaire italien, «beaucoup de pauvres à Nairobi sont alcooliques, cela les aide à oublier les problèmes.»

Cela explique que le chang’aa, dont il existe plusieurs formules, est illégal. «Dans les villages, cette boisson fait de 15 à 20 degrés mais celle qui est produite et vendue à Nairobi équivaut à du whisky ou à de l’eau de vie, explique encore le Père Moretti. En général, elle est faite par des femmes pauvres qui essaient ainsi de joindre les deux bouts, mais bien souvent, ces personnes ne prennent soin ni de la fermentation ni de la distillation, ce qui rend la boisson très dangereuse.»

Les décès dus à la consommation de chang’aa sont assez fréquents mais pas en aussi grand nombre. Ce qui s’est produit en début de semaine passée est en revanche exceptionnel au regard du nombre de victimes touchées en même temps dans trois quartiers de la capitale. Ce qui donne à penser au père combonien que ceux qui ont mis en vente ce produit toxique ne sont pas les femmes habituelles mais des personnes parvenues à créer un réseau commercial efficace et de grande dimension.

Un officier de police de la province de Nairobi a précisé que la plupart des victimes sont des hommes. La police a pour le moment arrêté 58 personnes suspectées d’avoir vendu les liqueurs dans les bidonvilles des environs de Nairobi et des districts voisins. La police suspecte le propriétaire d’une usine de produits chimiques qui fabrique du méthanol. (apic/misna/bbc/be)

19 novembre 2000 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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